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FABLE V I.

Le Cerf malade.

(Avant La Fontaine ). ORIENTAUX. Tanaq. Faber ex Arab, Lockm. fab. 3.

EN

pays plein de Cerfs, un Cerf tomba malade;
Incontinent maint camarade

Accourt à son grabat le voir, le secourir,
Le consoler du moins: multitude importune.
Eh! Messieurs, laissez-moi mourir:
Permettez qu'en forme commune

La Parque m'expédie; et finissez vos pleurs.
Point du tout les Consolateurs

:

De ce triste devoir tout au long s'acquittèrent,
Quand il plut à Dieu s'en allèrent.
Ce ne fut pas sans boire un coup,

C'est-à-dire, sans prendre un droit de pâturage.
Tout se mit à brouter les bois du voisinage.
La pitance du Cerf en déchut de beaucoup.
Il ne trouva plus rien à frire :

D'un mal il tomba dans un pire ;
Et se vit réduit à la fin

A jeûner et mourir de faim.

Il en coûte à qui vous réclame (1),
Médecins du corps et de l'ame!

O temps! ô mœurs! J'ai beau crier,
Tout le monde se fait payer.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Richer, Liv. VIII. fab. 15. LATINS. Desbillons, Liv. VIII. fab. 23.

OBSERVATIONS DIVERSES.

Le sujet de cette fable ressemble beaucoup à celui du Jardinier et son Seigneur; mais elle est bien loin d'en avoir les agrémens.

(1) Il en coûte à qui vous réclame, etc. Officia sancta quantò veneunt! dit le Cerf dans l'apologue latin de Desbillons. Nous sommes étonnés que le grave Jésuite se soit permis de traduire et d'offrir aux regards de la jeunesse cette satyre peu réfléchie d'usages fondés sur la raison, sur l'autorité, sur la nécessité elle-même. L'homme dévoué aux fonctions du ministère est-il un ange, pour être indépendant des besoins de la terre? Le prêtre, dit S. Paul, doit vivre de l'autel. Il n'a pas droit d'exiger, à la bonne heure, mais il a celui de desirer et de recevoir.

FABLE VII.

La Chauve-Souris, le Buisson et le Canard.

(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 42.

LE Buisson, le Canard, et la Chauve-Souris,
Voyant tous trois qu'en leur pays

Ils faisoient petite fortune,

Vont trafiquer au loin, et font bourse commune (1). Ils avoient des Comptoirs, des Facteurs, des Agents, Non moins soigneux qu'intelligents,

Des Registres exacts de mise et de recette.

Tout alloit bien: quand leur emplette,
En passant par certains endroits
Remplis d'écueils et fort étroits,
Et de trajet très-difficile,

Alla toute emballée au fond des magasins,

Qui du Tartare (2) sont voisins.

Notre Trio poussa maint regret inutile,

Ou plutôt il n'en poussa point.

Le plus petit Marchand est savant sur ce point (3);
Pour sauver son crédit il faut cacher sa perte.
Celle que par malheur nos gens avoient soufferte
Ne put se réparer : le cas fut découvert.

Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource,
Prêts à porter le bonnet vert (4).
Aucun ne leur ouvrit sa bourse.
Et le sort principal, et les gros intérêts,
Et les Sergents, et les procès,
Et le créancier à la porte,

Dès devant la pointe (5) du jour,

N'occupoient le Trio qu'à chercher maint détour,
Pour contenter cette cohorte.

Le Buisson accrochoit les passants à tous coups (6):
Messieurs, leur disoit-il, de grace apprenez-nous
En quel lieu sont les marchandises

Que certains gouffres nous ont prises:

Le Plongeon, sous les eaux s'en alloit les chercher.
L'Oiseau Chauve-Souris n'osoit plus approcher
Pendant le jour, nulle demeure:
Suivi des Sergents à toute heure,

En des trous il s'alloit cacher.

Je connois maint detteur (7), qui n'est ni Souris-Chauve,
Ni Buisson, ni Canard, ni dans tel cas tombé,
Mais simple grand Seigneur,qui tous les jours se sauve(8)
Par un escalier dérobé.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Vont trafiquer au loin, etc. Où peut être la vraisemblance d'une pareille association? Le Buisson a-t-il pieds ou ailes, pour marcher et entreprendre un voyage au loin?

(2) Tartare. L'un des noms dont les poètes se servent pour désigner les enfers ou l'empire des morts.

(3) Le plus petit marchand, etc. Le poète a voulu sauver le fonds ingrat de son apologue par des détails, où perce l'esprit d'observation, exprimés avec autant de finesse que d'agrément. (4) Prêts à porter le bonnet vert. Boileau:

On que d'un bonnet vert le salutaire affront
Flétrisse les lauriers qui lui couvrent le front.

(Satyre I. vers 15.)

Allusion, dit son commentateur, à la coutume où l'on étoit en Italie, d'obliger tout cessionnaire de biens de porter un bonnet ou chapeau orangé; et à Rome, un bonnet vert, pour marquer, ajoute-t-il, d'après Pasquier (Recherches, L. IV. c. 10), que celui qui fait cession de biens, est devenu pauvre par sa faute. Cette peine s'étoit également introduite en France, mais seulement depuis la fin du 16. siècle, suivant les arrêts rapportés par nos jurisconsultes elle est aujourd'hui tombée en désuétude. (Voyez @uv. de Boileau, T. I. p. 17, édit in-12, Paris, 1726.)

:

(5) Dès devant la pointe. Mauvaise construction: on diroit tout au plus dès avant.

(6) Le Buisson accrochoit, etc. M. Lessing (fable le Buisson): «Mais parle, disoit le Saule au Buisson, pourquoi as-tu tant d'avidité pour les habits des passans? qu'en veux-tu faire ? quel secours veux-tu en tirer? Aucun, dit le Buisson. Aussi ne prétends-je pas les prendre je ne veux que les déchirer». (L. II. fab. 17.)

(7) Detteur n'est point français. Regrettons que l'autorité de La Fontaine et l'énergique précision de ce mot n'aient point encore paru des titres suffisans pour lui donner rang dans le langage

commun.

(8) Qui tous les jours se sauve. Comme la Chauve-souris. Mais le Canard et le Buisson, quels sont leurs imitateurs? Pour être régulière, la morale de la fable doit s'étendre à toutes ses parties.

FABLE VIII.

La querelle des Chiens et des Chats, et celle des Chats et des Souris.

LA Discorde a toujours régné dans l'Univers ;
Notre monde en fournit mille exemples divers.
Chez nous cette Déesse a plus d'un tributaire.
Commençons par les Eléments:

Vous serez étonnés de voir qu'à tous moments
Ils seront appointés contraire (1).
Outre ces quatre Potentats (2),
Combien d'êtres de tous états
Se font une guerre éternelle !

Autrefois un logis plein de Chiens et de Chats,
Par cent arrêts rendus en forme solemnelle,

Vit terminer tous leurs débats.

Le Maître ayant réglé leurs emplois, leurs repas,
Et menacé du fouet quiconque auroit querelle,
Ces animaux vivoient entre eux comme cousins;
Cette union si douce, et presque fraternelle,
Edifioit tous les voisins.

Enfin elle cessa. Quelque plat de potage,
Quelque os, par préférence, à quelqu'un d'eux donné,
Fit que l'autre parti s'en vint tout forcené

Représenter un tel outrage.

J'ai vu des Chroniqueurs attribuer le cas

Aux passe-droits qu'avoit une Chienne en gésine (3);

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