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la plus mauvaise. C'est lui qui perdit Athènes, et il perdrait des États bien plus fortement consti

tués.

Le besoin de l'ordre n'existe nulle part, excepté quelques courts instants de délire, à un aussi haut degré que dans les masses, et particulièrement dans la population des campagnes; et voilà pourquoi l'organisation des gardes nationales, à laquelle les masses sont appelées à concourir, est presque partout aussi bonne qu'elle puisse l'ètre, certaines circonstances passagères étant données. Appelez donc les masses à partager le droit électoral; mais qu'il s'exerce sous des formes simples, qui n'exigent pas une longue étude pour être comprises: autrement les habiles, c'est-à-dire les coteries, et, selon les temps, les factions, disposeraient des choix.

Mais il ne suffit pas d'étendre au plus grand nombre possible le droit d'élection, il faut encore multiplier les élections mêmes le gouvernement n'a point d'intérêt plus pressant. Il ne saurait accorder une place qu'il ne se crée autant d'ennemis, moins un, qu'il y avait de solliciteurs de cette place. De là une opposition contre les personnes, qui devient une opposition contre les choses, et finit par menacer la vie même de l'État.

Le gouvernement n'a pas mieux compris ce qu'exige la société actuelle, en ce qui touche la liberté de conscience, la liberté d'enseignement, et la liberté d'association : trois grandes et impérieuses nécessités de l'époque. A cet égard encore il semble se mettre en opposition complète avec le vœu des peuples et le besoin des temps.

Il n'y a plus de religion d'État la nouvelle Charte a décidément affranchi tous les cultes. La même liberté leur est distinctement garantie. A quel titre donc le gouvernement viendrait-il se mêler du catholicisme, commander des prières, imposer des serments, instituer des évêques ou des curés, renouer, en un mot, tous les liens qui, unissant le clergé à l'administration, ou plutôt le lui soumettant, mettaient, pour le malheur de tous, la religion dans la politique, et la politique dans la religion? Cependant rien n'annonce encore que les ministres aient senti la nécessité indispensable d'opérer la séparation totale de l'Église et de l'État, et de proclamer, non par des paroles trop souvent démenties par les faits, mais par des actes décisifs, la liberté de conscience, que les catholiques n'ont guère jusqu'à présent connue que de nom.

Rien non plus n'annonce qu'ils s'apprêtent à donner à la France la liberté promise d'enseignement. Il y a bien plutôt lieu de craindre qu'on ne voie se perpétuer le monopole universitaire, l'une des plus odieuses inventions du despotisme impé

rial. Qu'on y prenne garde cependant; le droit de former à son gré l'intelligence du jeune âge, ses croyances, ses mœurs, et de vendre à quelques-uns l'instruction qui doit appartenir à tous, n'est pas un des droits que la France reconnaît à son gou

vernement.

Le roi des Pays-Bas a eu cette prétention; il l'a maintenue opiniâtrément : on sait où elle l'a conduit.

Dans un pays où il n'existe que des individus, point de défense possible contre l'arbitraire sans la liberté d'association. Elle suit, d'ailleurs, comme conséquence de tout système d'institution fondé sur l'élection et la discussion libre des intérêts communs. Seulement, à cause des graves abus qui résulteraient bientôt de cette liberté livrée à ellemème, elle doit être soigneusement réglée par les lois. L'Avenir présentera ses idées sur ce sujet. Tout ce que nous pouvons dire en ce moment, c'est que la législation de l'empire, conçue dans un esprit de défiance et dans le but d'obtenir une obéissance passive aux volontés, quelles qu'elles fussent, du pouvoir, doit subir d'importantes et nombreuses modifications.

En résumé, nous croyons que le gouvernement, soit par timidité, soit par défaut de vues, s'est placé dans une position fausse, où il ne lui sera pas possible de se maintenir; qu'il cherche, comme l'ancien pouvoir, à remettre dans les institutions deux principes inalliables dont le combat le renversera, s'il ne se hâte de faire cesser leur lutte; qu'il n'a pas compris les conséquences des événements de juillet, et qu'en disputant à l'opinion ses plus nobles, ses plus belles conquêtes, en l'irritant par ses lenteurs, en l'effrayant par ce qu'il laisse soupçonner de ses desseins, il expose nonseulement sa considération, mais son existence même.

