Oldalképek
PDF
ePub

la fenêtre pour prendre l'air, elle a vu un jeune homme, qui en lui donnant le bon jour de la part de Valère, a jeté dans sa chambre une boîte qui renferme une lettre cachetée, qu'elle veut lui faire reporter. Sganarelle se charge avec joie de cette commission, et veut décacheter la lettre. Ah ciel! gardez-vous bien de l'ouvrir, dit Isabelle.

Lui voulez-vous donner à croire que c'est moi?
Une fille d'honneur doit toujours se défendre
De lire les billets qu'un homme lui fait rendre.

Sganarelle juge qu'elle a raison, et trouve que les leçons qu'il lui a données, ont germé dans son coeur, et qu'enfin elle se montre digne d'ètre sa femme. Il va frapper à la porte de Valère, remet à Ergaste cette boîte, et se retire. Valère entre, ouvre la boîte, et lit la lettre suivante.

Cette lettre vous surprendra sans doute; et l'on peut trouver bien hardi pour moi et le dessein de vous l'écrire, et la manière de vous la faire tenir: mais je me vois dans un état à ne plus garder de mesure. La juste horreur d'un mariage dont je suis menacée dans six jours, me fail hasarder toutes choses ; et dans la résolution de m'en affranchir par quelque voie que ce soit, j'ai cru que je devois plutôt vous choisir que le désespoir. Ne croyez pas pourtant que vous soyez rede

vable de tout à ma mauvaise destinée. Ce n'est pas la contrainte où je me trouve, qui a fait naître les sentimens que j'ai pour vous; mais c'est elle qui en précipite le témoignage, et qui me fait passer sur des formalités où la bienséance du sexe oblige. Il ne tiendra qu'à vous que je sois à vous bientôt ; et j'attends seulement que vous m'ayez marqué les intentions de votre amour, pour vous faire savoir la résolution que j'ai prise. Mais sur-tout songez que le temps presse, et que deux coeurs qui s'aiment, doivent s'entendre à demi-mot.

Sganarelle étant revenu, tient à Valère des propos railleurs sur ses prétendus desseins. Celui-ci rend justice ironiquement au mérite du tuteur, et lui dit qu'il n'a plus garde de rien espérer. Mais la seule grace qu'il lui demande, c'est de dire à Isabelle qu'en l'aimant, il n'a jamais pensé à rien qui pût blesser son honneur, et que tout son desir étoit de l'obtenir pour femme. Sganarelle rapporte ce discours à Isabelle, qui feignant d'être irritée contre Valère, réplique à son tuteur que ses intentions ne pouvoient pas être bonnes, puisqu'elle a appris qu'ayant vu sa lettre méprisée, il youloit l'enlever. Elle le prie d'aller accabler de reproches ce téméraire amant, et de lui dire qu'il nieroit envain ce qu'il a résolu de faire, parce qu'on le sait très

sûrement. Nouvelle commission que Sganarelle va exécuter avec la plus grande joie, s'applaudissant toujours d'avoir trouvé dans sa femme future une personne si sage et si vertueuse. Valère paroissant douter de la vérité de ce que lui dit Sganarelle, voulez-vous, lui réplique celui-ci,

Voulez-vous qu'elle-même elle explique son cœur ?
J'y consens volontiers pour vous tirer d'erreur.
Suivez-moi ; vous verrez s'il est rien que j'avance,
Et si son jeune cœur entre nous deux balance.

(Voilà ce coup de théâtre, cette surprise si bien ménagée. Qui se seroit attendu à voir ici une scène entre les deux amans?) Sganarelle amène donc sa pupille à Valère. Elle dit particulièrement dans cette scène :

Oui, je veux bien qu'on sache, et j'en dois être crue
Que le sort offre ici deux objets à ma vue,
Qui m'inspirant pour eux différens sentimens,
De mon cœur agité font tous les mouvemens.
L'un par un juste choix où l'honneur m'intéresse,
A toate mou estime et toute ma tendresse ;
Et l'autre pour le prix de son affection,
A toute ma colère et mon aversion.

