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sont inefficaces, on doit se hâter d'en assurer l'effet, à l'aide de moyens nouveaux et de dispositions plus sévères. Après avoir pressé l'administration sur ce point, et obtenu d'elle la ruine des écoles ecclésiastiques, on attaquera les grands séminaires. Un évêque passionné pour tout ce qui émancipe l'intelligence humaine, et tout ce qui donne à l'homme le sentiment de sa dignité, n'a pas manqué déjà de provoquer cette autre destruction, indispensable d'ailleurs pour arriver à la fin qu'on se propose, comme l'a montré un magistrat que nous nous affligeons d'autant plus d'avoir à citer ici, que nous honorons davantage son noble caractère et son rare courage politique. « Ce n'est point encore, dit-il, avoir suffiesamment pourvu à l'exécution de l'édit de 1682, que d'avoir interdit aux jésuites l'enseignement << dans les maisons dépendantes de l'université et « dans les écoles secondaires ecclésiastiques. Il faut «<le leur interdire surtout dans les grands séminai<< res; car c'est là que leurs doctrines peuvent produire les plus grands ravages, en préparant à la « France un clergé ennemi de la religion de l'État, « et propagateur de la religion de Rome (1). »

Bien qu'on puisse quelquefois déplorer ses opinions, il y a du moins toujours à gagner avec un honnête homme qui s'exprime franchement. Au lieu d'éluder, de biaiser, M. Cottu prononce hardiment le mot qui expire sur les lèvres ministérielles. Il avoue que la religion de l'État, telle qu'on l'entend et qu'on veut l'établir, est si opposée à la religion de Rome, que quiconque admet et propage la religion de Rome se déclare par cela seul ennemi de la religion de l'État. C'est donc pour propager celleci, et pour repousser celle-là, que le pouvoir, partant du principe que ses lois peuvent se mêler dans tout ce qui se produit sous des formes terrestres, étend ses influences et ses surveillances sur les écoles ecclésiastiques, et les étendra bientôt jusque sur les grands séminaires, qu'il est si important de réformer, selon M. de Pradt.

les

Mais on ne s'arrêtera pas là; on le voudrait vainement, la force des choses entraînera plus loin. En effet, «< comment espérer que toutes les ordon

(1) Des moyens de mellre la Charte en harmonie avec la royauté, par M. Cottu, consciller à la cour royale de Paris, p. 185.

(2) Bemarquez que les points de doctrine décidés par la Déclaration touchent, ainsi que l'a reconnu M. Frayssinous lui-même, aux fondements de la constitution divine de l'Église, et dès-lors appartiennent à la foi. Voilà donc la foi des évêques qui sera déterminée par les édits du roi, devenu l'autorité souveraine dans Ï'Église; et, comme on réglait ses croyances sur les décisions du pontife, on formera ses convictions sur les ordonnances du prince: ce qui sera singulièrement propre à exalter dans l'homme le sentiment de sa dignité.

(3, Sera-t-elle toujours catholique de fait, et schismatique par ses principes? Nous croyons, nous, qu'elle a déjà sacrifié ses prinripes à la conservation de sa foi, et qu'ainsi l'étonnant contraste ne subsiste plus.

TOME II.

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« toute la plénitude de leur conviction (2)? Pourquoi donc tarder plus longtemps à exiger d'eux « cette adhésion formelle ? Je conçois que l'on res<< pecte l'opinion des évèques et des curés actuelle<< ment en exercice, puisque aucune condition ne « leur a été imposée; mais peut-on se dispenser à « l'avenir de s'assurer des sentiments de chacun « des prètres qui solliciteront un évêché ou une « cure? Quelle est cette contradiction de procla<«<mer telle doctrine pour être celle de l'Église gal«licane, et de choisir des évèques qui y soient « opposés ? Notre France offrira-t-elle toujours à l'Europe cet étonnant contraste entre ses prin«cipes et sa conduite (5) ?