On nous assure, au moment même, que le gouvernement, tout en supprimant les bourses créées sous le ministère de M. Feutrier, menace de presser l'exécution des ordonnances du mois de juin 1828 contre les écoles ecclésiastiques. Nous avons peine à le croire ; il y aurait dans cette scandaleuse violation de la Charte trop d'iniquité et de folie d'iniquité, car ce serait mettre les catholiques hors de la loi commune, et, en abolissant pour eux la première de nos libertés, les déclarer esclaves de tous les caprices du pouvoir; de folie, car nulle force ne parviendra certes à placer et à maintenir vingt-cinq millions de Français dans cette position dégradante. Que le gouvernement respecte tous les droits, s'il veut qu'on respecte les siens. La paix est à ce prix, il faut qu'il le sache.

III.

DE LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT.

18 octobre 1830.

la base, n'a jamais produit, toutes les fois qu'on l'a vue apparaître dans le monde, que de sanglantes divisions, des calamités et des crimes sans nombre; elle a évoqué des enfers les ducs d'Albe et les Henri VIII.

Nous croyons fermement que le développement des lumières modernes ramènera un jour, non-seulement la France, mais l'Europe entière, à l'unité catholique, qui, plus tard et par un progrès successif, attirant à elle le reste du genre humain, le constituera par une même foi dans une mème société spirituelle : Et fiet unum orile et unus pastor. Mais, par les motifs exposés plus haut, nous croyons en même temps que la religion doit être aujourd'hui totalement séparée de l'État, et le prètre, de la politique que le catholicisme, partout en butte à la défiance des peuples et trop souvent à la persécution des gouvernements, s'affaiblirait toujours davantage, s'il ne se hâtait de secouer le joug de leur pesante protection; et qu'il ne peut revivre que par la liberté. Dans la position fausse où le placent ses rapports avec le pouvoir temporel, il se présente aux hommes sous une apparence hu

On l'a dit bien des fois, sans des croyances communes d'où dérivent des devoirs communs, nulle société stable, et même nulle société possible: car il n'existe de vraie société qu'entre les ètres intelligents; et, si les intérêts peuvent momentanément rapprocher les hommes, le nœud qui les unit doit, pour employer cette expression de Pascal, prendre ses plis et replis dans quelque chose de bien autrement profond, dans ce que leur nature recèle à la fois de plus intime et de plus noble. Ce lien des esprits, cette loi qui, en réglant les pensées et les volontés, ramène l'individu à l'unité sociale, est ce que tous les peuples appellent religion, et tous les peuples aussi ont vu dans la religion le premier fondement, la condition essentielle de toute société; et celle dont l'objet propre est de régler les rapports politiques et civils ou les rapports extérieurs entre les hommes, n'est que l'extension, le complé-maine qui les aliène de lui, tandis qu'entravé, ment de la société primitive des esprits.

Naturellement la société religieuse et civile, l'Église et l'État, sont donc inséparables; ils doivent être unis comme l'âme et le corps : voilà l'ordre. Mais il peut arriver que, les croyances se divisant, il se forme dans le mème État, en quelque manière, plusieurs sociétés spirituelles ; et dès-lors, l'État ne pouvant s'identifier avec l'une sans rompre avec les autres et les traiter en ennemies, il s'ensuit d'abord que chacune d'elles tendant, pour ainsi dire, à se constituer extérieurement ou à faire dans l'État un autre État, la guerre de croyances ou d'opinions devient une guerre politique et civile permanente, et, en second lieu, que, chaque opinion ou chaque croyance prévalant tour à tour, elles finissent par ètre toutes opprimées successivement. La force remplaçant la discussion, au lieu de s'éclairer on s'irrite; les passions s'exaltent, on ne s'écoute même plus; l'anarchie devient interminable.

Le remède, l'unique remède à un mal si grand, est de laisser cette guerre spirituelle se poursuivre et se terminer par des armes purement spirituelles. La vérité est toute-puissante. Ce qui retarde le plus son triomphe, c'est l'appui que la force matérielle essaie de lui prèter; c'est l'apparence même de la contrainte dans le domaine essentiellememt libre de la conscience et de la raison : c'est la violence brutale qui viole et profane le sanctuaire de l'âme où Dieu seul a le droit de pénétrer. Nul ne doit comple de sa foi au pouvoir humain, et la maxime contraire, directement opposée au catholicisme dont elle ruine

chargé de mille liens qui le privent de son mouvement propre, il languit en lui-même, affaissé sous le poids d'une servitude abjecte. Le moment est venu pour lui de se dégager de ses fers. On l'avait peu à peu comme emprisonné dans l'État ; et voilà que Dieu même, préparant son affranchissement par des voies merveilleuses dont le secret ne saurait être encore bien compris, frappe à coups redoublés et brise les portes du cachot où l'Église gémissait depuis des siècles: car, n'en doutez pas, tout ce que nous voyons a, dans les desseins d'en haut, pour but principal de lui rendre, avec son indépendance, l'action qu'elle a perdue, et qui sauvera le monde.