La présence de l'un m'est agréable et chère;
J'en reçois dans mon ame nne allégresse entière ;
Et l'autre par sa vue inspire dans mon cœur
De secrets mouvemens et de haine et d'horreur.
Me voir femme de l'un est toute mon envie ;
Et plutôt qu'être à l'autre on m'ôteroit la vie.
Mais c'est assez montrer mes justes sentimens,
Et trop long-temps languir dans ces rudes tourmens.
Il faut que ce que j'aime, usant de diligence,
Fasse à ce que je hais perdre toute espérance,
Et qu'un heureux hymen affranchisse mon sort,
D'un supplice pour moi plus affreux que la mort.

Je sais qu'il est honteux
Aux filles d'expliquer si librement leurs vœux.
..... Mais en l'état où sont mes destinées,
De telles libertés doivent m'être données ;
Et je puis sans rougir faire un aveu si doux
A celui que déjà je regarde en époux.

Le bon Sganarelle interprète ce discours en sa faveur. Valère l'entend comme il doit l'entendre, et dit à lsabelle:

Hé bien, madame, hé bien, c'est s'expliquer assez.
Je vois par ce discours de quoi vous me pressez ;
Et je saurai dans peu vous ôter la présence
De celui qui vous fait si grande violence.

Le tuteur ne peut s'empêcher de plaindre Valère. Pauvre garçon, dit-il, sa douleur est extréme. Il porte même sa pitié jusqu'à l'embrasser au moment où il se retire. Sganarelle est si sensible aux prétendus témoignages d'amitié que lui donne Isabelle, qu'il veut hâter son mariage, et le fixe au jour suivant.

Acte III. Isabelle, pour qui ce mariage fatal est plus à craindre que le trépas même, sort de sa chambre aussitôt qu'il fait nuit. Son tuteur qui la rencontre, lui témoigne sa surprise de la voir si tard dans la rue. Isabelle qui n'est pas long-temps à trouver une excuse, lui dit que sa soeur l'a obligée de sortir de sa chambre, où elle est actuellement, parce qu'elle aime éperduement Valère depuis plus d'un an : ils s'étoient même

donné parole pour s'épouser. Léonor ayant appris que cet amaut rebuté d'Isabelle, est sur le point de partir, et voulant rompre ce départ, l'a priée de souffrir qu'elle entretînt ce soir Valère sous le nom d'Isabelle, par la petite rue où la chambre de celle-ci répond, et lui donnât quelques espérances, pour l'engagerà rester. Elle m'a tant priée, poursuit Isabelle,

A tant versé de pleurs, tant poussé de soupirs,
Tant dit qu'au désespoir je porterois son ame
Si je lui refusois ce qu'exige sa flamme,

Qu'à céder malgré moi mon coeur s'est vu réduit;
Et pour justifier cette intrigue de nuit,
Où me faisoit du sang relâcher la tendresse,
J'allois faire avec moi venir coucher Lucrèce,
Dont vous me vantez tant les vertus chaque jour.

Sganarelle loin d'approuver cela, veut aller chasser Léonor. Isabelle le prie de ne point lui faire un si cruel affront, et de permettre qu'elle aille elle-même la faire sortir. Son tuteur y consent. Isabelle le prie sur-tout de se bien cacher et de ne rien dire à Léonor quand elle sortira. Elle rentre dans la maison; et parlant à haute voix, elle fait semblant de renvoyer sa sœur, et sort dans le même instant. Sganarelle la prenant pour Léonor, va fermer à clef la porte, de peur que cette Léonor ne revienne: il la suit d'un peu loin, et voit qu'elle va au logis de Valère, lorsque celui-ci sort brusquement dans le dessein de tenter quelque

« ElőzőTovább »