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que les anciens docteurs, et surtout ceux du troisième et du quatrième siècle, s'étoient trompés sur le mystère de l'Incarnation, qu'ils favorisoient l'hérésie eutychéenne, et que ce n'étoit que par la voie de longues contestations, que la vérité de ce mystère étoit arrivée à la perfection; que la connoissance de la doctrine de la grâce étoit entièrement informe jusqu'au temps de saint Augustin; qu'avant ce temps les uns étoient stoïciens, les autres manichéens, d'autres purs pélagiens, et que les plus orthodoxes étoient semiPélagiens; que l'article de la satisfaction de Jésus-Christ, celui de la justification, et celui du péché originel, sont mal enseignés par les saints Pères, Le ministre voyant qu'on pouvoit employer ses principes contre la religion, ajoutoit que les anciens Pères, malgré leur peu d'exactitude, n'avoient pas varié sur les parties essentielles des mystères de la Trinité et de l'Incarnation; qu'ils avoient reconnu qu'il n'y avoit qu'un Dieu et qu'une seule essence divine; dans cette seule essence trois personnes, et que la seconde de ces personnes s'étoit incarnée. Il traitoit l'évêque de Meaux avec beau coup de mépris, jusqu'à l'avertir qu'un évêque de cour, comme lui et les autres, dont le métier n'est pas d'étudier, devroient un peu ménager ceux qui n'ont point d'autre profession, Bossuet, après avoir exposé les excès de ce ministre, fait voir les contradictions et les conséquences pernicieuses de son ouvrage.

Jurieu se fit des ennemis même dans son parti, par la témérité de ses assertions. Bayle s'en prévalut pour le décrier, et il ne craignit pas de déclarer publiquement que Bossuet avoit eu l'avantage sur Jurieu dans cette dispute 1. « M. de Meaux, » dit-il, « a poussé là-dessus M. Jurieu avec tant » de force, qu'il l'a contraint d'abandonner le silence, à quoi il l'avoit ré» duit sur d'autres articles; mais la réplique a fait plus de tort que n'auroit fait le silence. Il a fallu se contredire et désavouer bien des choses, et » après tout on n'a rien gagné. M. de Meaux est revenu à la charge, a > poussé son homme à bout, et l'a réduit à n'oser plus se montrer, Dans un autre ouvrage Bayle prouve que, suivant les principes de Jurieu, les erreurs des sociniens ne sont point fondamentales, et il approuve ce que M. de Meaux a écrit sur ce sujet contre le ministre.

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Le second avertissement de M. de Meaux a pour titre : la Réforme convaincue d'erreur et d'impiété par le ministre Jurieu. Il prouve cette proposition par les aveux du ministre, qui est convenu que dans le commence→ ment de la réforme et même dans son progrès, les théologiens de ce parti avoient avancé des erreurs capitales, entre autres que Dieu étoit auteur du péché, et que les luthériens avoient donné dans le semi-pélagianisme. M. de Meaux le força encore d'avouer qu'on pouvoit se sauver dans la communion catholique.

Le troisième avertissement a pour titre : le Salut dans l'Eglise Romaine selon le ministre Jurieu; le fanatisme établi dans la réforme par les ministres Claude et Jurieu, selon la doctrine des quakers; tout le parti protestant exclus du titre d'église par M. Jurieu.

Le quatrième avertissement est intitulé: la Sainteté et la Concorde du mariage violées. Bossuet y traite de la condescendance qu'avoient eue Luther, Bucer et Mélanchthon, de permettre au landgrave de Hesse d'épouser 1 Dictionnaire, au mot Arius, note II.

2 Janua Calorum reserata, pag. 12. 2o partie.

une seconde femme du vivant de la première, ainsi qu'on peut le voir dans l'Histoire des variations '. Il se récrie sur les calomnies du ministre qui avoit eu l'impudence d'accuser l'Eglise romaine de donner des dispenses des crimes les plus affreux, d'accorder des indulgences à ceux qui avoient couché avec leur mère et avec leurs sœurs, de permettre d'exercer la sodomie les trois plus chauds mois de l'année, et d'en avoir la permission signée par son pape. M. Nicole a parlé avec beaucoup d'éloge de ce quatrième avertissement : « Il me paroît admirable, » dit-il, « et il me semble qu'il comprend > tous les autres. »

Le cinquième a pour titre le Fondement des empires renversé par le ministre Jurieu. Bossuet y réfute cette maxime avancée par le ministre, qu'on peut faire la guerre à son prince et à sa patrie pour défendre sa religion. Il détruit les principes séditieux de Jurieu, qui donnoit au peuple une trop grande autorité au préjudice de la puissance souveraine.