L'instinct des peuples, dirigé peut-être par un obscur pressentiment de l'avenir que la Providence leur destine, demande cette totale séparation de l'Église et de l'État, séparation voulue par la nouvelle Loi fondamentale, et qu'implique le principe consacré solennellement de la liberté de conscience; séparation enfin qui seule peut tirer l'Église et l'État d'une position également violente, également funeste pour l'une et pour l'autre.

Et, pour parler d'abord de l'État, dans quels rapports le gouvernement peut-il se placer à l'égard de l'Église? Évidemment il faut, ou qu'il la protége, ou qu'il l'opprime : nul milieu.

S'il la protége, à l'instant même il suscite contre soi une opposition semblable à celle qui a contribué si puissamment à renverser l'ancien pouvoir. Les mêmes reproches lui seront adressés, il sera en

butte aux mêmes attaques. Obligé d'expliquer ses | actes, de les justifier continuellement, on n'en croira pas ses protestations, ou l'on feindra de ne les pas croire. L'opinion montera comme les flots de la mer, et balaiera les faibles digues qu'il essaiera de lui opposer.

Effrayé de ce danger certain, opprimera-t-il l'Église? Nul pouvoir aujourd'hui n'est assez fort pour l'essayer avec succès. Une tentative pareille soulèverait à la fois, et l'immense corps des catholiques, et tous ceux qui, sans l'ètre, veulent sincèrement la liberté. Le temps de la violence n'est plus; il y a des droits qu'on ne saurait désormais attaquer impunément quiconque essaiera de les ébranler se brisera contre eux. Certes, il ferait beau voir un gouvernement, à l'époque où nous sommes, sous l'empire des maximes et des lois qui nous régissent, venir s'interposer entre Dieu et la conscience d'un seul Français !

Que si, dans sa conduite bassement contradictoire, il se montre, ainsi qu'on le faisait naguère, tour à tour hostile et bienveillant; s'il frappe et caresse selon ses craintes, oscillant, si l'on peut le dire, comme le pendule de la lâcheté, entre la protection de la veille et la persécution du lendemain, quel fruit recueillera-t-il de ces vacillations odieuses, sinon la haine et le mépris universel ?

Considérons, d'une autre part, quelle serait, dans les circonstances présentes, circonstances qui ne changeront de longtemps, la situation de l'Église, supposé qu'elle conservât ses liens avec l'État.

Et ce n'est pas tout. Voyez les suites inévitables de son asservissement; calculez, s'il est possible, les conséquences futures de la prolongation d'un état qui en a déjà produit de si funestes : la religion administrée comme les douanes et l'octroi, le sacerdoce dégradé, la discipline ruinée, l'enseignement opprimé, l'Église, en un mot, privée de son indépendance nécessaire, communiquant chaque jour plus difficilement avec son chef, et chaque jour aussi plus durement soumise aux caprices du pouvoir temporel; façonnée par lui à tous les usages, recevant tout de lui, ses pasteurs, ses lois, sa doctrine même qu'est-ce que cela, si ce n'est la mort?

Catholiques, comprenons-le bien, nous avons à sauver notre foi, et nous la sauverons par la liberté.) On nous l'a promise; demandons hautement, demandons sans relâche l'exécution de cette promesse elle constitue notre droit, et ce droit est sacré, et nul ne nous le ravira, si nous le réclamons, si nous le défendons avec courage et persévérance. Désormais l'État ne doit être pour rien dans le choix des évêques et des curés; au pape seul il appartient de déterminer leur mode d'élection ou de présentation. Le gouvernement n'a plus à se mêler de ce qui regarde le culte, l'enseignement, la discipline; l'ordre spirituel doit être en dehors, complétement en dehors de l'ordre temporel: sans quoi la Loi fondamentale serait indignement violée dans sa lettre et dans son esprit. Et, si jamais on souffre qu'on la viole en un point, qui empêchera que bientôt elle ne soit violée dans tous les autres? Tous les Français, quelle que puisse être la diversité de leurs opinions, ont donc le même intérêt à en maintenir l'exécution franche et complète; et de plus il s'agit ici de la première des libertés, de la liberté religieuse, et d'une conséquence de cette liberté, voulue non-seulement des catholiques, mais de la France entière.

