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SONNETS HUMORISTIQUES

(1) SOULARY (Joséphin), né et mort à Lyon (1815-1891). Descendant des Solari de Gênes, il se fit connaître dès 1840 par de petits volumes de vers. Sa réputation date des Sonnets humoristiques, recueil qui attira particulièrement l'attention de Sainte-Beuve et de Jules Janin. On lui doit encore: Éphémères (1846-1857); Figurines (1862); Sonnets, poèmes et poésies (1864); Rimes ironiques (1877); deux comédies: un Grand homme attend; la Lune rousse (prose); Promenade autour d'un tiroir (1886).

Soulary est avant tout un orfèvre consciencieux, il aime la difficulté, et cela lui fait choisir la forme étroite du sonnet, où il lui plaît de voir sa muse:

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dit la folle en riant,

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JE n'entrerai pas là,
Je vais faire éclater ce corset de Procuste!
Puis elle enfle son sein, tord sa hanche robuste,
Et prête à contresens un bras luxuriant.

J'aime ces doux combats, et je suis patient.
Dans l'étroit vêtement qu'à sa taille j'ajuste,
Là serrant un atour, ici le déliant,

J'ai fait passer enfin tête, épaules et buste.

Soulary a passé pour le maître du sonnet, à une époque où Heredia n'existait pas encore. Avouons cependant que la perfection lui faisait souvent défaut dans cette forme qui ne souffre aucune licence et aucune maladresse. On cite le sonnet: Rêves ambitieux; on cite plus volontiers encore celui des Deux cortèges:

Deux cortèges se sont rencontrés à l'église.

L'un est morne : il conduit la bière d'un enfant.

Une femme le suit presque folle, étouffant
Dans sa poitrine en feu le sanglot qui la brise.

L'autre, c'est un baptême. Au bras qui le défend
Un nourrisson gazouille une note indécise;
Sa mère, lui tendant le doux sein qu'il épuise,
L'embrasse tout entier d'un regard triomphant.

Nous ne dirons pas, avec M. Jules Lemaître, ce qu'il peut y avoir de convenu et surtout de chevillé dans un sonnet qui passe cependant pour le meilleur du recueil. Bornons-nous à indiquer que l'alternance des rimes n'est pas plus régulière dans les deux quatrains que dans les deux tercets :

On baptise, on absout, et le temple se vide.
Les deux femmes alors se croisent sous l'abside,
Échangent un coup d'œil aussitôt détourné,

Et merveilleux retour qu'inspire la prière,
La jeune mère pleure en regardant la bière,
La femme qui pleurait sourit au nouveau-né.

Ce sonnet n'en n'est pas moins remarquable par la manière dont le poète a réussi à exposer tout un drame en quatorze vers.

Alphonse Lemerre, éditeur.

1859

1

Mme DESBORDES-VALMORE 1

POÉSIES POSTHUMES

(1) DESBORDES-VALMORE (Marceline Desbordes, dame Valmore), née à Douai en 1785, morte à Paris en 1859. Fille d'un peintre en armoiries ruiné par la Révolution, elle connut toute sa vie la gêne matérielle, les déceptions et les deuils. On lui doit plusieurs volumes d'Élégies et de Romances, dont le premier parut en 1818, et aussi plusieurs romans pour la jeunesse. C'est donc plutôt à la première partie du siècle qu'appartient Desbordes-Valmore. Sa réputation date des grands jours du romantisme, mais ses plus beaux vers sont certainement dans son Recueil posthume. Ils semblent contenir, avec plus de chaleur encore, toute sa belle âme inconsolée.

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Lamartine a dit de lui-même :

Je chantais, mes amis, comme l'homme respire,
Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire,
Comme l'eau murmure en coulant...

Les Roses de Saadi.

J'AI voulu ce matin te rapporter des roses;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses, envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir.

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encor en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir !

Une Lettre de femme.

LES femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ;
J'écris pourtant,

Afin que dans mon cœur au loin tu puisses lire
Comme en partant.

Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau ;

Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu'on aime,
Semble nouveau.

Qu'il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l'attendre,
Bien que, là-bas,

Je sens que je m'en vais, pour voir et pour entendre
Errer tes pas.

Ne te détourne point s'il passe une hirondelle
Par le chemin,

Car je crois que c'est moi qui passerai, fidèle,
Toucher ta main.

Ces vers s'appliquent aussi bien à Desbordes-Valmore. Comme le poète du Lac, elle est sans art; mais, comme lui aussi, elle est la poésie même, et, sans autre science que sa propre émotion, elle atteint maintes fois au sublime, où l'élèvent naturellement la bonté de son cœur et la noblesse de son âme.

Tu t'en vas, tout s'en va ! tout se met en voyage,
Lumière et fleurs ;

Le bel été te suit, me laissant à l'orage,

Lourde de pleurs.

Mais si l'on ne vit plus que d'espoir et d'alarmes,
Cessant de voir,

Partageons pour le mieux : moi, je retiens les larmes,
Garde l'espoir.

Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
Te voir souffrir :

Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
C'est se haïr.

Les Séparés.

N'ÉCRIS PAS ! Je suis triste, et je voudrais m'éteindre ;
Les beaux étés, sans toi, c'est l'amour sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre ;
Et, frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !

N'écris pas ! n'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi si je t'aimais.
Au fond de ton silence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !

N'écris pas ! je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.

Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.

N'écris pas !

N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur,
Que je les vois briller à travers ton sourire ;

Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur.
N'écris pas !

La Couronne effeuillée.

J'IRAI, j'irai porter ma couronne effeuillée
Au jardin de mon père où revit toute fleur;
J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée :
Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.

J'irai, j'irai lui dire, au moins avec des larmes :
<< Regardez, j'ai souffert... » Il me regardera

Et sous mes jours changés, sous mes pâleurs sans charmes,
Parce qu'il est mon père il me reconnaîtra.

Il dira: « C'est donc vous, chère âme désolée.
La terre manque-t-elle à vos pas égarés ?

Chère âme, je suis Dieu : ne soyez plus troublée ;
Voici votre maison, voici mon cœur, entrez ! »

O clémence! ô douceur ! ô saint refuge ! ô Père !
Votre enfant qui pleurait vous l'avez entendu !
Je vous obtiens déjà puisque je vous espère
Et que vous possédez tout ce que j'ai perdu.

Vous ne rejetez pas la fleur qui n'est plus belle ;
Ce crime de la terre au ciel est pardonné.
Vous ne maudirez point votre enfant infidèle,
De n'avoir rien vendu, mais d'avoir tout donné.

Loin du Monde.

ENTREZ, mes souvenirs, ouvrez ma solitude!
Le monde m'a troublée; elle aussi me fait peur.
Que d'orages encore et que d'inquiétude

Avant que son silence assoupisse mon cœur !

Je suis comme l'enfant qui cherche après sa mère,
Qui crie, et qui s'arrête effrayé de sa voix.
J'ai de plus que l'enfant une mémoire amère :
Dans son premier chagrin lui n'a pas d'autrefois,

Entrez, mes souvenirs, quand vous seriez en larmes,
Car vous êtes mon père, et ma mère, et mes cieux !
Vos tristesses jamais ne reviennent sans charmes ;
Je vous souris toujours en essuyant mes yeux.

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