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« On ne pourra donc compter sur la franche « exécution de l'édit de 1682, que lorsque aucun évêque ne pourra prendre possession de son « siége, aucun curé de sa cure, aucun professeur « de sa chaire, qu'il n'ait préalablement justifié de << son adhésion positive à la Déclaration de 1682; « savoir les évêques, à la cour royale dans le res«sort de laquelle est situé leur évêché; et les curés «<et autres ecclésiastiques, au tribunal de première << instance dans le ressort duquel est située leur « cure, leur paroisse, ou leur collége (4). »

Ainsi donc, pour substituer au clergé actuel ennemi de la religion de l'État, et propagateur de la religion de Rome, un clergé ennemi de la religion de Rome, et propagateur de la religion de l'État, c'est-à-dire un clergé pleinement schismatique et séparé, sous tous les rapports, de la catholicité, il suffit, ne l'oubliez pas, de trouver des évêques, des curés et des professeurs, qui adhèrent à la Déclaration de 1682, de toute la plénitude de leur conviction. Nous voilà, je pense,

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(4) Moyens de mellre la Charte en harmonie avec la royauté, p. 187.-M. de Montlosier, plus pressé d'en finir avec le catholicisme, veut qu'on aille bien autrement vite. « S'il plait, dit-il, aux jeunes gens qui se destinent à la profession ecclésiastique, de a ne pas adopter les quatre articles que l'Église de France (une << assez belle autorité pour eux) a consacrés en 1682, libre à eux, «< Assurément on peut y consentir mais alors que faut-il faire? a les censurer amerement? Non il faut qu'ils ne soient pas ora donnés prêtres ; il faut qu'ils soient déclarés incapables d'aucun enseignement, d'aucun office ecclésiastique. Il en sera de même « pour la magistrature, dans les parties de l'enseignement qui se « rapportent aux études du droit. » Denonciation aux cours royales, p. 243.—Ces il faut de M. le comte ont un nerf de persécution, et un naturel de tyrannie, que Henri VIII et cet autre monstre en sous-ordre, Cromwell, son ministre, auraient enviés au Dénonciateur.

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assez avertis; et l'on doit comprendre maintenant, ou jamais, s'il était, comme on l'a dit, inutile et imprudent de prémunir les catholiques contre des doctrines dont les partisans d'une Église nationale font le symbole même du schisme qu'ils préparent.

Le temps n'est pas loin où l'on exigera, d'une partie au moins du clergé, la signature des quatre articles, qui deviendront ainsi, parmi nous, un véritable serment du Test. Il est difficile de croire qu'aujourd'hui la conscience puisse se méprendre sur la nature d'un pareil acte. Le motif en vue duquel on essaiera de contraindre les évèques, les curés, les professeurs, d'adhérer à la Déclaration de 1682, suffirait seul pour rendre cette adhésion illicite. Elle ne serait, d'ailleurs, qu'un honteux mensonge car il est vrai de dire qu'aujourd'hui le clergé français s'accorde presque unanimement à rejeter les erreurs contenues dans les trois derniers articles. Mais, comme il existe encore quelques dissentiments sur le premier, dont les funestes conséquences n'ont pas été aperçues de tout le monde aussi clairement, il convient de montrer qu'il ne renferme pas une doctrine moins fausse ni moins dangereuse que les autres. Nous tâcherons d'ètre court, autant que le permet une discussion si importante.

Véritable protestation contre le principe fondamental de la société chrétienne et de toute société, cet article, qui, en séparant d'une manière absolue l'ordre temporel de l'ordre spirituel, consacre toutes les tyrannies, et fonde au sein du christianisme, loi parfaite de liberté (1), une servitude éternelle, est ainsi conçu :

Nous, archevêques, et évêques assemblés à «Paris par ordre du roi, avec les autres députés, «qui représentons l'Église gallicane (2), avons jugé «< convenable, après une mûre délibération, d'é<<tablir et de déclarer :