Le passé, à cet égard, -nous instruit de l'avenir. Dépendante du pouvoir, si elle se résigne à subir sa domination, si elle cède à ses influences, obeit à ses ordres ou est seulement soupçonnée d'y obéir, toute opposition politique deviendra une opposition religieuse; on reverra ce qu'on a vu : le prètre, avili dans l'opinion, perpétuel objet de la défiance et de l'animosité des partis, sera représenté comme l'instrument vénal de l'administration, comme le fauteur du despotisme et l'appui naturel de la tyrannie; on l'accusera de servilité, d'intrigue, d'avarice, d'ambition mondaine. Osera-t-il, au contraire, ré-pression du salaire que l'État accorde annuelle

sister au pouvoir et à ses injonctions, mème lorsque sa conscience l'y obligera le plus étroitement, lorsque les maximes de l'Evangile et les canons de l'Église lui en feront un devoir rigoureux ; entendez ces voix qui s'élèvent et appellent à grands cris l'animadversion publique et les violences de l'autorité sur le rebelle, le fanatique, l'homme de trouble et de désordre qui refuse de se soumettre aux lois. Entre ces deux alternatives également dangereuses, que fera l'Église? quelle sécurité peut-elle se promettre? où trouvera-t-elle un quart d'heure de repos? comment subsistera-t-elle ?

Toutefois, nous devons le dire, et le dire hautement, nulle liberté possible pour l'Église qu'à une condition, qui l'arrêtera peu sans doute, la sup

ment au clergé. Quiconque est payé dépend de qui le paie. C'est ce qu'ont bien senti les catholiques d'Irlande, qui toujours ont repoussé cette servitude que le gouvernement anglais a plusieurs fois essayé de leur imposer. Tant que nous n'imiterons point leur exemple, le catholicisme n'aura parmi nous qu'une existence précaire et débile. Le morceau de pain qu'on jette au clergé sera le titre de son oppression : libre par la loi, il sera, quoi qu'il fasse, esclave par le traitement ; et n'est-ce pas déjà le moyen qu'emploient quelques préfets pour obtenir ce qu'il leur plait d'exiger illégalement de lui? Il

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est temps, grand temps que le prêtre rentre dans son indépendance et sa dignité: nul avantage ne saurait jamais en compenser la perte. Il faut qu'il vive, cela est vrai mais avant tout il faut que l'Église vive; et sa vie, nous le répétons, est attachée au sacrifice qui lui rendra la liberté. Alors s'éteindront les haines politiques dont elle était devenue l'objet; alors, se renouvelant en elle-même par la discipline et par la science, elle se présentera aux yeux des peuples telle qu'elle est, telle que Dieu l'a faite, élevée au-dessus de la terre pour répandre sur elle les lumières, les consolations du ciel, riche de son dénûment, forte de la seule puissance qui n'excite pas l'envie et ne provoque point l'opposition, celle de la vertu.

Et qu'on ne s'effraie pas des inconvénients que la suppression du salaire semble, au premier coup d'œil, pouvoir entraîner ; fussent-ils réels, il faudrait encore s'y résigner sans hésitation, puisque le salut de l'Église dépend de sa séparation d'avec l'État. Mais ils seront, de fait, bien moins graves qu'on ne peut le craindre. La Providence ne délaisse point ceux qui se confient en elle. Le zèle créera des ressources immenses. Plus le prêtre montrera de désintéressement, d'abnégation de soi-même, plus les offrandes de la charité viendront au-devant de ses besoins, et du premier de tous, celui de soulager les misères dont le secret est chaque jour déposé dans son sein. Quel est le catholique qui refuserait de contribuer aux réparations du temple où se célèbrent les sacrés mystères de sa foi, et à l'entretien des établissements destinés à perpétuer le sacerdoce? De toutes les populations catholiques d'Europe, la plus indigente est celle d'Irlande, et nulle part la religion n'est plus solidement dotée; car c'est le pauvre qui la dote. Je sais qu'il existe en France des cantons où la foi presque éteinte offrira peu de ressources de ce genre; mais ces cantons sont en petit nombre, et cet affaiblissement de la foi est dû en partie, nous le disons avec douleur, au défaut de zèle et à l'absence du véritable esprit sacerdotal parmi les pasteurs. Partout où ils seront ce qu'ils doivent être, le nécessaire ne leur manquera point. Il y a tant de bienfaits dans la reli gion, elle est si puissante sur le cœur de l'homme, que presque jamais ce n'est elle qu'il repousse, mais la fausse, l'indigne image qu'on lui en a montrée.

