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d'épines. Toutes les parties de son ouvrage réuniront l'agréable et le solide de manière que l'une ne nuise point à l'autre. En s'attachant à la justesse et à la profondeur des pensées, l'écrivain ne doit point négliger les ornemens poétiques; et ces ornemens, loin d'affoiblir et d'énerver ses pensées, ne doivent servir au contraire qu'à les rendre plus vives, plus frappantes et plus lumineuses, On va voir avec quelle précision, avec quelle solidité et en même temps dans quel style poétique Racine établit l'immortalité de l'ame dans son poème sur la Religion.

Je pense. La pensée, éclatante lumière,
Ne peut sortir du sein de l'épaisse matière.

J'entrevois ma grandeur. Ce corps lourd et grossier
N'est donc pas tout mon bien, n'est pas moi tout entier.
Quand je pense, chargé de cet emploi sublime,
Plus noble que mon corps, un autre être m'anime.
Je trouve donc qu'en moi, par d'admirables nœuds,
Deux êtres opposés sont réunis entr'eux;
De la chair et du sang, le carps, vil assemblage;
L'ame, rayon de Dieu, son souffle, son image.
Ces deux êtres liés par des nœuds si secrets,
Séparent rarement leurs plus chers intérêts:
Leurs plaisirs sont communs aussi bien que leurs peines.
L'ame, guide du corps, doit en tenir les rênes.
Mais par des maux cruels quand le corps est troublé,
De l'ame quelquefois l'empire est ébranlé.

Dans un vaisseau brisé, sans voile, sans cordage,
Triste jouet des vents, victime de leur rage,
Le pilote effrayé, moins maître que les flots,
Veut faire entendre en vain sa voix aux matelots,
Et lui-même avec eux s'abandonne à l'orage.
Il périt; mais le nôtre est exempt du naufrage,
Comment périroit-il? Le coup fatal au corps
Divise ses liens, dérange ses ressorts:

Un être simple et pur n'a rien qui se divise;
Et sur l'ame la mort ne trouve point de prise.
Que dis-je ? tous ces corps dans la terre englout!s,
Disparus à nos yeux, sont-ils anéantis?

D'où nous vient du néant cette crainte bizarre?
Tout en sort, rien n'y rentre; et la nature avare
Dans tous ses changemens ne perd jamais son bien.
Ton art ni tes fourneaux n'auéantiront rien,
Toi qui, riche en fumée, ô sublime alchimiste,
Dans ton laboratoire invoques Trismegiste (1).
Tu peux filtrer, dissoudre, évaporer ce sel:
Mais celui qui l'a fait, veut qu'il soit immortel.
Prétendras-tu toujours à l'honneur de produire,
Tandis que tu n'as pas le pouvoir de détruire?
Si du sel ou du sable un grain ne peut périr,
L'etre qui pense en moi craindra-t-il de mourir?
Qu'est-ce donc que l'instant où l'on cesse de vivre ?
L'instant où de ses fers une ame se délivre.

Le corps né de la poudre, à la poudre est rendu ;
L'esprit retourne au ciel dont il est descendu.

Les descriptions et les peintures sont les plus beaux ornemens du poème didactique. Le grand talent du poète est de peindre le précepte, c'est-à-dire, de le revêtir des couleurs naturelles de son objet. C'est ce que fait Virgile dans tout le cours de son poème. Veut-il dire qu'il faut labourer au printemps, et donner quatre labours à une terre ? Il présente aussitôt des images qui sont les préceptes mêmes. Voyez les premiers vers du premier livre, après l'invocation. Parle-t

(1) Mot qui veut dire trois fois grand. Les alchimistes donnent ce nom à Mercure, regardé comme l'inventeur de leur science qui consiste à transmuer les métaux en or; science aussi chimérique que son auteur.

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Descrip

sodiques

il du choix des chevaux? Il en fait la plus vive et la plus magnifique descrip-tion. Voyez le commencement du troisième livre. (Même traduction.)