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« mise aux puissances supérieures ; car il n'y « a point de puissance qui ne vienne de Dieu, « et c'est lui qui ordonne celles qui sont sur la a terre: celui donc qui s'oppose aux puissances, « résiste à l'ordre de Dieu. Nous déclarons, en «< conséquence, que les rois et les souverains ne << sont soumis à aucune puissance ecclésiastique, « par l'ordre de Dieu, dans les choses temporelles; « qu'ils ne peuvent être déposés ni directement ni « indirectement par l'autorité des clefs de l'Église ; « que leurs sujets ne peuvent être dispensés de la << soumission et de l'obéissance qu'ils leur doivent, « ni absous du serment de fidélité, et que cette « doctrine, nécessaire pour la tranquillité publi« que, et non moins avantageuse à l'Église qu'à l'État, doit être inviolablement suivie, comme «< conforme à la parole de Dieu, à la tradition des « saints Pères, et aux exemples des saints. »

Quelle que fut la pensée intérieure de Bossuet en écrivant cette espèce de formule théologique : comme, en matière de religion, on n'adhère point à une pensée inconnue, mais à une doctrine nettement exprimée; pour savoir si l'on peut adhérer en conscience à la déclaration qu'on vient de lire, il faut examiner le sens qu'elle exprime, suivant la signification naturelle et rigoureuse des termes. Or, nous n'hésitons pas à soutenir qu'à moins de faire violence aux mots pour en tirer un sens opposé à celui qu'ils offrent dans le langage humain ordinaire ; à moins de modifier ce sens, comme les gallicans y sont obligés, par des interprétations arbitraires, celui qu'elle présente d'abord n'est pas seulement erroné, mais hérétique, quoique rien ne fût plus opposé à l'intention du pieux évèque qui la rédigea et des prélats qui la souscrivirent. En effet, elle enseigne que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus-Christ, et que toute l'Église même, n'ont recu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles (3). Si donc il est de foi que l'Église a reçu de Dieu une vraie puissance sur des choses temporelles et civiles, il est évident qu'on ne peut nier, sans encourir la note d'hérésie, qu'elle ait reçu une pareille puissance. Or, nous demanderons

« et à Dieu ce qui est à Dieu; et qu'ainsi le pré-si le mariage, fondement de la société civile, est

«cepte de l'apôtre saint Paul ne peut en rien être «altéré ou ébranlé: que toute personne est sou

(1) Jacob., 1, 25.

(2) Rien de moins vrai : les trente-huit évêques dont se composait l'assemblée de 1682, ne représentaient réellement et ne pouvaient représenter qu'eux-mêmes.

(3) Le cardinal Litta, si peu enclin à qualifier sévèrement les doctrines mêmes qu'il combat, et dont les gallicans reconnaissent eux-mêmes l'extrême réserve, remarque, au sujet de cette partie du premier article, « que cette proposition est trop générale

une chose civile, une chose de la terre et du temps? Si on répond oui, la conclusion est que

« et trop illimitée; qu'on ne peut dire simplement, et sans aucune « explication, que Dieu n'a donné aucun pouvoir à l'Église sur les «< choses temporelles; que c'est l'erreur de ceux qui, abusant de « la distinction du spirituel et du temporel, réduisent le pouvoir de l'Église aux actions purement spirituelles et intérieures :» erreur qui a été censurée comme hérétique dans la bulle Anciorem fidei, proposit. IV.

l'Église n'a reçu de Dieu aucune puissance sur le mariage proposition frappée d'anathème par le saint concile de Trente (1). Que si, au contraire, on nie que le mariage soit une chose civile et temporelle, il s'ensuivra que la société civile a son fondement dans la société religieuse et en dépend sous ce rapport, ce qui lie plus étroitement que jamais ce que l'on voulait séparer, l'ordre spirituel et l'ordre temporel.

Il n'est pas moins certain que les vœux monastiques, la cessation du travail à certains jours fixés, l'obligation imposée dans le tribunal de la pénitence de restituer le bien mal acquis, tous les préceptes, toutes les décisions relatives aux devoirs de l'homme en société, ont pour terme immédiat des choses temporelles et civiles; et qu'ainsi déclarer, d'une manière générale et absolue, que l'Église n'a reçu de Dieu aucune puissance sur les choses civiles et temporelles, c'est au moins donner lieu à lui contester ses droits les plus essentiels et sa juridiction divine tout entière.

