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nous semble difficile d'établir qu'ils n'offrent pas un grand intérêt pour l'étude des mœurs et de la formation du langage. Cependant, en traçant le précis de l'histoire de la littérature française, M. Nisard a négligé à dessein toute cette partie ancienne. Dans le culte dont elle a été l'objet, il ne voit qu'une curiosité de bibliographe et d'antiquaire. «Entre deux difficultéş, dit-il, celle d'appuyer sur quelques faits de détails inexplorés ou inconnus des vues ingénieuses, mais contestables, sur la formation et sur les époques oubliées de la littérature française, et la difficulté de donner quelques motifs nouveaux de l'admiration invariable que l'on doit avoir pour ses chefsd'œuvre, nous avons choisi la seconde, et non pas la moindre peut-être, s'il est vrai qu'il soit plus difficile de reproduire avec quelque nouveauté la thèse commune, que d'en imaginer d'extraordinaires sur des points de critique qui ne touchent personne. » Nous avons un véritable regret à cette détermination; car nous sommes loin de croire inutiles les monumens négligés par M. Nisard, et, devenues l'objet d'une critique qui sait à la fois comprendre et juger, les œuvres de notre poésie primitive nous auraient fourni à coup sûr les plus curieux enseignemens sur la constitution de la langue et de la poésie française.

Cependant l'auteur remonte assez haut. Son point de départ est le x siècle, et il recherche l'origine de notre prose et de notre poésie, d'une part dans les chroniques de Villehardouin et de Joinville, et de l'autre dans le roman de la Rose. Cette première partie de l'ouvrage de M. Nisard, appelée époque d'origine et de formation, comprend les xi, xiv et xv° siècles, et est marquée par les noms de Froissart, de Comines, de Christine de Pisan, de Charles d'Orléans et de Villon. L'auteur apprécie avec vérité, avec finesse, avec nouveauté, le caractère et l'influence de chacun de ces écrivains; il montre comment chacun d'eux, digne héritier de son devancier, en se transmettant le fond commun, a cependant enrichi ce patrimoine de ses acquisitions propres, augmentant ainsi les trésors de la langue et de la littérature. La deuxième partie, for

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mée exclusivement par le xvi siècle, est considérée par l'auteur comme l'époque du développement. L'histoire de lapoésie est résumée pour lui dans les noms de Marot, de Ron-sard et de Malherbe, qui constitue la langue; la prose est représentée par Rabelais et Montaigne. Cette époque est d'un grand intérêt historique; mais l'auteur a toute raison de penser que c'est à tort qu'on a prétendu la mettre au-dessus de la période de perfection qui la suit, pour un mérite trop prisé de naiveté, d'inspiration et de richesse vivace, mais trop inculte. M. Nisard n'en rend pas moins justice aux mérites divers des écrivains appréciés par lui. Il les caractérise avec un grand bonheur de critique et d'expression; et, de la comparaison de leurs écrits avec ceux de leurs contemporains, il sait tirer des inductions précieuses pour l'histoire de notre littérature. En ce qui concerne Malherbe, l'auteur montre bien quelle fut son influence sur son époque et sur la littérature française affadie, faussée et dénaturée par la maladresse de Ronsard et de son école, dans leur imitation peu intelligente des anciens. Un rapprochement hardi et nouveau amène, sous la plume de M. Nisard, le nom de Richelieu à côté de celui de Malherbe, constituant à la même époque avec des qualités et des défauts semblables, l'un, la tyrannie politique, l'autre la domination. littéraire. L'écrivain a également des idées nouvelles sur Rabelais. Dans son livre, les uns ont voulu voir une oeuvre complète et, dans toutes ses parties, supérieure, fruit d'une combinaison profonde, une et philosophique, où l'intelligence seule du lecteur doit s'accuser de ce qu'elle ne comprend pas. D'autres, ne voyant que ces endroits où le dévergondage de l'imagination semble avoir seul présidé, qualifient l'auteur de fou et lui accordent à peine quelque grain de génie. L'opinion vraie ne serait-elle pas au milieu? se demande M. Nisard. Eh oui, certes! car, ainsi qu'il l'observe avec raison, fort peu d'écrivains sont tout d'une pièce, et on est plus près de la vérité en avouant les inconséquences et les contradictions qu'en cherchant à les expliquer. Il faut s'arrêter, sur le caractère de Rabelais, à ceci qui nous paraît la constatation d'un fait et

l'expression de la vérité sur son œuvre : « Dans son livre, dit M. Nisard, il y a une partie de fantaisie pure, de facétie, de libertinage d'esprit, de farce; il y a une autre partie d'obscénités, vrai cloaque qui ne peut avoir de qualification en littérature; il y a enfin une troisième partie philosophique évidemment écrite dans un but d'allusion satirique, pleine de bon sens et d'un style très-supérieur, en originalité réelle, en maturité, à celui des deux autres parties. Nous dirons, comme l'auteur, qu'il faut rire de la première, glisser sur la seconde, et admirer la troisième. »