Enfin le sixième avertissement est intitulé : l'Antiquité éclaircie sur l'immutabilité de l'Etre divin, et sur l'égalité des trois personnes divines. Nous y apprenons combien le zèle de M. de Meaux lui avoit fait d'ennemis, et jusqu'où alloit l'injustice de leurs calomnies. Jurieu non-seulement l'accusoit d'avoir recours à la violence pour obliger de se convertir; mais aussi de mener une vie à la cour dans la mollesse et dans le crime; enfin de révérer des mystères qu'il ne croyoit pas dans son cœur.

Ces accusations calomnieuses avoient pour premier auteur un homme qui avoit été chanoine régulier: il s'appeloit Frotté. Il avoit été curé de Souilly près de Claie. M. de Meaux l'avoit interdit à cause de sa vie scandaleuse : il apostasia, et se retira à Rotterdam. Là il publia sous les yeux du ministre Jurieu un libelle contre M. de Meaux, dans lequel, entre autres calomnies, il ne craint pas d'avancer que M. de Meaux ne croyoit point la transsubstantiation. Ce misérable eut une fin digne de la vie qu'il avoit menée : il se prit de querelle avec les gardes d'un temple, qui le tuèrent à coups de hallebarde. Outre ces six avertissements, il y en a encore deux autres de M. de Meaux, aux protestants. Le premier est sur leur prétendu accomplissement des prophéties, dans lequel l'auteur réfute la ridicule imagination des prétendus réformés, que le pape est l'Anté-Christ marqué dans l'Apocalypse, et que le papisme est l'anti-christianisme. L'autre avertissement aux protestants est sur le reproche d'idolâtrie fait à l'Eglise romaine; et M. de Meaux y réfute par eux-mêmes leurs accusations calomnieuses. Cet ouvrage avoit été achevé par ce prélat; mais les derniers cahiers en ont été égarés.

M. Arnauld avoit la plus grande estime pour les Avertissements de M. de Meaux : il trouvoit que le sixième étoit une pièce admirable.

L'Explication de l'Apocalypse, qui parut en 1689, doit être regardée aussi comme un ouvrage de controverse. M. de Meaux y prétend faire voir que l'endroit de la prophétie de saint Jean, où cet apôtre parle de la prostituée de Babylone, désigne la chute de Rome idolâtre et le démembrement de son empire par les armes d'Alaric, en 410.

Le célèbre M. Duguet jugeoit très-favorablement de cette Explication de

1 Au commencement du liv. vI.

Lettre XCI. pag. 191.

3 Sixième Avertissement, n. 115. 4 Lettre DX, tom...., pag. 258.

Apocalypse. « M. de Meaux, » dit-il dans une de ses lettres, vient de ‣ donner une explication de l'Apocalypse, où il met en poudre les impies profanations qu'en font les protestants, et surtout le fanatique Jurieu, dont ⚫ la haine et l'erreur font aujourd'hui un prophète. Le commentaire littéral > qui est distingué des controverses est parfaitement beau, mais peut-être > trop court pour des personnes vives et moins appliquées, et trop obscur ⚫ pour celles qui ne savent pas assez l'histoire, ou qui n'en ont pas assez ▸ remarqué le détail, qui fait tout en cette occasion. Pour moi j'avoue que > j'y donne les mains, sans limiter pour cela la prophétie au passé, comme M. de Meaux ne le prétend pas non plus. ▸

L'an 1691, M. de Meaux éclaircit quelques difficultés qu'avoit un nouveau converti sur l'adoration de la croix : il s'étoit fait religieux de la Trappe et avoit pris le nom d'Armand-Climaque. Il fut d'abord très-fervent dans le nouveau genre de vie qu'il venoit d'embrasser; mais il n'eut pas le don de la persévérance: il se sauva de la Trappe, passa à Genève, y apostasia, et y mourut maître d'école.

M. de Meaux fit encore deux autres ouvrages contre les protestants, et il leur donna le titre d'Instructions pastorales. La première, qui est sur les promesses de l'Eglise, est faite pour montrer aux réunis, par l'expresse parole de Dieu, que le même principe qui nous fait chrétiens, nous doit faire aussi catholiques. Elle fut publiée en 1700. Nous y voyons des preuves du fanatisme des ministres. Bossuet assure qu'il avoit entre les mains un calcul qu'ils faisoient courir chez les protestants, d'où il résultoit que Babylone, c'est-à-dire Rome, devoit tomber sans ressource dans le mois de mai 1699.