Nous avons prouvé ailleurs (2), et dans cet ouvrage même (3), que cette maxime une fois admise: Les rois et les souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique, par l'ordre de Dieu, dans les choses lemporelles, il s'ensuivrait que les rois et les souverains sont affranchis de toute loi divine obligatoire dans l'ordre temporel, et que, par conséquent, adhérer au premier article, c'était adhérer à cette proposition: Le souverain doit, par l'ordre de Dieu, étre athée en tant que souverain. Mais il faut montrer, de plus, que le même article renverse par sa base l'autorité de l'Église, et conduit directement au protestantisme.

Le calvinisme, encore très-puissant au commencement du règne de Louis XIII, essaya de faire adopter par les états généraux, en 1613, comme loi fondamentale de l'État, un article insidieux que le clergé et la noblesse rejetèrent d'un commun accord.

Il s'agissait, ainsi qu'en 1682, de déclarer le pouvoir temporel absolument indépendant de la puissance spirituelle. Le cardinal du Perron, parlant au nom de tout le corps de l'ordre ecclésiastique, et de tout celui de la noblesse (4), établit que la doctrine contraire, admise par toutes les autres parties de l'Église catholique, voire même de

(1) Si quis dixerit, Ecclesiam non potuisse constituere impedi menta matrimonium dirimentia, vel in iis constituendis errasse, anathema sit. Sess. XXIV, can. IV.

(2) De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil.

(3) Chap. I et II.

(4) OEuvres du cardinal du Perron, p. 601.

(5) Ibid., p. 599.

(6) Ibid., p. 602.

(7) Ibid., p. 601.-Voyez les Pièces justificatives, n. 7.-Leibnitz

| l'Église gallicane, depuis que les écoles de théologie y ont été instituées, jusques à la venue de Calvin (5), reposait sur une tradition constante et universelle, de sorte que, depuis onze cents ans, disait-il, il n'y a eu siècle auquel, en diverses nations, cette doctrine n'ait été creüe et pratiquée (6) : d'où il concluait que consacrer une maxime opposée à cette ancienne doctrine, c'était se précipiter dans un schisme évident et inévitable (7).

Parcourant ensuite rapidement cette tradition de onze siècles, il fait voir que les papes et les conciles ont réclamé sans interruption et exercé de fait le droit qu'on leur conteste, s'autorisant en cela des paroles de Jésus-Christ, qui servent de fondement à l'autorité spirituelle de l'Église. Puis il montre que la doctrine qu'on s'efforce de renverser est celle de tous les docteurs, de tous les théologiens sans exception, et que, de plus, « elle a été constam«ment tenue en France, où nos rois, et particu«lièrement ceux de la dernière race, l'ont protégée << par leur authorité et par leurs armes; où nos « conciles l'ont appuyée et maintenue; où tous nos évêques et docteurs scholastiques, depuis que << l'école de théologie est instituée, jusques à nos jours, l'ont escritte, preschée et enseignée; et où, << finalement, tous nos magistrats, officiers et juris<<< consultes, l'ont suivie et favorisée... Car, ajoute<«<t-il, afin de vous oster tout ombrage, je ne veux « débattre votre article que par les mesmes doctrines « dont les docteurs françois, qui ont escrit pour « défendre l'authorité temporelle des rois, sont « d'accord (8). »

