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principaux personnages. De là ces passages de la crainte à l'espérance, de la joie à la douleur; ces surprises agréables, ce trouble inquiétant, ces desirs, ces allarmes: car l'ame ne pourroit pas être remplie d'un même sentiment depuis le commencement jusqu'à la fin. Si c'étoit un sentiment de tristesse, il seroit trop pénible: si c'étoit un sentiment de joie, il s'affoibliroit, quelque vif qu'il pût être. Il faut donner à l'ame quelque relâche, ou quelque nouvelle secousse par d'autres sentimens. Un héros, par exemple, est en danger. Quoique ce danger doive toujours aller en croissant, il doit cependant y avoir des momens, où la crainte cesse, pour faire place à l'espérance.

Plus les incidens sont multigli point jos le noeud est comr":1 31 11 y qui le soit autant que celui de la tragédie d'Hèraclius. Les incidens y naissent en foule à chaque pas. Mais le génie de Corneille, en créant tous ces incidens, les a tous rendus nécessaires ou vraisemblables, et a répandu sur toutes les parties de son poème la plus vive lumière. Nul autre que lui n'auroit pu renfermer un sujet si vaste et si compliqué, en cinq ni même en six actes. Ce seroit une bien grande témérité de vouloir l'imiter dans la contexture d'une pareille action. La chute seroit

infailliblement le fruit d'une tentative si hardie.

Dans la tragédie d'Athalie, on voit au contraire une action de la plus grande simplicité: il n'y a presque point d'incidens. Mais indépendamment de la beauté de l'élocution, cette action est si bien distribuée, qu'elle marche toujours, sans qu'il y ait aucune scène vide. Un autre homme que Racine auroit à peine conduit le sujet d'Athalie, jusqu'au troisième acte. Il n'est pas moins inimitable dans la conduite de cette action, que Corneille dans la conduite de celle d'Héraclius.

Le noeud du poème dramatique ne doit donc être ni trop compliqué, ni trop simple, par le trop grand nombre,

Il faut sur-tout que ces inidone sortent 1 tron grande disette d'incidens. du fond du sujet ; que l'action même les fournisse, et qu'elle fasse naître les obstacles qui en arrêtent l'accomplissement. Le sujet ne doit jamais être perdu de vue: point d'événemens qui lui soient en aucune manière étrangers: surprises ou coups de théâtre, situations, sentimens, discours des personnages, tout doit s'y rapporter. C'est ainsi que les parties de l'action seront bien liées, se presseront mutuellement, se succéderont avec rapidité, et qu'on observera ce précepte si sage, qui veut

Que l'action marchant où la raison la guide,
Ne se perde jamais dans une scène vide (1).

catastro

Le dénouement est un événement Dénoueparticulier qui met fin à l'action, et qui ment, ou en est le complément. Il doit finir, au- phe. tant qu'il est possible, avec la dernière scène, et instruire le spectateur du sort de tous les personnages. Il faut qu'il soit préparé, mais qu'il ne puisse pas être prévu. Le dénouement sera préparé, si le poète dispose l'action, de manière que ce qui précède le dénouement, le produise naturellement et sans effort. Aristote dit qu'il y a une grande différence entre des incidens qui naissent les uns des autres, et des incidens qui viennent simplement les uns après les autres. (Nous voyons en effet dans la tragédie du Cid, que les Maures font une descente à Séville, après la mort du comte, mais non pas à cause de la mort du comte.) Ces paroles renferment tout l'art d'amener le dénouement. Ce n'est pas assez qu'il vienne après les incidens. Il faut qu'il naisse des incidens mêmes, et qu'il en résulte comme l'effet de sa

cause.

Le dénouement ne doit pas être prévu par le spectateur, parce que l'intérêt ne se soutient qu'autant que l'ame est suspendue entre la crainte et l'espé

(1) Boileau. Art Poét. ch. 11.

rance. Or, si le dénouement est prévu, il est clair qu'il n'y a plus de crainte ni d'espérance, et par conséquent plus d'intérêt. Le dénouement doit être le passage d'un état incertain à un état déterminé. Un vaisseau est battu par la tempête; voilà l'image du noeud de l'action. I périt, ou il arrive au port; voilà l'image du dénouement.

Mais, dira-t-on, le spectateur peut-il ne pas prévoir le dénouement dans un sujet connu? Je conviens que cela est impossible. Mais il n'est pas moins vrai que le poète peut et doit conduire son action de manière que le dénouement en soit caché; c'est-à-dire, que rien ne l'annonce ouvertement; que l'impression de ce que voit le spectateur, écarte le souvenir de ce qu'il sait, et ne lui permette pas d'y réfléchir. Telle est la force de l'illusion qui fait que nous voyons vingt fois avec le même plaisir une bonne pièce de théâtre.

Pour que le dénouement ne soit pas prévu, il faut qu'il puisse arriver de plusieurs manières, et que toutes ces manières soient dans la vraisemblance. Auguste peut pardonner aux conjurés, ou ne pas leur pardonner; Joas peut monter sur le trône, ou devenir la victime des fureurs d'Athalie. L'un et l'autre événement sont possibles, et seroient vraisemblables: voilà ce qui soutient

l'incertitude du spectateur : voilà ce qui soutient l'intérêt. Si au contraire le dénouement étoit nécessité, c'est-à-dire, que dès le commencement, ou vers le milieu de l'action, il y eût des incidens qui annonçassent que ce dénouement ne peut arriver autrement qu'il n'arrivera, il est évident que le spectateur ne pourroit prévoir que celui-là: il verroit dèslors le terme de l'action; son incertitude cesseroit, et l'intérêt seroit anéanti. Il s'ensuit donc que les incidens doivent être, non la cause nécessaire, mais seulement la cause vraisemblable du dénouement. Il n'y a que le dernier, celui qui l'amène immédiatement, il n'y a que celui-là qui puisse le produire nécessairement.

Ces différentes manières, mais toutes vraisemblables dont le dénouement peut arriver, en font la plus grande beauté. Voyez celui de la tragédie de Rodogune. Antiochus est prêt à boire la coupe empoisonnée. Il est vraisemblable qu'il va périr. Mais tandis que le spectateur frémit, il se fait une prompte révolution qui naît du fond de l'action même; et Cléopâtre avale le poison qu'elle avoit préparé pour son fils. Cet empoisonnement de Cléopâtre est aussi vraisemblable que l'auroit été celui d'Antiochus; et voilà ce qui fait admirer ce dénouement, auquel on ne trouve rien

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