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La seconde Instruction pastorale contient les réponses aux objections d'un ministre.

C'étoit M. Basnage, qui avoit employé contre M. de Meaux le livre quatrième du second tome de ses Préjugés faux et légitimes. Le prélat prouve dans cette seconde Instruction, que les principes du ministre autorisent le schisme. Il y discute aussi ce qui regarde Paschase Radbert. Il répond à ce que M. Basnage avoit voulu prouver, qu'il y avoit eu une innovation positive dans la créance. Il y fait voir aussi, que les Grecs ont reconnu dans les premiers temps la primauté du pape, et il réfute diverses calomnies des protestants contre l'Eglise.

Outre tous ces ouvrages, M. de Meaux avoit encore travaillé à un autre qui devoit être très-considérable, dont on n'a que des fragments qui se trouvent dans ses œuvres posthumes. Ils sont au nombre de trois. Le premier est sur le culte des images; le second sur la satisfaction de JésusChrist; et le troisième, sur la tradition ou la parole non écrite.

Les livres de controverse de M. de Meaux lui firent un honneur infini dans toutes les provinces de l'Eglise catholique. La Père de la Rue a publiquement attesté, qu'il avoit vu diverses lettres écrites d'Angleterre, où l'on mandoit que ses ouvrages étoient semés jusque sur les montages d'Ecosse et parmi les neiges du nord; que ses livres parloient la plupart des langues de l'Europe; que ses prosélytes publioient ses triomphes, en des langues que M. de Meaux n'entendoit pas, et que plusieurs protestoient que si leurs

4 N. 44.

2 Oraison funèbre de Bossuet.

charges ne les eussent pas attachés à leur pays, ils fussent venus des extrémités du monde à Meaux, pour mériter trois heures de conférence avec lui. Tandis que M. de Meaux se distinguoit si glorieusement par ses ouvrages polémiques, il fut question de réunir les églises luthériennes de la confession d'Ausbourg avec l'Eglise catholique. L'évêque de Neustad, occupé de ce projet, en fit part à l'empereur Léopold. On en parla dans les diètes de l'empire; et en conséquence des délibérations qui y furent prises, l'évêqué de Neustad écrivit à M. de Meaux pour lui faire part des intentions des protestants. Ce prélat loua son zèle; et, pour l'encourager, il l'assura que le roi approuvoit cette idée. La cour de Hanovre approuvoit aussi ce projet de réunion; et l'abbesse de Maubuisson, Louise Hollandine, fille de Frédéric V, électeur palatin et roi de Bohême, en ayant été informée, écrivit à sa sœur la duchesse de Hanovre, pour lui faire entendre que c'étoit avec M. de Meaux, c'est-à-dire avec le plus habile prélat de l'Eglise catholique, que cette grande affaire devoit être traitée.

La cour de Hanovre trouvant le conseil très-raisonnable, chargea le célèbre Leibnitz de lier un commerce de lettres à ce sujet avec M. de Meaux. Ce fameux philosophe avoit la plus haute estime pour Bossuet. Il lui écrivit le 28 décembre 1691, et lui envoya un projet de réunion fait par le docteur Molanus, abbé de Lokum, de la confession d'Ausbourg. Il demanda le secret pour le nom de ce docteur, qui ne vouloit pas que cette négociation fût publique. Leibnitz estimoit M. de Meaux d'autant plus capable de bien conduire une affaire de cette importance, qu'il le regardoit comme un théologien très-modéré. Il lui en fit même un compliment dans une de ses lettres, où il s'exprime ainsi : « Comme vous avez fait louer votre modération, Mon› seigneur, en traitant les controverses publiquement, que ne doit-on pas › attendre de votre candeur, quand il s'agit de répondre à celles des per> sonnes qui marquent tant de bonnes intentions? »

M. Molanus, plus sensé que ce ministre de Montélimar 1, Cregut, qui vouloit exiger pour préliminaire de la réunion, que les catholiques commençassent par renoncer au dogme de la transsubstantiation, demandoit seulement que l'Eglise romaine eût de l'indulgence pour quelques-uns des dogmes crus par les luthériens, et contraires à ceux de l'Eglise romaine.

