Après ces exemples, qui doivent donner une parfaite idée du ton sur lequel le poète lyrique chante les grands hommes, je crois bien pouvoir citer cette strophe si belle de l'Ode sur la mort du même Rousseau, par le marquis de Pompignan, strophe dans laquelle on admire l'harmonie la plus majestueuse, et tous les genres de sublime réunis. L'auteur y fait allusion aux ennemis de l'Horace français. Le Nil a vu sur ses rivages L'ode morale ou philosophique est à Ode mo la Fortune, et dans le plus grand nomtre des autres odes du même poète. C'est ce qu'on voit aussi dans celles d'Horace, qui, au milieu de son enthousiasme même, sait si bien varier ses tons, ses couleurs, ses images, selon les vérités qu'il exprime, et le genre d'instruction qu'il nous donne. Ici, ce sontles rois, maîtres absolus de leurs sujets, mais sujets eux-mêmes du souverain de l'univers qui, du mouvement de ses sourcils, ébranle toute la nature. Là, c'est l'impie qui, voyant un glaive suspendu par un fil au-dessus de sa tête, ne trouve aucun goût aux mets les plus exquis, et à qui le chant des oiseaux, la plus douce harmonie ne peuvent ramener le sommeil. En un autre endroit, c'est un riche fastueux, qui voulant étendre ses domaines jusques sur la mer, fait border le rivage de nombreux matériaux, combler les abîmes de masses énormes, et resserre dans leur vaste élément les habitans des eaux. Cependant, loin de jouir du bonheur, il est sans cesse déchiré par les remords vengeurs, et par-tout poursuivi par les furies menaçantes. S'il traverse les mers, le noir chagrin marche à ses côtés. S'il est à cheval, il porte en croupe son bourreau. Enfin, c'est l'homme de bien, qui ferme et constant dans ses vertueux projets, ne s'étonne ni des clameurs d'un peuple injuste et sans frein, ni des menaces d'un implacable tyran; qui n'est ébranlé ni par le vent du midi, bouleversant de son souffle impétueux la mer Adriatique, ni par le redoutable courroux de Jupiter même, armé de son tonnerre. Le monde entier se briseroit, et tomberoit en éclats sur sa tête: il seroit sans effroi. dans le On vient de voir que les sujets les De l'ode plus nobles et le ton le plus élevé conviennent à l'ode proprement dite. L'odeur gra qui est dans le genre gracieux, veut un ton modéré, des sujets agréables et tendres. Elle est, aussi bien que l'autre, susceptible d'enthousiasme, puisque cet enthousiasme n'est qu'un sentiment produit par l'imagination qui se représente vivement un objet quel qu'il soit. Mais dans la première, l'ame du poète est agitée avec violence; dans celle-ci elle est émue légèrement. Ce sont les jeux et les plaisirs qu'il chante; c'est le sentiment qu'il peint avec les couleurs les plus douces. Ses tableaux, sans être trop riches, sont toujours frais et rians. Ses pensées, sans avoir un certain degré de force et d'élévation, sont toujours vives et naturelles. Son style n'a rien de pompeux; mais il est toujours élégant et varié. Le poète peut dans cette espèce d'ode, répandre avec grace des traits de morale, et y entremêler des louanges délicates. C'est ce qu'a fait Horace dans une ode charmante adressée à Mécène, qui lui avoit donné une petite métairie auprès de Rome. En voici deux strophes mises en vers par le duc de N***. Un clair ruisseau, de petits bois, Qui suit la médiocrité, A l'éclat qui suit la puissance. Je n'ai point ces riches habits Voilà un vrai modèle du style et du ton de l'ode dans le genre gracieux. On peut en dire autant de celle de l'abbé de Chaulieu sur Fontenai, dans le Vexin-Normand, où il étoit né. La voici presque tout entière: C'est toi qui merends à moi-même, Et de ma senle oisiveté Tu me fais un bonheur extrême. Parmi ces bois et ces hameaux, Emplois, grandeurs tant desirées, La cour ne peut plus m'éblouir: De louer qui je dois haïr. Fils des dieux, qui de flatteries Ne s'entend que dans nos prairies. Grotte, d'où sort ce clair ruisseau, Ah! quelle riante peinture Quel plaisir de voir les troupeaux, Quand le midi brûle l'herbette, Rangés autour de la houlette, Chercher l'ombre de ces ormeaux ! Puis, sur le soir, à nos musettes Mais hélas! ces paisibles jours |