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sous les mêmes qu'un Français, un habitant de la province, sous les mêmes qu'un habitant de la capitale.

Des siècles, des pays étudiez les mœurs.

Les climats font souvent les diverses humeurs.
Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie (1),
L'air ni l'esprit français à l'antique Italie,

Et sous des noms romains faisant notre portrait,
Peindre Caton galant, et Brutus dameret (2).

Le même personnage doit de plus avoir ses propres mœurs, et montrer dans toutes ses actions, dans tous ses discours, dans tous ses sentimens, un caractère qui le distingue des autres personnages. Dans la tragédie de Sertorius, on voit deux héros romains, Sertorius et Pompée, qui ont le vrai caractère, les mœurs de leur pays: mais chacun d'eux a son caractère propre et distinctif. Cette réunion des moeurs générales et des moeurs particulières dans le même personnage, est le triomphe de l'art. Qualités Aristote, et tous ceux qui, après lui, des ont traité de l'art dramatique, veulent dramati- que les mœurs, soit générales, soit par

mœurs

ques,

ticulières, aient quatre qualités; qu'elles soient bonnes, convenables, ressemblantes et égales. Ce mot bonnes, 'qu'Aristote n'a pas expliqué, a donné lieu à une infinité de commentaires. Il paroît

(1) Roman de mademoiselle Scudéri.
(2) Boileau. Art Poét. ch. III.

d'abord ( et c'est le sentiment du plus grand nombre) qu'il ne faut pas entendre par ce mot, que les moeurs aient une bonté morale, c'est-à-dire, soient vertueuses. Si les moeurs en effet devoient être telles, il ne seroit pas permis au poète de peindre des caractères réellement vicieux. Or, il manqueroit alors son but, qui est l'instruction, parce qu'il ne peut y arriver, qu'en offrant également le tableau des vices et celui des vertus, en faisant contraster le crime et l'innocence.

Cette bonté, dans les mœurs des personnages, doit donc être une bonté poé, tique; bonté qui, suivant Corneille, consiste dans le caractère brillant et élevé d'une habitude vertueuse ou criminelle, selon qu'elle est propre et convenable à la personne qu'on introduit. Ainsi dans Rodogune les moeurs de Cléopa tre, toute méchante qu'elle est, ont la bonté poétique. Elle a poignardé un de ses fils; elle veut empoisonner l'autre et la princesse son épouse: il n'y a pas de crime qui lui fasse horreur, pourvu qu'elle se maintienne sur un trône qui est l'unique objet de son ambition. Mais tous ses crimes sont accompagnés d'une grandeur d'ame qui a quelque chose de si haut, qu'en même temps qu'on déteste ses actions, on admire la source d'où elles partent. C'est ce qui a fait dire à Voltaire : il n'y

a point de criminelle plus odieuse que Cléopatre; et cependant on se plaît à la voir; elle ennoblit l'horreur de son caractère par la fierté des traits dont Corneille l'a peint.

D'autres font consister cette bonté poétique (et c'est ici le sentiment le plus généralement suivi ) dans la conformité des actions et des discours d'un personnage, avec l'opinion qu'on a conçue de lui. Ainsi, lorsque nous voyons Mithridate, dans la tragédie de ce nom, résolu de se venger de ses deux fils, aussi-tôt qu'il apprend leur amour pour Monime, voulant même les immoler tous les trois, nous n'en sommes pas surpris : ce projet de vengeance est parfaitement conforme à son caractère jaloux, soupçonneux et cruel. Ainsi, lorsque dans Britannicus nous voyons Néron, sous les apparences d'une réconciliation avec son frère, cacher la haine la plus envenimée et le dessein formé d'empoisonner ce jeune Britannicus, qui fait ombrage à sa puissance autant qu'à son amour, cette perfidie ne nous étonne pas : elle est trèsconforme à son caractère dissimulé et méchant. Ainsi, lorsque dans Iphigénie en Aulide nous entendons Achille éclater contre Agamemnon, braver ce chef de tant de rois, et lui parler sur le ton de la menace; quand nous le voyons courir à l'autel, déterminé à l'inonder de sang,

à renverser le bûcher, à massacrer le prêtre même, à combattre avec ses Thessaliens contre toute l'armée, si l'on veut sacrifier Iphigénie, ce langage si fier, cette action si hardie n'ont rien qui nous étonne : ils sont parfaitement conformes à son caractère emporté, violent et inexorable.

Les trois autres qualités que doivent avoir les mœurs dramatiques, sont plus aisées à entendre, et n'ont pas besoin d'une longue explication.. Les moeurs sont convenables, lorsqu'on fait agir et parler les personnages selon leur âge, leur sexe, leur pays, leur siècle, leur condition.

Ne faites point parler vos acteurs au hasard,

Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard (1).

Il faut en dire autant des actions qu'on leur fait faire, et des sentimens, des passions qu'on leur attribue.

Il est bon cependant de remarquer que ce qu'Aristote et Horace ont dit des moeurs de chaque âge, n'est pas une règle, dont on ne puisse s'écarter. Les jeunes gens, par exemple, sont en général prodigues, et les vieillards avares. Faut-il pour cela que vous soyez obligé de représenter toujours un jeune homme dis

(1) Boileau. Art Poét. ch. III.

sipant sa fortune, et un vieillard ne songeant qu'à grossir son trésor? Non sans doute. Le contraire arrive tous les jours. Vous pouvez donc ne pas donner au jeune homme le vice de la prodigalité, au vieillard celui de l'avarice: mais vous pécheriez contre la vraisemblance, si vous faisiez du premier un avare, et du second un prodigue. Il en est de même pour les discours. Vous pouvez bien ne point faire débiter à un jeune homme des propos légers, frivoles et indiscrets qu'on tient ordinairement à son âge. Mais il ne serait pas vraisemblable qu'on entendit sortir de sa bouche ces discours graves et mesurés, qui sont le fruit d'une prudence consommée, qu'on n'acquiert que dans un âge avancé.

Les mœurs seront ressemblantes, si les mœurs des personnages connus sont . précisément celles que l'histoire ou la fable leur donne. Ainsi il seroit ridicule de représenter Ulysse comme un grand guerrier, Achille comme un homme éloquent.Un personnage inventé peut avoir le caractère qu'il plaira au poète de lui donner. Mais pour ceux que l'histoire ou la fable nous fait connoître, ils doivent être peints tels que nous les y trouvons.

Enfin les mœurs sont égales, lorsque les personnages paroissent jusqu'à la fin de l'ouvrage, avec le même caractère qu'ils ont eu au commencement. Voyez

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