Rosset, dans son poème de l'Agriculture, nous offre une description du coq, qui mérite ici d'être citée, et que je crois pouvoir avancer que Virgile n'eût point désa vouée.

Que le coq de ses sœurs et l'époux et le roi,
Toujours marche à leur téte et leur donne la loi.
Il peut dix ans entiers les aimer, les conduire;
Il est né pour l'amour, il est né pour l'empire.
En amour, en fierté, le coq n'a point d'égal,
Une crête de pourpre orne son front royal;
Son œil noir lance au loin de vives étincelles;
Un plumage éclatant peint son corps et ses ailes,
Dore son cou superbe, et flotte en longs cheveux:
De sanglans éperons arment ses pieds nerveux:
Sa quene, en se jouant du dos jusqu'à la crête,
S'avance, se recourbe en ombrageant sa tête.

Outre ces descriptions qui renferment tions epi- ou qui suivent immédiatement le prédans le cepte, il y en a encore d'autres qui serpoème di- vent à enrichir et à varier le poème didactique. dactique, et qu'il est essentiel d'y ré

pandre. Ce sont les descriptions épisodiques, c'est-à-dire, des choses étrangères au sujet, et qui n'y tiennent que par occasion. Telles sont, dans le premier livre des Géorgiques, les descriptions du règne de Jupiter et de la nécessité du travail, à l'occasion de l'origine de l'agriculture; et celle de la mort de César, à l'occasion des pronostics du soleil:

dans le deuxième, la belle description de la campagne d'Italie, à l'occasion des différens arbres que produit chaque climat; et celle de la vie heureuse des laboureurs, à l'occasion des combats nés au milieu des festins et de la débauche: dans le troisième, la description de la course des chevaux et de l'invention des chars, à l'occasion du choix des chevaux ; et celle d'une peste qui avoit fait d'effroyables ravages parmi le bétail, à l'occasion des maladies des troupeaux: dans le quatrième enfin, la belle fable d'Aristée, qui renferme celle d'Orphée et d'Euridice, à l'occasion des moyens qui sont indiqués pour repeupler les ruches.

Il faut que le poète amène naturellement les épisodes, et rentre ensuite avec art dans son sujet, qu'il ne doit jamais perdre de vue. Virgile est encore en ceci un parfait modèle. On peut voir dans le troisième livre, à la suite du dernier exemple que j'ai indiqué, comme la description qu'il fait de la course des chevaux et de l'invention des chars, est, pour ainsi dire, enchâssée dans les préceptes. Il faut lire aussi la description des pronostics du soleil, et de la mort de César à la fin du premier livre. C'est un chef-d'œuvre de poésie, et en même temps un des meilleurs modèles, pour bien lier les épisodes au sujet. On y remar

quera dans les derniers vers avec quelle adresse le poète romain rentre dans son sujet qu'il paroissoit avoir perdu de vue, et comment il intéresse les agriculteurs au récit des grands événemens qu'il vient de décrire. (Même traduction.)

Le P. Vanière dans son poème latin intitulé Prædium Rusticum, c'est-à-dire, la Maison Rustique, offre un épisode plein de beautés sublimes; et qui doit intéresser particulièrement les Français. C'est la description de cette partie du canal de Languedoc, qui coule sous une montagne percée, qu'on appelle le Malpas. Elle est amenée avec un art qu'on ne sauroit trop admirer. Je vais essayer de donner en notre langue une idée de ce beau morceau.

« Ah! si vous étiez assez heureux, pour >> avoir à dessécher un marais qui vous >> donneroit une nouvelle terre, que vous >> seriez largement payé de vos travaux, » et de vos dépenses, par ces champs » engraissés de limon, et qui se seroient >> reposés durant tant d'années ! Voyez » près de Béziers, cette plaine autrefois >> liquide, que les seuls navires pouvoient >> sillonner, et que sillonne aujourd'hui le » fer de la charrue. Les Romains, maî» tres de l'univers, ne voulant rien per» dre du terrain de cette contrée, qui >> leur paroissoit la plus fertile de toutes » celles qu'ils avoient conquises, creu

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