M. de Meaux commença par traduire en françois l'ouvrage de Molanus, en l'abrégeant en quelques endroits, sans rien ôter d'essentiel; et il y fit une réponse en latin. Il y déclare que l'Eglise ne peut point accorder à M. Molanus sa demande, puisque si elle consentoit à ce qu'il souhaite, elle donneroit atteinte à son infaillibilité. Il exige donc que ceux qui veulent se réunir, soumettent aux décisions du concile de Trente, dans ce qui regarde la foi. Comme on ne put s'accorder sur ces préliminaires, la négociation languit et s'évanouit à la fin.

se

Cet écrit de Bossuet fut fait à Meaux, dans les mois d'avril, mai, juin, et juillet 1692. Il s'étoit expliqué de même dans une lettre qu'il avoit écrite à une dame qui avoit pris connoissance de cette affaire, et qui étoit en relation avec M. de Leibnitz 2. Il lui avoit mandé, le 29 septembre 1691, qu'il falloit être averti qu'en se relâchant selon le temps et les occasions, sur les articles moins importants de discipline, l'Eglise romaine ne se relâcheroit 1 Vie de Grotius, tom. 11. pag. 229. 1 Madame de Brinon, ibid., pag. 379.

jamais dans un point de la doctrine définie, et en particulier de celle qui l'a été par le concile de Trente. « De croire, » dit-il, « qu'on fasse jamais aucune capitulation sur le fond des dogmes définis, la constitution de > l'Eglise ne le souffre pas; et il est aisé de voir que d'en agir autre➡ » ment, c'est renverser les fondements, et mettre toute la religion en dis> pute. »

M. de Meaux avoit écrit la même chose à Leibnitz '. Il lui avoit dit, qu'il n'y avoit rien à espérer pour la réunion, quand on voudra supposer que les décisions de foi du concile de Trente peuvent demeurer en suspens. A quoi Leibnitz répondit, que si l'on croyoit obtenir un parfait consentement sur toutes les décisions de Trente, il ne falloit pas, selon M. Molanus, songer à la réunion.

Ce commerce de lettres entre M. de Meaux et Leibnitz donna occasion à quelques discussions littéraires entre ces deux hommes illustres. Elles sont relatives à la créance des deux religions, et entre autres à la question des livres deuterocanoniques. Leibnitz attaqua très-fortement la décision du concile de Trente, et M. de Meaux répondit solidement aux objections des protestants.

Tandis que Bossuet travailloit à réunir dans le sein de l'Eglise ceux qui s'en étoient séparés, il y avoit de grandes divisions dans cette même Eglise : une dispute très-vive entre le pape et le roi les avoit occasionnées. Il s'a→ gissoit du droit de régale.

On entend par régale, le droit que le roi a de percevoir les revenus des archevêchés et des évêchés du royaume pendant la vacance des siéges, et de conférer de plein droit tous les bénéfices qui en dépendent, excepté ceux qui sont à charge d'âmes, jusqu'à ce que le nouvel évêque ait prêté serment de fidélité, qu'il en ait fait enregistrer l'acte à la chambre des comptes de Paris, qu'il ait obtenu de cette cour arrêt de main-levée des fruits, et qu'il ait pris en personne possession de son évêché.

L'origine de la régale est très-obscure; ce qui fait dire à Pasquier : S'il y a obscurité en notre histoire, c'est principalement en ce point. Le roi et le parlement de Paris ont constamment soutenu que c'étoit un droit imprescriptible de la couronne.

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Plusieurs évêques illustres par leur piété et par leur doctrine n'en convenoient pas. M. de Pamiers fit faire un ouvrage dans lequel on prétendit prouver que la régale n'étoit pas en usage ni dans la première ni dans la seconde race; qu'elle n'a commencé qu'après la célèbre contestation des investitures, vers le milieu du douzième siècle; qu'elle n'avoit pas lieu dans tout le royaume ; que saint Louis déclare qu'elle n'étoit pas en usage dans l'église du Puy, sur la collation des prébendes; que Philippe-le-Hardi renonça à celle d'Albi; que le concile général de Lyon, tenu en 1274, avoit ordonné * que la régale auroit lieu dans les églises où elle étoit établie par le titre de fondation, ou par une ancienne coutume, avec défenses de l'introduire aux églises qui sont exemptes, sous peine d'excommunication.

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L'auteur de cet ouvrage prétend que ce fut Philippe-le-Bel qui le premier fit des ordonnances touchant la régale. Il suppose qu'elle n'étoit en usage

▲ Madame de Brinon, tom. 11. pag. 423.-2 Ibid., pag. 433.

3 Chap. IV et v. — 4 Chap. XIII.

$ Canon 42.—6 Chap. xv.

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