Venir attaquer aujourd'hui une doctrine fondée sur une si longue et si unanime tradition, c'est évidemment, comme nous l'avons dit, renverser la base de l'autorité de l'Église, et se jeter dans le protestantisme. Car cette attaque suppose, ou que les papes et les conciles se sont trompés pendant treize cents ans sur l'étendue de la puissance que Jésus-Christ leur a confiée, et ont mal entendu les passages de l'Écriture qui l'établissent, ou que pendant treize cents ans ils ont, sur un point d'une importance si grande, trompé sciemment l'univers chrétien; et, dans les deux cas, il faut conclure que l'Église peut errer, soit volontairement, soit à son insu, lorsqu'elle interprète le texte divin, et qu'en

aurait pensé sur ce point comme du Perron; car, selon lui, « il a est certain que celui qui a reçu une pleine puissance de Dieu, « pour procurer le salut des âmes, a le pouvoir de réprimer la tyrannie et l'ambition des grands, qui font périr un si grand « nombre d'âmes. On peut douter, continue-t-il, si le pape a reçu « de Dieu une telle puissance; mais personne ne doute, du moins « parmi les catholiques romains, que cette puissance ne réside

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« dans l'Église universelle, à laquelle toutes les consciences sont

« soumises.» Pensées de Leibnitz, tom. II, p. 406, 407.
(8) OEuvres du cardinal du Perron, p. 602.

particulier on n'est pas tenu de la croire quand, | puissance séculière; d'où l'on peut comprendre que,

par des actes solennels, elle proclame ses propres droits. Or, que disent de plus les protestants?

A ces considérations, suffisantes pour faire concevoir comment on ne peut en conscience adhérer au premier article, viennent s'en joindre de non moins fortes. On s'imagine communément que, quoi qu'il en soit au fond de la doctrine qu'il consacre, il ne s'agit, après tout, pour l'Église, que d'un droit qui n'a, dans l'état présent de la société, aucune application possible. On ne saurait s'abuser plus dangereusement. Il s'agit, au contraire, pour l'Église, de son existence mème; il s'agit de la foi, de la morale, de la discipline, des sacrements. Elle n'a pas à repousser une attaque, elle n'a pas à gémir sous un acte oppressif, qui n'ait son principe et ne trouve sa justification dans cet article subversif du christianisme. Car voici les conséquences dogmati- | ques et pratiques qu'en tirent les ennemis de la religion catholique et presque tous les gouverne

ments.

L'indépendance absolue des deux puissances une fois établie, une grande question se présente aussitôt Quels sont les droits de chacune et ses limites? De sa solution dépend l'ordre entier du monde et l'harmonie des deux sociétés religieuse et politique. Mais par quelle voie la résoudra-t-on ? quelle autorité s'élèvera au-dessus de ces autorités premières et souveraines, pour leur assigner leur partage et prononcer sur leurs différends? Évidemment aucune. Donc guerre entre elles, guerre interminable, à moins que l'une ne consente à reconnaître l'autre pour juge de ses propres droits. Car d'imaginer un traité d'où naitrait la paix par des concessions mutuelles, outre qu'il manquerait de garantie, et dèslors de durée, ce serait détruire la notion mème de la puissance spirituelle, qui ne pourrait, sans cesser d'ètre divine, céder la moindre portion de ce qui la constitue ce qu'elle est. Encore moins lui est-il possible d'accepter le pouvoir temporel pour juge de ses droits, qu'il ne peut connaître que par ce qu'elle lui en apprend elle-même. Donc il faut nécessairement qu'elle-même les détermine, qu'elle en fixe elle-même les limites. Mais l'acte par lequel elle circonscrit, pour parler ainsi, son autorité, circonscrit en même temps celle du pouvoir temporel, dont les droits comprennent tout ce qui n'appartient pas à la puissance spirituelle, et rien davantage de sorte qu'elle ne saurait définir ses propres droits, sans par là mème déterminer ceux de la

(1) Telle était la doctrine des cours judiciaires, et telle est, plus ou moins, aujourd'hui celle de tous les gouvernements. Le 24 mars 1730, Louis XV fit enregistrer au parlement la constitution Unigenitus. Dans la déclaration qui suivit ce lit de justice, l'abbé Pucelle, conseiller clerc, proposa unc protestation dont voici les deux premiers articles:

si un juge des droits réciproques est indispensable, il ne saurait non plus y en avoir qu'un seul. Et, comme il est impossible qu'ils ne soient pas, de fait, déterminés dans la pratique, la question: Qui sera ce juge? se représente toujours. On vient de voir que la puissance spirituelle ne saurait, sans se détruire, en admettre d'autre qu'elle-mème. Sera-ce donc elle qui déterminera les droits et fixera les limites de la puissance temporelle ? Oui, selon les catholiques; non, suivant les gallicans ou du moins ceux d'entre eux qui affectent de défendre avec le plus de zèle les prérogatives du pouvoir civil: et ici nous prions qu'on remarque attentivement la liaison de leurs idées et de leurs raisonnements.

