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Fénélon s'attachait ensuite à les désabuser des ridicules préjugés dont leurs pasteurs les avaient nourris contre les pratiques et les cérémonies de l'église romaine. Il leur enseignait les actes indispensables qu'elle prescrit, et il leur apprenait à ne pas les confondre avec des usages ou des pratiques édifiantes qu'elle conscille, qu'elle permet ou qu'elle tolère.

Les succès que Fénélon et ses coopérateurs obtinrent dans les missions du Poitou, doivent être attribués en grande partie à cette manière simple et exacte de présenter la religion à une multitude troppeu instruite pour saisir les points difficiles d'une controverse au dessus de son intelligence.

Cependant, il était bien éloigné de se faire illusion sur les trompeuses apparences de tant de conversions précipitées. Il remarque avec peine que la méfiance et des considérations purement humaines inspiraient souvent des abjurations peu sincères en vain avait-il obtenu qu'on évitât d'offrir aux regards de cette multitude effrayée, toute apparence de contrainte et de violence; il la voyait toujours agitée du sentiment de crainte qui lui était communiqué par le récit des violences dont quelques autres provinces ne furent pas exemptes. Si on voulait, écrivait-il avec douleur à Bossuet, leur faire abjurer le christianisme et suivre l'alcoran

tait

il n'y aurait qu'à leur montrer des dragons. Bien loin de s'attribuer, à l'exemple de quelques autres missionnaires, la gloire d'avoir converti des provinces entières, Fénélon ne comppour de véritables conversions, que celles qui étaient marquées par un changement réel et durable dans les opinions et dans les mœcurs. Il avait la ferme conviction que les paroles de vérité et de charité qu'il portait dans ces malheureuses provinces, où l'erreur avait triomphé si long-temps, ne seraient pas entièrement perdues pour une nouvelle génération, et qu'elles produiraient, avec la bénédiction du ciel, des fruits de salut que le temps développerait.

Il semble en effet que la Providence ait justifié, d'une manière sensible, les vœux et les espérances de Fénélon; car il est assez remarquable que ces mêmes provinces, qui comptaient alors un si grand nombre de protestants et qui avaient montré un attachement si opiniâtre à leur secte, soient précisément celles qui, à une époque bien récente (1), ont manifesté le plus de zèle pour la religion catholique, lorsqu'on a voulu renverser les autels relevés par

Fénélon.

: Il fallait que Fénélon eût laissé dans tous les

(1) Guerre de la Vendée.

cœurs, une impression bien profonde d'amour et de respect, puisque non seulement les provinces qu'il avait parcourues, mais celles-mêmes où sa réputation s'était étendue, s'empressèrent de consigner, dans des actes publics, l'hommage de leur reconnaissance et de leur vénération. Personne n'ignoreque, lorsque Fénélon fut nommé précepteur des petits-fils de Louis XIV, l'Académie d'Angers sembla indiquer, pour sujet du prix d'éloquence: Le bonheur des peuples qui devaient avoir un jour pour souverain l'élève de Beauvilliers et de Fénélon. L'auteur du discours couronné rappela, en ces termes les missions du Poitou :

« Les hérétiques eux-mêmes sont de fidèles > témoins de ses vertus (de Fénélon), eux qui » n'ont pas été moins édifiés de sa doctrine que » de son exemple, dans une ville qui a toujours » été considérée comme le rempart de l'erreur, » et où il en a détruit les fondements, autant » par sa douceur que par la force de la vérité. » Son zèle infatigable n'en est pas demeuré là » ces hommes, qui avaient été ramenés, par ses » soins, de l'égarement, ont été confirmés, par »sa charité toujours agissante, dans la pureté » de la foi qu'ils avaient nouvellement reçue; » il s'est attaché particulièrement à protéger ce » sexe que sa faiblesse expose le plus souvent

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au péril d'une rechute malheureuse: j'ose dire, » messieurs, que l'église est redevable d'une si » belle conquête à cet homme apostolique.>>>

On aura peine à croire que Fénélon eût à se justifier sur la méthode qu'il avait suivie pour faciliter la conversion des protestants. Le marquis de Seiguelay, secrétaire d'état, chargé du département des provinces du Poitou et du Pays d'Aunis, se crut obligé de le prévenir qu'on lui reprochait un excès de condescendance, en ne soumettant pas les nouveaux convertis à toutes les pratiques de piété et à toutes les formules de dévotion que l'église recommande, mais qu'elle ne prescrit pas (1). On aurait voulu que Fénélon fît en un moment de ces nouveaux convertis, si faibles encore, des hommes consommés dans les maximes et les oeuvres de la perfection chrétienne. Le marquis de Seignelay était sans doute bien éloigné de partager ce zèle si peu

(1) J'ai eu entre les mains, en 1786, les lettres du marquis de Seignelay, ainsi que les originaux des réponses de Fénelon; elles étaient alors au dépôt du Louvre. Il paraît qu'elles se sont perdues depuis les évènements qui ont amené tant de bouleversements dans les dépôts publics: au moins on n'a jamais pu les retrouver, malgré les recherches qu'on a en la bonté de faire à ma prière, aux archives nationales, au dépôt des manuscrits de la bibliothèque impériale, et à la bibliothèque du conseil

d'état.

réfléchi, et il savait que cette impatience indiscrète aurait plus contribué à rebuter qu'à attirer les protestants; mais l'intérêt qu'il prenait à Fénélon ne lui permettait pas de lui laisser ignorer ces frivoles imputations que l'envie, la malignité et un faux zèle affectaient de répandre. Ce jeune ministre était frère des duchesses de Chevreuse, de Beauvilliers et de Mortemart; il connaissait le mérite de Fénélon; il devait y être plus sensible qu'un autre, parce qu'il en avait lui-même. Son esprit, ses talents, son extrême activité promettaient à la France un digne successeur de Colbert, pour soutenir la gloire de la marine française que son père avait créée : úne mort prématurée vint l'arrêter au milieu de sa brillante carrière (1). On ne doit pas être surpris du zèle que le marquis de Seignelay apportait au succès des missions du Poitou. Malgré la dissipation où l'entraînait sa jeunesse, son goût pour les plaisirs, et le tourbillon des affaires et des devoirs, il portait toujours au fond de son coeur des principes et des sentiments de religion, qu'il aimait à entretenir et à cultiver. Nous avons les preuves d'une correspondance habituelle qu'il avait avec M. Tronson, à qui il

Jio J. B. Colbert, marquis de Seignelay, mourut le 3 novembre 1690, à l'âge de 39 ans,

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