Le moment est venu de la replacer dans une position qui ôte tout prétexte à la haine et à la défiance; le moment est venu pour l'Église de se remettre en possession de la liberté qui lui appartient, de la liberté que lui garantit notre Loi fondamentale. Le vœu public la secondera. Que les évêques, fatigués d'une longue oppression, relèvent la tète et contem

plent, dans les révolutions mèmes qui agitent la société, l'aurore de leur délivrance; qu'ils veuillent ce que veulent les peuples, la pleine jouissance de leurs droits, et ils l'obtiendront. Mais pour cela, qu'ils ne s'y trompent point, il faut qu'ils s'aident eux-mêmes; il faut qu'ils accomplissent, par un acte unanime et décisif, la séparation qui les affranchira; il faut, en un mot, qu'ils disent à l'État : Nous renonçons au salaire que vous nous accordiez, et nous reprenons notre indépendance. Soumis comme tous les Français aux lois politiques et civiles du pays, autant qu'elles ne blesseront pas les droits sacrés de la conscience, nous ne reconnaissons point votre autorité en tout ce qui concerne la religion, notre culte, notre discipline, notre enseignement. Dans cet ordre purement spirituel, nous sommes libres en vertu de la loi; nous ne devons obéissance qu'au chef spirituel que Jésus-Christ nous a donné; lui seul doit régler nos croyances, diriger, surveiller notre administration, pourvoir à la perpétuité du ministère céleste. Et ne pensez pas que cette résolution, irrévocable de notre part, nous soit inspirée par aucune vue, aucun sentiment d'opposition contre vous tout au contraire, elle n'a pour motif qu'un désir ardent de faire disparaître des causes déplorables de division; de terminer une lutte contre nature, dont les suites sont incalculables; d'opérer, en ce qui dépend de nous, la réconciliation des partis et l'union des Français, qui seule affermira l'ordre elle nous est inspirée enfin par le devoir rigoureux de sauver le christianisme, en l'élevant au-dessus des passions humaines et des tempêtes de la politique.

Ministres de celui qui naquit dans une crèche et mourut sur une croix, remontez à votre origine; retrempez-vous volontairement dans la pauvreté, dans la souffrance, et la parole du Dieu souffrant et pauvre reprendra sur vos lèvres son efficacité première. Sans aucun autre appui que cette divine parole, descendez, comme les douze pêcheurs, au milieu des peuples, et recommencez la conquête du monde. Une nouvelle ère de triomphe et de gloire se prépare pour le christianisme. Voyez à l'horizon les signes précurseurs du lever de l'astre, et, messagers de l'espérance, entonnez sur les ruines des empires, sur les débris de tout ce qui passe, le cantique de vie.

IV.

DE LA LIBRE COMMUNICATION AVEC ROME.

26 octobre 1830

L'Église catholique, considérée dans sa forme

essentielle, se compose d'une vaste hiérarchie, qui, des derniers rangs de l'ordre sacerdotal, s'elève jusqu'au chef suprême établi par Jésus-Christ pour être le fondement de la société spirituelle, le centre d'où partent et où aboutissent tous les rayons de son gouvernement. En vertu de l'institution divine, ce chef souverain proclame infailliblement la règle de la foi et des mœurs, distribue la juridiction, maintient la discipline, résout les doutes qui regardent la conscience, et juge en dernier ressort les grandes causes dévolues de droit à son tribunal, ou que, par des motifs d'utilité générale ou particulière, il croit à propos d'y évoquer. Détruisez ce pouvoir du pape, et l'Église n'est plus; entravezen à quelque degré le libre exercice, et vous attentez au mème degré à la vie de l'Église.