Si, disent-ils, on reconnaissait à la puissance spirituelle ce privilége, à l'instant le pouvoir temporel tomberait entièrement sous sa dépendance, parce qu'elle pourrait toujours arrêter son action, en disant Ceci est mon droit, cela n'est pas le vôtre.

Or, selon le premier article de 1682, les rois et les souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique, par l'ordre de Dieu, dans les choses temporelles ; ils jouissent, comme souverains, d'une indépendance absolue.

Donc c'est à eux seuls qu'il appartient de déterminer leurs droits, et d'en fixer les limites (1).

Cela posé, il ne reste plus à rechercher qu'une chose, savoir, ce que le pouvoir temporel a effectivement décidé touchant ses propres droits; et l'histoire, les arrêts, la jurisprudence des parlements, nous offrent à cet égard tous les documents désirables.

Résumant, dans sa Dénonciation aux cours royales, cette tradition civile, M. le comte de Montlosier établit que le pouvoir propre de l'Église consiste à statuer sur la foi en certains cas. Et encore faut-il observer que, quand ses décisions prennent une forme extérieure et publique, comme dans les bulles doctrinales des papes et dans les canons des conciles œcuméniques, elles retombent dans le domaine de la puissance temporelle. Le reste, c'est-à-dire, la règle des mœurs, la discipline, l'administration des sacrements, appartient, au moins en partie, à cette dernière puissance (2).

Et qu'on ne croie pas que ce soit ici une doctrine reléguée dans l'esprit de quelques spéculatifs ennemis du catholicisme: il n'en existe point, au con

1 La puissance temporelle, établie directement par Dieu, est « indépendante de toute autre, et nul pouvoir ne peut donner la 4 moindre atteinte à son autorité.

20 Il n'appartient pas aux ministres de l'Église de fixer les a termes que Dieu a placés entre les deux puissances.» (2) Voyez les Pièces justificatives, n. 8.

en état de prouver que le pouvoir temporel, obligé de se rendre aux décisions de la puissance ecclésiastique, toutes les fois qu'il existe un conflit entre elle et lui, est néanmoins, et alors mème, indépendant de la puissance ecclésiastique.

traire, de plus pratique, de plus fréquemment appli- | catholique et de toute religion, à moins qu'il ne soit quée aux choses réelles et positives. Ainsi, en ce qui touche la foi, on reconnaît que l'Église ou le pape a le droit de décider au dedans de lui-même ce qui est erreur ou vérité en matière ́de dogme religieux; mais de telle sorte néanmoins que si, non content de cette décision intérieure, il veut encore la notifier au troupeau que Jésus-Christ l'a chargé d'instruire, le pouvoir temporel a le droit de l'en empêcher. Voilà le principe, et voici l'application : aucuns canons, aucune bulle, aucun bref, dogmatique ou autre, ne peut être publié sans le Placet ou l'autorisation du prince, qui devient ainsi, par le fait, maître absolu de l'enseignement; et c'est à raison de cette maxime qu'un rescrit de Léon XII, relatif à la petite Église, est, depuis plusieurs années, retenu au conseil d'État.

On soutient que la règle des mœurs dépend du souverain (1); en d'autres termes, que le souverain crée, par ses lois ou ses volontés, le bien et le mal, le juste et l'injuste: et aussitôt on en conclut qu'il a le droit d'examiner la morale des ordres religieux, et d'étendre jusqu'aux écoles particulières de l'Église ses influences et ses surveillances.

