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dans Athalie la hauteur, l'impiété et la
cruauté de cette princesse ; la grandeur
d'ame de Joad, sa piété et sa confiance
en dieu; la tendresse de Josabet, et ses
alarmes sur les périls du jeune Joas; la gé-
nérosité d'Abner, et sa fidélité à ses rois
et à sa religion; la fourberie, l'ambition,
et l'humeur sanguinaire de Mathan. Au-
cun de ces caractères ne se dément ja-
mais tous se soutiennent jusqu'au dé-
nouement. Quand le poète imagine un
il doit d'abord en mar-
personnage,
quer le caractère par des traits frappans,
et le montrer dans la suite toujours tel
qu'il l'a peint.

D'un nouveau personnage, inventez-vous l'idée ?
Qu'en tout avec soi-même il se montre d'accord,
Et qu'il soit jusqu'au bout tel qu'on l'a vu d'abord (1).

Observons ici que ce seroit un grand défaut dans un ouvrage dramatique, si plusieurs personnages avoient les mêmes moeurs particulières, parce qu'il est essentiel que les caractères soient opposés entr'eux ou du moins différens, afiu qu'ils contrastent ensemble, et que l'un fasse ressortir l'autre. Il faut pour cela choisir ou imaginer des personnages, dont chacun ait un caractère qui ne soit propre et particulier qu'à lui. Si le même se trouve dans plusieurs, jetez-y alors

(1) Boileau. Art Poét. ch. 111.

Style dra

une nuance forte et bien marquée, qui distingue chacun de ces personnages d'une manière sensible et frappante. Voyez dans l'Iliade, Achille, Ajax et Hector. Leur caractère dominant est la valeur. Cependant il s'en faut bien que ces trois héros se ressemblent. Achille est violent; Ajax est dur; Hector est humain. Il faut lire et relire Homère, pour apprendre l'art de varier et de faire contraster les caractères.

Chaque personnage doit parler suimatique. vant sa condition, son âge, son pays, et la situation où il se trouve. On sent qu'un roi a une façon de s'exprimer bien différente de celle d'un courtisan, et que le langage d'un homme de qualité n'est pas le même que celui d'un simple citoyen. Un dieu, suivant la pensée d'Horace, parle bien autrement qu'un héros; un vieillard autrement qu'un jeune homme; une dame d'un haut rang autrement qu'une suivante; un marchand autrement qu'un laboureur; un homme de la Colchide ou un Assyrien, autrement qu'un habitant de Thèbes ou un citoyen d'Argos. Si vous faites parler ces différens personnages sur le même ton, les grands et le peuple, bien loin de vous accorder leurs suffrages, ne pourront s'empêcher de rire.

On sait de plus que la joie, la douleur, l'amour, la colère, l'ambition, en un

mot chaque sentiment, chaque passion a son langage particulier. Notre ame prend, pour ainsi dire, diverses formes, diverses manières d'être, suivant les divers événemens de la fortune; et la nature lui fournit dans toutes les circonstances possibles des expressions propres à peindre les sentimens qu'elle éprouve, les passions qui la tourmentent. Il faut donc que le poète se transforme, pour ainsi dire, en chaque personnage, pour le faire parler d'une manière convenable à son état actuel, et comme ce personnage parleroit lui-même. Le poète ne doit jamais se montrer.

Ainsi tout ce qui est un effet visible de l'art et du travail, ces figures oratoires, ces riches comparaisons pompeusement étalées, ces élans lyriques, fruit d'une imagination échauffée, sont totalement bannis des pièces de théâtre, même de celles dont le sujet est grand et élevé. Le style y doit être de la plus noble, de la plus élégante simplicité; et si les expressions figurées y sont quelquefois bien placées, ce n'est que lorsqu'elles sont vraiment inspirées par la passion ou par le sentiment. Les maximes, les sentences, les pensées morales trop généralisées n'y sont pas non plus souffertes, à moins qu'elles ne soient naturellement dictées par la situation du personnage; comme les maximes qu'on

trouve éparses dans les pièces de Corneille, de Racine, de Molière, de Regnard. Telles sont celles-ci que Racine met dans la bouche d'Hippolyte, lorsque ce jeune prince se justifie auprès de Thésée du crime dont il est accusé.

THÉ SÉ E.

Traître, tu prétendois qu'en un lâche silence,
Phèdre enseveliroit ta brutale insolence.
Il falloit, en fuyant, ne pas abandonner
Le fer, qui dans ses mains sert à te condamner;
Ou plutôt il falloit, comblant ta perfidie,
Lui ravir tout d'un coup la parole et la vie.

HIPPOLYTE.

D'un mensonge si noir justement irrité,
Je devrois faire ici parler la vérité,

Seigneur. Mais je supprime un secret qui vous touche.
Approuvez le respect qui me fernie la bouche;

Et sans vouloir vous-même augmenter vos ennuis,
Examinez ma vie, et songez qui je suis.

Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes.
Quiconque a pu franchir les bornes légitimes,

Peut violer enfin les droits les plus sacrés.
Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés ;
Et jamais on n'a vu la timide innocence,
Passer subitement à l'extrême licence.

Un jour seul ne fait point d'un moriel vertueux,
Un perfide assassin, un lâche incestueux.
Elevé dans le sein d'une chaste héroïne,
Je t'ai point de son sang démenti l'origine,
Pitthée estimé sage entre tous les humains,
Daigna m'instruire encore au sortir de ses mains,
Je ne veux pas me peindre avec trop d'avantage.
Mais si quelque vertu m'est tombée en partage,
Seigneur, je crois sur-tout avoir fait éclater
La haine des forfaits qu'on ose m'imputer.
C'est par-là qu'Hippolyte est connu dans la Grèce.
J'ai poussé la vertu jusques à la rudesse.
On sait de mes chagrins l'inflexible rigueur.
Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur.

On voit clairement que la situation

où se trouve Hippolyte, a fourni ces réflexions, qui ne font sentence, qu'au tant qu'on les sépare de ce qui suit ou de ce qui précède, et qui ne sont pas des maximes dans la bouche de ce personnage. Ce sont, en quelque façon, des principes qu'il s'applique à lui-même, et dont il tire des preuves pour montrer, pour établir son innocence.

monolo

gue.

Quand plusieurs personnages drama- Du dialotiques parlent, et qu'ils parlent l'un à gue, et da l'autre, c'est un dialogue. Quand un acteur parle seul, il fait ce qu'on appelle un monologue. Le dialogue doit toujours tendre à son but; de manière que les interlocuteurs ne disent rien qui n'ait un rapport direct à l'action. Quelqu'un a très-bien dit qu'un personnage qui, dans unesituation intéressante, s'arrête à dire de belles choses qui ne vont point au fait, ressemble à une mère, qui cherchant son fils dans les campagnes, s'amuseroit à cueillir des fleurs.

Le desir de briller est un écueil que le poète doit soigneusement éviter; sans quoi la fougue de son imagination l'emportera hors du droit chemin, qui doit le conduire à son but. L'esprit doit être ici la victime du goût, qui veut que le poète ait assez de jugement pour s'arrêter où il faut, et assez de courage pour sacrifier les meilleures choses, lorsqu'elles sont déplacées, afin de ne point

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