Au XVIIe siècle, arrive l'époque de maturité et de perfection. Dans cette troisième partie de son ouvrage, M. Nisard retrouve la même finesse dans la critique, mais plus de sûreté encore dans ses affirmations : c'est que, dans ce siècle de chefs-d'œu vre, son profond sentiment du beau trouve mieux à s'exercer et à se manifester. Le xvnr siècle est appelé par Ini époque de transformation avec un commencement de décadence. Il assigne les causes de cette décadence et apprécie le rôle et le caractère de chacun des grands écrivains de ce siècle, fort grand encore en comparaison du nôtre. Enfin, la transition à notre époque, et l'établissement de notre littérature moderne sont saisis avec cette sagacité sévère qui caractérise l'ennemi de la littérature facile. On le voit, notre jugement sur cet ouvrage de M. Nisard ressort de son analyse, tout imparfaite qu'elle soit : c'est avoir bien mérité de la littérature que d'avoir resserré, en aussi peu d'espace, autant de saines notions, d'aperçus ingénieux et de préceptes élevés.

Projet d'un dictionnaire provençal-français, ou dictionnaire de la langue d'Oc, ancienne et moderne, etc., par J. Honorat. Digne, 1840. Chez Repos, impr. libraire. In-8° de 79 p.

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C'est un projet qui mérite d'être encouragé, que celui de publier un dictionnaire qui fasse connaître dans tous ses détails cette langue d'Oc que le Français n'a vaincue qu'à grande peine, et qui, malgré toutes ses altérations, possède encore

aujourd'hui tant d'originalité et d'énergie. Long-temps seule en possession de la littérature et de la science, la langue romane a été ressuscitée par l'illustre M. Raynouard, et l'on a compris que, dans la révolution qui fit passer le sceptre littéraire entre les mains de la langue d'Oil, il y avait eu plus de bonheur et de hasard que de justice et de logique. Même après les vastes travaux du philologue célèbre que la littérature romane ne saurait jamais regretter assez, on peut cependant encore récolter d'importantes moissons, tant le champ est fertile et riche. Aussi l'idée de M. Honorat doit être accueillie avec faveur, car il ne se propose pas de refaire ce que M. Raynouard a si bien fait. Ce n'est point d'un glossaire historique et littéraire qu'il s'agit, mais d'un dictionnaire usuel et moderne. Son plan est celui-ci : Réunir et donner tous les mots des différens dialectes de cette langue; leur prononciation figurée, leurs synonymes, leurs équivalens italiens, espagnols, portugais, allemands, etc., quand ils ont le même radical, leurs définitions et leurs étymologies; les radicaux avec l'indication des langues qui les ont fournis, et la liste des mots qu'ils ont concouru à former; les prépositions et les désinences avec l'explication du sens qu'elles ajoutent aux radicaux; l'énumération des parties qui entrent dans la composition de chaque outil, instrument, meuble, machine, arme, habillement, etc.; les provincialismes et les gasconismes corrigés; les origines des principales coutumes et institutions; les dates des découvertes et des inventions les plus remarquables avec celles de leurs auteurs; les noms provençaux français et scientifiques composent les trois règnes de la nature avec l'indication des genres, des ordres et des classes auxquels ils appartiennent. M. Honorat compte faire précéder son dictionnaire d'une grammaire qui contiendra un traité sur l'origine et la formation de la langue, un traité sur l'orthographe et les ouvrages imprimés de la langue d'Oc. Dans cette brochure, M. Honorat développe son projet et fait preuve de connaissances philologiques. Il donne aussi un spécimen de son dictionnaire, qui en fait grandement souhaiter l'exécution.

dont se

An historical sketch of the progress and present state of Anglo-Saxon Literature in England, by John Petheram. - London, Edward Lumley, 1840. In-8° de VII-180 p.

L'attention croissante qui s'est portée dans ces derniers temps, en Angleterre, sur la littérature anglo-saxonne avait occasionné dans les revues et les journaux anglais la publication de quelques aperçus sur les progrès d'une étude encore toute nouvelle toutefois il n'avait encore paru sur ce sujet aucun ouYrage complet; c'était cependant un objet digne d'occuper les historiens de ce pays. Bien des points obscurs seraient éclaircis, bien des usages encore en vigueur aujourd'hui trouveraient leur explication, si l'on pouvait connaître parfaitement ce qui reste de la littérature anglo-saxonne. M. Petheram, en donnant un essai historique qui paraît assez complet, a voulu encourager ces études et même les faciliter: c'est dans ce but qu'il s'est appliqué dans le courant de son ouvrage à indiquer et quelquefois critiquer tous les ouvrages qui peuvent être consultés. En même temps que son livre est une histoire, c'est aussi une bibliographie qui paraît faite avec soin et qui sera d'un utile secours pour tous ceux qui s'occupent de cette partie si intéressante de l'histoire anglaise.

Nouvelles recherches sur les éditions lyonnaises du xv siècle, par Antoine Péricaud aîné, bibliothécaire de la ville de Lyon, des Académies de Lyon, Turin, Marseille, etc. Lyon, 1840. Impr. de Mougin-Rusand.

In-8°.

M. Péricaud s'est voué à la recherche des éditions lyonnaises du xv siècle, et nous avons déjà analysé, avec toute l'attention qu'elles méritent, les excellentes notices qu'il a publiées sur ce sujet. La publication que nous annonçons aujourd'hui forme un supplément à cette bibliographie; elle complète la série des livres de 1473 à 1500. Ce supplément comprend

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