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l'action. Il seroit ridicule de le faire arriver par un simple changement de volonté; ce qu'on ne voit que trop dans plusieurs pièces de ce genre. Si le poète place un vaudeville à la fin, il le composera de manière qu'il paroisse faire partie du sujet, et qu'il se rapporte aux personnages. C'est une règle qu'il est important de ne pas violer, parce que l'illusion doit durer aussi long-temps que les acteurs sont sur la scène. Quant à la diction, il ne faut se permettre aucune négligence dans le style: les pensées doivent toujours être claires et justes, les expressions propres et choisies suivant la nature du sujet.

ARTICLE IV.

Du Poème Tragique.

Nous venons de voir un genre de poésie, destiné à donner, dans l'appareil du spectacle, des leçons aux hommes, en les divertissant, en les faisant rire. En voici un, également destiné, sous la pompe théâtrale, à nous instruire, en nous arrachant des larmes. Mais ce sont des larmes bien douces, des larmes délicieuses le théâtre n'a pas moins d'attraits pour nous, lorsqu'il nous attendrit, que lorsqu'il nous égaie. Ce genre de poésie dramatique comprend, 1o. la

:

tragédie proprement dite; 2°. la tragédio lyrique, ou opéra.

I.

De la Tragédie.

Inspirer l'horreur des grands crimes et l'amour des grandes vertus, telle est la fin morale de la tragédie. Pour y parvenir, elle nous met sous les yeux des exemples pris dans les plus hautes conditions, dans les rangs les plus élevés. Ce sont des révolutions éclatantes, des malheurs terribles, des hommes. puissans et heureux, précipités souvent, pour quelques foiblesses, du faîte des Définition grandeurs et de la prospérité. Ainsi la de la Tra- tragédie est un poème qui imite par

gédie.

l'action, ou, ce qui est la même chose, qui représente une action héroïque et malheureuse. Cette action est héroïque dans son principe, dans son objet, et par l'état des acteurs.

Héroïque dans son principe. Elle part d'une ame forte, courageuse, élevée audessus des ames vulgaires. Telles sont, parmi les actions vertueuses, l'action d'Auguste qui pardonne à Cinna; celle d'Héraclius qui veut mourir pour sauver son ami. Telles sont, parmi les actions criminelles, l'action de Médée, qui égorge ses enfans; celle de Cléopâtre qui

poignarde un de ses fils et veut empoisonner l'autre ; personnages atroces, mais qui, dans leurs forfaits mêmes, ont une ame grande et ferme, qui nous étonne.

Héroïque dans son objet. Elle est fondée tantôt sur les intérêts de toute une nation, comme dans les Horaces, où le sort de Rome est entre les mains de trois combattans; dans Iphigénie en Aulide, où la Grèce assemblée demande le sang de la fille d'Agamemnon; tantôt sur les intérêts particuliers de quelques princes, comme dans les tragédies de Cinna, de Britannicus, de Mithridate, etc.

Héroïque par l'état des acteurs. Les personnages qui agissent, ou contre lesquels on agit, sont des rois, des princes, des hommes illustres par leur rang et leurs dignités, ou fameux dans l'histoire par le grand rôle qu'ils ont joué sur la scène du monde. Ainsi les actions qui se passent dans des conditions communes, entre des hommes ordinaires, ne peuvent pas être héroïques, et par conséquent sont indignes de la tragédie. De là ces pièces de théâtre, qu'on appelle tragédies bourgeoises, entièrement proscrites par l'homme de goût, qui ne transpose jamais les limites des arts, qui ne confond jamais les genres, sous prétexte de les enrichir.

L'action qu'imite la tragédie est mal

heureuse. Le cothurne rejette toutes celles qui n'ont rien de funeste, quand même les plus illustres personnages en seroient les auteurs. Mais il ne faut pas croire que cette action doive, pour qu'elle soit malheureuse, être sanglante. Ce n'est point une nécessité, dit Racine dans sa préface de Bérénice, qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie: il suffit que l'action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse, qui fait tout le plaisir de la tragédie.

La scène tragique, sans exiger absolument une action terminée par une sanglante catastrophe, en veut donc toujours une, qui, par les diverses circonstances dont elle est accompagnée, par la situation où se trouvent les principaux personnages, remue fortement le coeur, et l'agite avec véhémence. Or, nulle action théâtrale ne peut produire cet effet, si elle n'est terrible et touchante, si elle ne nous offre un malheur assez grand, pour nous effrayer, et pour nous attendrir. La terreur et la pitié sont par conséquent les passions que doit exciter la tragédie: elles en sont tout-àla-fois la base et l'objet, parce que ce sont les deux plus grands ressorts qu'on puisse mettre en jeu, pour émouvoir

notre ame.

Que dans tous vos discours la passion émue
Aille chercher le cœur, l'échauffe et le remue.
Si d'un beau mouvement l'agréable fureur
Souvent ne nous remplit d'une douce terreur,
Ou n'excite en notre ame une pitié charmante,
En vain vous étalez une scène savante (1).

La terreur, suivant Aristote, est un De la tertrouble de l'ame, qui vient de ce que reur et de la pitié. nous nous imaginons qu'il doit arriver quelque mal qui menace notre vie, ou du moins capable de nous causer une grande affliction. Le poète tragique doit donc, pour exciter ce sentiment dans notre ame à l'égard d'un personnage qui nous intéresse, nous le faire voir dans des circonstances et des situations, où il soit menacé d'un grand malheur, où sa vie soit en danger. Telle est, dans la tragédie de Rodogune, la situation d'Antiochus et de Seleucus son frère. Nous craignons pour ces deux princes, lorsque nous entendons Cléopâtre, dont l'horrible caractère nous est déjà connu, dire avec emportement:

Sors de mon cœur, nature, on fais qu'ils m'obéissent;
Fais-les servir ma haine, ou consens qu'ils périssent.
Mais l'on a déjà vu que je les veux punir.
Souvent qni tarde trop, se laisse prévenir.
Allons chercher le temps d'immoler mes victimes,
Et de me rendre heureuse à force de grands crimes.

Nous tremblons pour Antiochus, lorsque cette mère dénaturée dit elle-même

(1) Boileau. Art Poét. ch. III.

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