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Ses trompeuses faveurs, ses appas inconstans.
Mais on ne les connoît que quand il n'est plus temps.
Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles,
Qu'on croit avoir pour soi les vents et les étoiles,
Il est bien malaisé de régler ses desirs:
Le plus sage s'endort sur la foi des zéphyrs.
Jamais un favori ne borne sa carrière :
Il ne regarde pas ce qu'il laisse en arrière;
Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit
Ne le sauroit quitter, qu'après l'avoir détruit.
Tant d'exemples fameux que l'histoire raconte,
Ne suffisoient-ils pas sans la perte d'Oronte ?

Ah! si ce faux éclat n'eût pas fait ses plaisirs,
Si le séjour de Vaux eût borné ses desirs,
Qu'il pouvoit doucement laisser couler son âge!
Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,
Cette foule de gens qui s'en vont chaque jour
Saluer à grands flots le soleil de la Cour.
Mais la faveur du Ciel vous donne en récompense
Du repos, du loisir, de l'ombre et du silence,
Un tranquille sommeil, d'innocens entretiens;
Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.

Mais quittons ces pensers; Oronte vous appelle.
Vous, dont il a rendu la demeure si belle,
Nymphes, qui lui devez vos plus charmans appas,
Si le long de vos bords, Louis porte ses pas,
Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage:
Il aime ses sujets, il est juste, il est sage;
Du titre de clément rendez-le ambitieux.

C'est par-là que les rois sont semblables aux dieux.
Du magnanime Henri qu'il contemple la vie :
Dès qu'il put se venger, il en perdit l'envie.
Inspirez à Louis cette même douceur :
La plus belle victoire est de vaincre son cœur.
Oronte est à présent un objet de clémence ;
S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance,
Il est assez puni par son sort rigoureux :
Et c'est être innocent que d'être malheureux.

Pour rendre, dans l'élégie, la plainte plus touchante, il faut y joindre à une vive peinture des malheurs présens

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telle des avantages qu'on a perdus. L'hyperbole n'y est point déplacée parce qu'il est assez naturel que la douleur nous fasse exagérer les maux que nous souffrons. Il arrive bien souvent que l'élégie traite ses sujets sous une allégorie champêtre, et transforme ses personnages en bergers. Ainsi on peut appliquer à ce poème tout ce que j'ai dit sur la poésie pastorale.

ques.

Il ne nous reste des Grecs aucun poè- Poites. me connu sous le nom d'élégie. Mais on élégiapeut principalement rapporter à ce genre un morceau fort touchant, qui est dans l'Andromaque d'Euripide, et le tombeau d'Adonis, idylle de Bion.

On yrapporte aussi la cinquième églogue de Virgile sur la mort de Daphnis ; quelques Odes d'Horace, sur-tout celle où il déplore la mort de Quintilius, et les Héroïdes d'Ovide. Les cinq livres des Tristes que celui-ci composa dans les déserts de la Scythie où il avoit été exilé, sont proprement des élégies. Celle qu'il fit sur la mort de Tibulle, son ami, est très-belle. Mais quant au plus grand nombre des autres, on peut dire que l'excessive abondance de l'imagination, et le feu pétillant de l'esprit y refroidissent presque par-tout le sentiment. Nous en avons une bonne traduction, par le P. Kervillars, jésuite.

Tibulle et Properce, deux grands

poètes du siècle d'Auguste, sont de vrais modèles dans l'élégie. Le premier surtout est doux, élégant et toujours naturel: il ne peint jamais que le sentiment et la passion. Properce ne les exprime pas tout-à-fait aussi bien; il est plus gracieux, mais moins tendre: il montre même quelquefois un peu trop d'art et d'érudition. Ces deux poètes ont été traduits par Longchamps.

Nous avons parmi nous quelques bonnes élégies, que nous devons à madame la comtesse de la Suze, et à ma dame Deshoulières. Il y a de la délicatesse, du sentiment et de la facilité.

La Fontaine n'est connu en ce genre que par la belle élégie que j'ai citée. Les autres qu'il a faites sont peu dignes de

lui.

On trouve dans J. B. Rousseau quelques odes qui sont dans le genre élégiaque. Telle est aussi celle qu'adresse Malherbe à François du Perrier, son ami, pour le consoler de la mort de sa fille, et dans laquelle il lui dit avec autant de délicatesse que de sentiment:

Mais elle étoit du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et Rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.

ARTICLE VI.

De l'Ode.

Le mot Ode signifie Chant, Chanson, Hymne, Cantique. Ce poème, dont la forme consiste dans une suite de stances ou strophes, qui doivent être égales entr'elles, exprime le sentiment, de quelque espèce et de quelque degré qu'il soit. Tout ce qui agite l'ame avec vio- Nature et lence, tout ce qui lui cause une émotion division douce, convient essentiellement à l'ode. Ainsi l'on peut en distinguer deux espèces générales. La première est dans le genre noble et sublime : c'est l'ode proprement dite, qui, suivant Boileau (1),

Elevant jusqu'au ciel son vol ambitieux,

Entretient dans ses vers commerce avec les dieax:
Aux athlètes dans Pise elle ouvre la barrière,
Chaute un vainqueur poudreux au bout de la carrière.

L'autre est dans le geure tendre et gracieux.

Elle peint les festins, les danses et les ris.

de l'Ode.

Il n'est point de genre de poésie plus De l'Ode poétique, s'il est permis de s'exprimer propreainsi, que l'ode proprement dite. Dans ment dite. les autres poèmes, l'écrivain ne remplit point le personnage de poète: l'art même consiste à le faire oublier. Dans l'apoló

(1) Art Poét. ch. 11.

gue, ce sont des animaux qui parlent, comme ils auroient parlé s'ils avoient eu le don de la pensée et de la parole. Dans la poésie pastorale, ce sont des bergers qui s'entretiennent de leurs amours ou d'objets champêtres. Dans la satyre et l'épître morale, c'est un philosophe austère ou badin qui censure les mœurs. Dans l'élégie c'est un homme affligé qui se plaint des rigueurs du sort. Dans le dramatique, ce sont des Citoyens, des Héros, des Monarques, qui agissent et qui parlent, sans que le poète paroisse.

Mais dans l'ode, c'est le poète luimême qui s'annonce, et qui va chanter; le poète inspiré par les Muses, et qui doit en parler le plus riche et le plus magnifique langage. Il est vrai que dans l'épopée, on suppose aussi le poète inspiré. Mais son inspiration est tranquille; la Muse raconte et le poète écrit: au lieu que dans l'ode, son inspiration est prophétique; il est tout rempli, pos. sédé de la Muse ou du Dieu qui s'est emparé de ses sens. On diroit même que le Dieu qui l'inspire, parle par sa voix. Aussi a-t-il besoin, pour réussir dans ce genre de poésie, de ces qualités si rares et si précieuses, qui, suivant Horace (1) font le vrai poète; d'un génie

(1) Sat. IV, 1. 1.

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