Oldalképek
PDF
ePub

dans le Dépit amoureux de Molière, dise à un valet avec lequel elle se brouille : voilà ton demi cent d'épingles de Paris; c'est du bas comique. Mais que ce valet lui dise: je voudrois pouvoir rejeter le potage que tu me fis manger, pour n'avoir rien à toi ; c'est du comique grossier.

Ces trois genres peuvent se trouver dans une même pièce, et ne servent qu'à se donner réciproquement une nouvelle force. Le Misanthrope est tout entier dans le haut comique. La comédie de l'Ecole des Femmes, et celle du Bourgeois Gentilhomme, offrent le comique bourgeois et le bas comique; la première dans le contraste de l'imbécillité d'Alain et de Georgette, avec T'ingénuité d'Agnès; la seconde dans le contraste de la grossièreté de Nicole, avec les prétentions impertinentes et l'éducation forcée de M. Jourdain. Les trois genres sont mêlés et contrastent entre eux dans le Festin de Pierre, où l'on voit deux villageoises crédules, se laisser séduire par un scélérat dont la magnificence les éblouit.

Pour réussir dans ces trois genres, il faut bien étudier et bien connoître les mœurs de tous les états. Le haut comique sur-tout exige l'étude la plus sérieuse et la plus réfléchie des mœurs du grand monde. Mais quel que soit

Comi

le genre qu'embrasse le poète, il ne
pourra jamais s'y distinguer, sans avoir
une connoissance profonde de la nature
et du cœur humain.

Que la nature donc soit votre étude unique
Auteurs qui prétendez aux honneurs du comique.
Quiconque voit bien l'homme, et d'un esprit profond
De tant de cœurs cachés a pénétré le fond,

Qui sait bien ce que c'est qu'un prodigue, un avare,
Un honnete homme, un fat, un jaloux, nn bizarre,
Sur une scène heureuse, il peut les étaler,
Et les faire à nos yeux vivre, agir et parler.
Présentez-en par-tout les images naïves:

Que chacun y soit peint des couleurs les plus vives.
La nature féconde en bizarres portraits,

Dans chaque ame est marquée à de différens traits....
Etudiez la cour et connoissez la ville,

L'une et l'autre est toujours en modèles fertile (1).

On a introduit depuis quelques anque lar- nées sur notre théâtre un autre genre moyant. de comique, auquel on donne le nom

de larmoyant. Le poète y présente, dans tout le cours de l'action, ou dans quelques parties seulement, des situations propres à exciter les passions et à faire verser des larmes. Je dis dans quelques parties seulement, parce que bien souvent on y passe du comique au tragique, d'une reconnoissance attendrissante au badinage d'une soubrette, ou d'un petit - maître.

Les bons littérateurs, loin d'approuver ce genre, ont toujours desiré qu'il

(1) Boileau. Art Poét. ch. II.

fût entièrement banni de notre scène. Ils pensent avec Boileau que

Le comique, ennemi des soupirs et des pleurs, N'admet point dans ses vers de tragiques douleurs (1).

Fondés sur ce principe, ils prétendent, avec juste raison, que le théâtre comique est de sa nature consacré à peindre le ridicule; qu'il n'a jamais été connu sous une autre idée; que jamais les spectateurs ne se sont proposé d'entendre une comédie pour être attendris; qu'il est vrai que la tristesse et la compassion ont lieu dans les actions de la vie commune ; mais que c'est par le côté ridicule, et non par ces endroits, que la comédie doit les imiter; que le plaisir que donne le pathétique qui caractérise le comique larmoyant, n'est point celui qui convient à la véritable comédie; qu'il n'est point dans la nature qu'on passe rapidement de ce qui fait rire à ce qui arrache les larmes, et que c'est, en quelque façon, défigurer l'ame, que de la rendre en un même instant capable des contrariétés les plus frappantes, en lui faisant éprouver deux sentimens opposés, la douleur et la joie; qu'enfin le nom de comédie ne convient nullement à des pièces de ce genre, parce

(1) Boileau. Art Poét. ch. 11.

que la comédie a toujours été regardée comme l'imitation d'une action prise dans la vie commune, et propre à instruire, non pas en remuant les grandes passions, non pas en excitant la terreur et la pitié; mais en peignant le ridicule d'une manière vive et propre à faire rire. Ils ajoutent que, si ce prétendu comique dominoit sur scène, ce seroit une preuve de la décadence du goût, et que nous perdrions bientôt celui de la bonne comédie.

notre

Voltaire a fait des comédies larmoyantes; et cependant il paroît bien loin d'approuver ce genre de comique. Un académicien de la Rochelle, dit-il dans sa préface de Nanine, publia une dissertation ingénieuse et approfondie sur cette question qui semble partager depuis quelques années la littérature; savoir s'il est permis de faire des comédies attendrissantes? Il paroît se déclarer fortement contre ce genre, dont la petite comédie de Nanine tient beaucoup en quelques endroits. Il condamne avec raison tout ce qui auroit l'air d'une tragédie bourgeoise. En effet que seroit-ce qu'une intrigue tragique entre des hommes du commun? Ce seroit seulement avilir le cothurne; ce seroit manquer à-la-fois l'objet de la tragédie et de la comédie; ce seroit une espèce bâtarde, un monstre, né de l'impuis

sance de faire une comédie et une tragédie véritable. Peut-être, dit-il ailleurs, les comédies héroïques sont-elles préférables à ce qu'on appelle Tragédie bourgeoise ou la Comédie larmoyante. En effet cette comédie larmoyante, absolument privée de comique, n'est au fond qu'un monstre, né de l'impuissance d'ètre plaisant ou tragique.

,

L'abbé des Fontaines, dans ses observations sur des écrits modernes avoit dit avant Voltaire : c'est la foiblesse, l'impuissance, la stérilité de nos auteurs, qui ont fait inventer les comédies larmoyantes, parce qu'il ne faut pour cela ni esprit ni génie. On prend un roman, une historiette déjà toute disposée dans son noeud et dans son dénouement: avec peu de changement on l'ajuste à la scène; et voilà une comédie à la mode. La Muse mercenaire croit avoir égalé ou surpassé celle de Molière ou de Regnard: elle mesure ses talens sur ses profits.

Ce sentiment des bons littérateurs peut être fortifié par celui d'un grand prince, qui a su mêler aux soins du gouvernement de ses peuples, l'étude et la culture des lettres. « Ce genre, dit le R. de P., dans une lettre à Voltaire, au sujet de Nanine, ce genre ne m'a jamais plû. Je conçois bien qu'il y a beaucoup de spectateurs

« ElőzőTovább »