Style de la qui aiment beaucoup mieux entendre des douceurs à la comédie, que d'y voir jouer leurs défauts, et qui sont intéressés à préférer un dialogue insipide à cette plaisanterie fine qui attaque les mœurs: rien n'est plus désolant que de ne pouvoir être impunément ridicule. Ce principe posé, il faut renoncer à l'art charmant des Terence, des Plaute, des Molière, et ne se servir du théâtre que comme d'un bureau général de fadeurs.... Mais mon zèle pour la bonne, pour la véritable comédie va si loin, que j'aimerois mieux y être joué, que de donner mon suffrage à ce monstre bâtard, que le mauvais siècle a remis au monde ». On a donné le nom de Comédies héroïques, à celles où l'on a introduit des princes et des rois. Mais elles ne sont pas plus de vraies comédies, que celles dont je viens de parler, parce que la comédie, on ne sauroit trop le répéter, se borne à représenter les moeurs des hommes dans une condition privée. Il y a des Comédies - ballets qu'on joue sur le Théâtre Français. Ce sont des pièces, dont les intermèdes sont remplis par des pantomimes, ou par des chants et des danses. Telle est le Malade Imaginaire de Moliere. Le style familier est celui auquel les Grecs et les Latins se sont toujours attachés dans la comédie : ils n'ont jamais franchi les bornes du discours naturel. Nos bons comiques, et surtout notre admirable Molière, se sont parfaitement conformés à cette règle dictée par le goût. Les imiter, et tâcher de les égaler, est une loi, à laquelle le poète comique doit rigoureument s'astreindre, s'il veut que ses ouvrages causent le même plaisir au lecteur et au spectateur. Il faut que son syle soit simple, facile, et approchant de la conversation, sans que pourtant il soit jamais lâche, rampant et décousu. Les expressions doivent être vives et choisies, mais jamais pompeuses et magnifiques point de grands mots, point de figures éclatantes et soutenues. Les pensées doivent être fines et délicates, mais toujours justes, toujours vraies, toujours rendues par des expressions naturelles, et avec assez de clarté, pour que les spectateurs d'une médiocre intelligence puissent les bien comprendre. Une métaphysique subtile un dialogue semé de traits pétillans qui décèlent dans l'écrivain la fureur du belesprit, une diction affectée et précieuse par un excès de délicatesse, sont insupportables dans la comédie, et sont toujours regardés par les vrais connoisseurs comme une marque sûre, comme l'effet du goût le plus dépravé. Le poèle parle pour tous les spectateurs que renferment les diverses classes de la société. Par conséquent il doit parler la langue de tous les états, c'est-à-dire, se faire également entendre du bourgeois et de l'homme de cour, de l'ignorant et du savant. En un mot, soigneux de ne s'attacher qu'au vrai, il ne doit jamais s'écarter de la nature dans sa manière de penser et de s'exprimer. Mais observons que par le style naturel, on doit entendre ici, comme dans toute autre production littéraire, un style convenable et proportionné à la nature du sujet, à la qualité du personnage, et à la situation où il se trouve. Voilà pourquoi la comédie élève quelquefois le ton; c'est dans des sujets d'une certaine importance. Voilà pourquoi un vieillard parle quelquefois avec feu et avec emphase, suivant l'expression d'Horace; c'est lorsqu'il est indigné contre son fils. Venons à un exemple sensible que m'offre la belle comédie de la Métromanie par Piron. Un jeune homme né avec une imagination vive, est possédé de la manie des vers. Toutes les faveurs de la fortune, tout l'éclat imposant des dignités, toutes les douceurs d'un amour pur et honnête ne sont rien à ses yeux, en comparaison de de la gloire dont se couvre le grand poète. N'est-il pas naturel qu'il parle avec chaleur et avec véhémence de cet art, dont il fait ses délices, et si propre à échauffer l'imagination de celui qui le cultive? On ne sera donc pas surpris qu'il prenne un ton si élevé, en disant: Ce mélange de gloire et de gain m'importune. De ce dernier la gloire est durable et complète: Ma vertu donc se borne au mépris des richesses; On m'ignore; je rampe encore à l'âge heureux, L'oncle de ce jeune homme lui représente qu'aujourd'hui on ne fait queglaner où ces rares génies moissonnoient à leur aise. Il est encore naturel que le jeune poète alors transporté d'un vif et noble enthousiasme, lui réponde: Ils ont dit, il est vrai, presque tout ce qu'on pense. Et tarissant la source où puise un beau délire, Un démon triomphant m'élève à cet emploi: Mais la cabale et la satire se déchaînent contre les meilleurs écrivains. Des dégoûts affreux vont être le partage du jeune métromane. Il n'en est pas ébranlé: il les bravera; et il peut dire en un langage riche et pompeux : Que peut contre le roc une vague animée? Voilà un style, qui, dans tout son éclat et toute son élévation, ne s'écarte nullement de la nature. Un langage figuré devoit être celui d'un jeune poète, même dans la simple conversation, lorsqu'on vouloit déprimer à ses yeux un |