On lui attribue la même autorité sur la discipline; et nul concile, mème provincial, ne peut plus s'assembler sans sa permission; et il commande aux prêtres de violer les canons, en accordant la sépulture ecclésiastique à des gens morts dans l'acte du crime, etc., etc.

Mais, toute autre raison mise à part, quel catholique croirait pouvoir, en sûreté de conscience, protester de son adhésion à des doctrines qu'un grand pontife (5) appelle la douleur du saint-siége, et souscrire une déclaration improuvée, cassée, annulée par la plus haute autorité qui soit sur la terre (4)? Le vicaire de Jésus-Christ, en improuvant les maximes proclamées en 1682, n'établit aucune distinction entre le premier et les trois derniers articles; la même flétrissure les atteint tous, et leurs plus ardents défenseurs avouent qu'en effet ils sont indivisibles (5). Qu'on se rappelle qu'il s'agit d'un point de doctrine fondamental et intimement lié à la foi; et puis, que l'on signe, si on l'ose, que le siége apostolique professe et enseigne l'erreur sur ce point, qui est la base mème de la constitution divine de l'Église.

Cependant, dit-on, les maximes de 1682 n'ont été jusqu'ici frappées d'aucune censure expresse. Il est vrai, nous en convenons. Mais attendrez-vous donc la dernière sentence pour renoncer à des erreurs solennellement repoussées par le Père et le Docteur de tous les chrétiens (6), par une longue suite de pontifes que le Christ a chargés de confirOn soumet à sa juridiction les sacrements mèmes; mer leurs frères dans la foi? Vous sentez-vous le et les confesseurs sont traînés devant des cours courage de défendre contre eux cette cause déplociviles pour y rendre compte du refus qu'ils ont rable au tribunal du souverain Juge, en présence fait de l'absolution, et, en vertu de l'arrêt d'un tri- de ce Dieu devant lequel ils ont protesté solennelbunal laïque, un huissier, que le juge sacrilégelement (7)? Qu'est-ce que votre autorité comparée effraie plus que Dieu mème, vient briser le tabernacle où repose Jésus-Christ, et saisit légalement le Saint des saints, pour donner à un sectaire la joie horrible de le profaner sur son lit de mort (2).

Telles sont les conséquences qu'on déduit du premier article, et ces conséquences sont justes et logiquement incontestables, s'il est vrai que le pouvoir temporel cesserait d'être indépendant de la puissance spirituelle, dans le cas où celle-ci aurait le privilége de déterminer ses droits et d'en fixer les limites. Donc quiconque adhère au premier article adhère à l'abolition complète, absolue, de la religion

(1) Que restera-t-il à régler à Dieu? et qu'est-ce qui, dans l'homme, ne dépendra pas des caprices de cet autre homme appelé souverain?

(2) Tout le monde sait que, dans le dernier siècle, il y a eu des exemples de ces execrables excès, qui formaient une partie de la jurisprudence des parlements.

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à la leur, à celles de toutes les Églises unies à l'Église romaine (8)? On ne vous a pas encore censurés, excommuniés cela suffit-il à votre repos? Ne redoutez-vous que la censure, et non le crime qui la provoque? n'y a-t-il pas souvent de sages raisons de la différer, et ignorez-vous ce que saint Augustin disait de Célestius et de ses sectateurs : « Nous voulons

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l'autorité pontificale tellement connexes avec l'indépendance de
l'autorité de l'État, que le moindre essai d'atteinte à l'ensemble
de la Déclaration leur eût paru un crime de félonie et de lèse-
majesté. » Dénonciation aux cours royales, p. 245.

(6) Concil. Florentin. Labb., tom. XIII, col. 515.
(7) Bulle Inter multiplices.

(8) Vos autem et tàm pauci, et làm turbulenti, tàm et novi, nemini dubium est, quid nihil auctoritati proferatis, S. August-, De utilit. cred.

(9) Respons. ad Hilarium; Ep. 157, n. 22.

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