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la sortie des différens personnages qui ont part à l'action, soit en conseillant, soit en ordonnant, soit en exécutant. Il faut que ces scènes soient conduites de manière que le théâtre ne demeure jamais vide; c'est-à-dire, que quand un acteur paroît, il doit en trouver un sur le théâtre, et lui parler. S'il ne lui parle pas, il doit le voir. S'il ne le voit pas, il doit en être vu. Il faut de plus qu'aucun acteur n'entre ni ne sorte sans raison, et sans que le spectateur soit instruit des motifs qui l'y déterminent. La première scène sur-tout exige qu'on pratique cette règle à la rigueur. Il faut enfin que les scènes naturellement amenées l'une par l'autre, soient si bien liées, qu'elles ne paroissent faire qu'un seul et même tout, et qu'on ne puisse en détacher aucune, sans rompre et détruire entièrement l'ouvrage. C'est ce qu'exige la perfection de l'art.

Le nombre des scènes n'est pas fixe et déterminé dans les actes: celui des actes ne l'est pas non plus dans un ouvrage dramatique, quoique Horace ait dit qu'il doit en avoir cinq ni plus ni moins. Nous avons de très bonnes pièces de théâtre qui ont moins de cinq actes. Ainsi cette loi, qui pouvoit être de ri gueur chez les Romains, ne l'est point parmi nous.

Il est indispensable que dans le pre

mier acle, on nomme tous les person-
nages, ou du moins tous les principaux
qui doivent concourir à l'action, et qu'on
y fasse connoître en partie leur carac-
tère. Il faut donc que ces personnages
se montrent, ou, s'ils ne se montrent
pas, qu'ils soient désignés indirecte-
ment du côté qui peut avoir rapport à
l'action. Ainsi dans la tragédie de Po-
lieucte, Sévère, qui ne paroît point au
premier acte, y est annoncé; de même
que dans Iphigénie en Aulide,
en Aulide, Clitem-
nestre, Iphigénie et Eriphile, qu'on ne
voit qu'au second acte. Dans la comé-
die du Misanthrope, Celimène, Eliante,
Arsinoë, dont chacune y joue un prin-
cipal rôle, ne paroissent point au premier
acte mais elles y sont désignées avec
quelques traits qui les caractérisent.
Dans l'Ecole des Femmes, Enrique et
Oronte ne se montrent qu'au cinquième
acte mais ils ont été annoncés dans
le premier; ce qui ôte la surprise de
voir, à la fin de la pièce, des person-
nages dont on n'auroit point entendu
parler.

l'action:

expos!** n

Les anciens appeloient le premier Préparaacte Protase, parce qu'il doit contenir tion de la préparation de l'action, et l'exposition du sujet; deux choses qu'il ne faut du suje pas confondre, et qu'on distingue expressément l'une de l'autre. C'est ce qui a fait dire à Boileau :

Que dès les premiers vers, l'action préparée,
Sans peine du sujet applanisse l'entrée (1).

Dans la première, on donne une idée générale de ce qui va se passer, par des discours relatifs à quelques événemens antérieurs à l'action, et qu'elle suppose. nécessairement, ou par le récit même de ces événemens. Dans la seconde, on développe d'une manière un peu plus précise et plus circonstanciée, le véritable sujet de la pièce, soit par un récit, soit par les discours des personnages.

On nomme protatiques les personnages qui font ces récits, par lesquels l'action est préparée, et le sujet exposé. Il faut (du moins dans la tragédie; car bien souvent cette règle n'est pas observée dans la comédie), il faut qu'ils aient un grand intérêt à l'action; par conséquent que ce soient les principaux. C'est ce que n'a pas observé Corneille dans l'exposition du sujet de la tragédie de Rodogune. Les événemens antérieurs à l'action y sont racontés par Laonice à Timagène, qui sont tous deux des personnages subalternes: ce récit est de plus interrompu par l'arrivée d'Antiochus, et repris à la quatrième scène; ce qui est un autre défaut.

Il est aisé de juger que l'exposition du sujet ne doit pas être si claire, qu'elle

(1) Art Poét. ch. 111.

instruise parfaitement le spectateur de tout ce qui se passera dans la pièce. Une telle exposition le priveroit du plaisir de la surprise. Il faut seulement qu'elle lui présente le germe de tous les événemens qui doivent composer l'action, de manière que quand le spectateur les verra se rapprocher par degrés et se développer successivement, il s'apperçoive qu'ils partent tous d'un principe, qui est toujours le même malgré la variété des incidens. L'exposition du sujet de la tragédie de Bajazet par Racine, est la plus belle qui ait été faite dans un ouvrage dramatique. Voltaire ne connoît que celle-là qui soit supérieure à celle de la tragédie d'Othon par Corneille. Il dit aussi dans un endroit de ses commentaires sur les tragédies de ce grand homme, en parlant de celle de Pompée : « Ces défauts dans le détail, n'empêchent pas que le fond de cetie première scène ne soit une des plus belles expositions qu'on ait vues sur aucun théâtre. Les anciens n'ont rien qui en approche: elle est auguste, intéressante, importante; elle entre tout-d'uncoup en action. Les autres expositions ne font qu'instruire du sujet de la pièce : celle-ci en est le noeud. Placez-la dans tel acte que vous la veuilliez, elle sera toujours attachante: c'est la seule qui soit dans ce goût ».

Nond ou

Le nœud ou intrigue fait tout l'intérêt intrigue. d'un ouvrage dramatique. Il consiste, comme je l'ai déjà dit, dans les obstacles qui retardent l'accomplissement de l'action, dans les dangers qu'il faut courir, dans les efforts, les ruses, les moyens qu'il faut employer pour y parvenir; obstacles, dangers, efforts,ruses, moyens qui supposent ou produisent des événemens particuliers qu'on appelle incidens. Le noeud vient ou de l'ignorance de celui qui agit, comme lorsque Iphigénie doit sacrifier son frère Oreste qu'elle ne connoît pas ; ou de la foiblesse de celui qui agit, comme lorsque Joad veut avec ses seuls lévites chasser du trône la puissante Athalie, pour y placer le jeune Joas.

Il faut que le noeud soit commencé dans le premier acte: c'est une suite nécessaire de l'exposition du sujet. Il se serre de plus en plus dans le deuxième, le troisième et le quatrième; c'est-àdire, que le péril augmente, les obstacles se multiplient, les efforts deviennent plus vifs. L'intérêt dans un ouvrage dramatique étant ce qui attache, ce qui émeut par les situations et les sentimens, on sent qu'il doit commencer et croître avec le noeud, parce que le péril, les obstacles, les efforts qui constituent ce noeud, jettent nécessairement le spectateur dans l'incertitude sur le sort des

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