Que serait, en effet, l'Église catholique séparée de l'autorité qui promulgue le dogme, fait les lois, les interprète, les applique, selon les nécessités de chaque jour; communique la puissance qui ne doit jamais défaillir, et conserve ainsi, dans la succession des temps et la diversité des lieux, l'unité de ce corps immense? Conçoit-on une hiérarchie sans un chef de qui elle émane et qui la couronne? des pouvoirs subordonnés, sans un autre pouvoir, leur racine commune, qui dirige leur action, la coordonne, et sur lequel ils s'appuient? des croyances immuables, sans une règle vivante des croyances? des jugements, sans un dernier juge?

Encore une fois donc, point d'Église sans le pape et par conséquent sans une libre communication avec le pape. Gèner, contrôler ces communications nécessaires, c'est s'attribuer le droit de les interdire entièrement quand on le voudra; c'est dire à l'Église que Dieu a fondée : Tu ne vivras que sous mon bon plaisir.

Mais nulle liberté de communications, lorsqu'elles ne sont pas directes, lorsque forcément elles ont lieu par un intermédiaire officiel. Étonnante prétention, d'espionner la foi, la morale, tout ce qu'il y a de plus sacré dans les secrets de l'âme, quand on rougirait de violer ceux du commerce et de l'industrie! Et à quel titre le gouvernement viendrait-il s'interposer entre le catholique et le chef spirituel qu'il reconnait? Autant vaudrait-il régler que les rapports entre les fidèles et leur curé, entre les curés et leur évêque, seront soumis à l'inspection d'un officier civil, chargé de s'assurer que les paroles dites, mème dans le tribunal de la confession, ne contiennent rien qui puisse inquiéter l'État. Le principe va jusque-là, c'est-à-dire jusqu'aux dernières limites de la tyrannie et par conséquent de l'absurde.

Toutefois nous avons des raisons de penser qu'on ne recule à cet égard ni devant l'absurde, ni devant

la tyrannie. Si nous sommes bien informés, l'administration actuelle, recueillant avec soin toutes les traditions de despotisme, s'efforce plus que jamais de tenir en tutelle la conscience des catholi ques en se plaçant entre eux et leur chef, et en interdisant avec Rome toutes communications dont elle ne serait pas l'intermédiaire obligé. Tel est, dit-on, l'ordre qu'il lui a plu d'intimer aux évèques. Ce n'était pas assez de donner force de loi à des ordonnances illégales, et de retrancher illégalement une allocation accordée par une loi; elle a encore imaginé, pour faire preuve apparemment de son respect pour la Charte, d'ordonner que nul ne reçoive une lettre du pape, ou ne lui en écrive une, sans sa permission. On se demande si on rève. C'est aussi, en vérité, trop d'extravagance et trop d'op. pression. A-t-elle donc cru que les catholiques, affranchis désormais, et, grâce à Dieu, sans retour, consentiraient à rentrer dans la servitude, qu'ils accepteraient pour eux le joug heureusement brisé pour tous, qu'ils renonceraient, à la première sommation de quelques pédants qui ne comprennent que le despotisme, à leurs droits les plus chers, les plus sacrés ; qu'ils manqueraient ou de force ou de courage pour les défendre? Si on l'a cru, que l'on se détrompe. Nous voulons ètre libres, et nous le serons. Notre tête ne se courbera sous aucun pouvoir assez insensé, assez aveugle pour essayer de nous soumettre à ses volontés arbitraires. Il ne saurait le tenter sans déchirer son titre, sans nous délier à l'instant même de tous devoirs envers lui. Nous désirons, nous voulons la paix, mais une paix juste, une paix fondée sur la jouissance effective et pleine des droits acquis sans exception à tous les Français. Hors de là, guerre, guerre continue jusqu'à ce que nous ayons reconquis le plus beau, le plus saint de ces droits, une entière liberté religieuse. Et nous aussi nous le paierons, s'il le faut, de notre sang.

Il est temps que vingt millions de Français cessent d'être tenus dans un état de surveillance oppressive, comme si on les jugeait des ennemis publics, et dans un état de servage, comme si, indignes de la liberté, on les avait condamnés insclemment à un ilotisme éternel. Quiconque aurait conçu ce dessein apprendrait bientôt s'il est facile de nous imposer des chaînes, ce que nous sommes, et ce que nous pouvons.

Et voyez quel moment le ministère choisit pour nous empêcher de communiquer librement avec Rome le moment même où Rome s'empresse de donner, comme souveraineté temporelle, à notre gouvernement la plus éclatante preuve de ses dispositions pacifiques et bienveillantes. Quelque retour lui était dû peut-être, et nous croyons que, sans

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