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veuve, les vieillards, les infirmes, tous les genres d'infortune qu'ils doivent embrasser dans leur charité; en les conduisant sur un champ de bataille, pour y réparer les suites affreuses de leur despotisme; en les obligeant à descendre dans les galères, dans les prisons, à monter sur l'échafaud, pour s'attendrir en faveur de leurs sujets qu'ils sont forcés de punir; en leur donnant des leçons si touchantes de la charité la plus compatissante, la plus universelle, la plus inépuisable?

Elle a sans doute répandu le despotisme sur la terre, en proclamant l'indépendance des peuples dans les quatre parties du monde; en appelant tous les hommes à la véritable liberté des enfans de Dieu; en leur montrant leurs droits sur les princes, les services qu'ils doivent leur commander; en prêchant l'égalité des hommes devant Dieu; en abolissant pour toujours l'esclavage; en déclarant que l'homme, tombé entre les mains de son ennemi, ne peut cesser d'être libre et indépendant; en mettant toute sa gloire à racheter des captifs, à briser leurs fers, à les mettre en liberté?

Que peut-on trouver de favorable au despotisme dans la morale de l'Église ? Quel rapport peut exister entre l'amour le plus passionné pour les hommes que cette morale

inspire, et la haine la plus déclarée que cache le cœur d'un despote; entre la charité la plus héroïque et la cruauté la plus brutale; entre l'humanité divinisée et la nature humaine méprisée, foulée aux pieds; entre les droits les plus sacrés des peuples, et le mépris le plus insultant qui les anéantit tous; entre les liens sacrés qui unissent les hommes, et cette férocité qui brise tous ces liens augustes; entre la politique douce, paternelle de l'Église, et la politique barbare des despotes?

Le roi, formé dans les maximes de l'Église, regarde les hommes comme ses frères, et le despote les considère comme sa proie. L'un reconnaît dans l'homme l'image de Dieu, et l'autre ne met aucune différence entre lui et la brute. L'un contemple dans son semblable Jésus-Christ, sa personne adorable; l'autre le regarde comme une vile boue qu'il peut fouler aux pieds. L'un respecte dans l'homme son égal, et l'autre le traite comme un esclave, destiné à ramper devant lui. L'un fait entendre des paroles de charité, de liberté, et l'autre n'ouvre la bouche que pour prononcer les mots de mort, de servitude. L'un regarde comme le plus saint des devoirs de briser les fers de ses sujets, et l'autre se croit obligé de forger pour eux des chaînes. Le premier se

considère comme une victime dévouée à la félicité publique, et le second sacrifie tous les hommes à sa cruauté. Celui-là respecte le sang des peuples comme étant le pur sang de Jésus-Christ, et celui-ci met son plaisir à se baigner dans le sang de ses sujets. Celuilà met son bonheur à faire des heureux, et celui-ci conspire, du matin au soir, à faire le malheur du peuple. L'un ne peut, sans frémir, voir couler les larmes, et l'autre ne se plaît qu'au milieu des pleurs et de l'affliction de ses sujets. L'un, comme Théodose, voudrait faire sortir tous les morts de leurs tombeaux; et l'autre, comme Caligula, voudrait que tout le genre humain n'eût qu'une tête, afin de l'abattre d'un seul coup, et de jouir de l'affreux plaisir de le voir périr dans un instant. L'un craint Dieu, redoute les châtimens qu'il inflige aux mauvais princes; l'autre méprise Dieu, se moque de ses menaces, de ses supplices. L'un est destiné à faire le bonheur de la terre, et l'autre est fait pour l'asservir, pour la couvrir d'esclaves, pour en faire le séjour du deuil, de l'affliction et du désespoir.

N'est-il pas évident que le despotisme vient se briser contre la morale de l'Église? Le despote ne peut régner qu'en abjurant ses principes politiques, qu'en foulant aux pieds ses saintes maximes. Il est forcé de méconnaître sa cha

rité, son esprit de liberté, d'égalité; de renoncer à ses enseignemens ; d'abandonner son école; de fermer ses oreilles, pour ne pas entendre sa voix qui crie contre la tyrannie, lui reproche de violer les lois les plus sacrées. Il est obligé d'étouffer cette voix qui appelle sans cesse les peuples à la liberté, qui invoque les droits de l'humanité si indignement outragée, les liens les plus sacrés qui unissent les hommes; cette voix qui part du fond de ses sanctuaires, pour lui dire qu'il n'a reçu le commandement que pour le bonheur de ses semblables, qui lui ordonne de congédier ses satellites, ses bourreaux, cet appareil formidable de la tyrannie.

Que l'on place sur les trônes la morale de l'Église catholique, dès-lors le despotisme sera anéanti. Les rois seront les pères des peuples, de nobles victimes de la félicité publique. Les royaumes seront autant de familles heureuses, vivant en paix et tranquilles : plus de fers, plus d'oppression; la liberté régnera dans l'univers. Plus de craintes pour les rois ; ils n'auront plus besoin d'être gardés par la terreur des armes la bienveillance et l'amour des peuples veilleront sur eux. Plus de plaintes, plus de murmures: aux imprécations ont succédé les éloges; mille voix les bénissent. Plus de larmes de désespoir; on ne voit couler que

des larmes de joie et d'attendrissement. Plus d'esclavage: le peuple goûte les douceurs de la liberté; le commerce fleurit; les communications les plus intimes s'établissent entre toutes les nations de la terre. Les richesses d'un pays sont transportées dans les contrées les plus éloignées; il y a entre tous les peuples de l'univers échange de ressources, d'amour, d'affection, de bonne foi, de sincérité, de franchise. L'agriculture est cultivée en paix; les campagnes se couvrent de riches moissons; la terre se plaît à étaler toutes ses merveilles. La trompette, signal de la guerre, ne vient plus suspendre le sommeil et porter l'épouvante dans les cœurs ; le sang des citoyens ne va plus engraisser les sillons. Tout est heureux, tout bénit le prince, seul auteur de cette félicité, de cette joie universelle. Dès-lors toutes les peintures ravissantes du Télémaque se réalisent: on voit ce beau règne tracé l'âme sensible de Fénélon, un peupar ple heureux à l'ombre du trône!

O rois! il ne tient qu'à vous de donner à la terre ce spectacle ravissant! Le bonheur des peuples est dans vos mains: suivez la morale de l'Église; mettez en pratique ses saintes maximes, et vous régnerez sur tous les cœurs, sur toutes les volontés. Vous rendrez vos peuples heureux. Entendez-vous ces

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