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destine à renouveler la foi, que donnera-t-il? La foi; à quoi il pourra ajouter, pour les éprouver, la douleur..

Ce que je puis affirmer de moi, à la cinquante-quatrième année de mon âge, c'est que ma vie a été la recherche pénible, laborieuse, incessante, de la vérité. J'ai trouvé (je le crois, du moins) un fil conducteur dans le labyrinthe où nous élions tous enfermés, destinés à servir de proie au Minotaure du doute et de l'athéisme. Si ce fil n'est pas tissu d'or et de soie, c'est que ceux à qui l'or et la soie avaient été départis s'occupaient à orner notre prison, sans chercher à en sortir, et quelquefois à tisser pour eux-mêmes, avec les dons divins qui leur avaient été octroyés, des vêtements somptueux et des couronnes.

Le moment est venu pour moi de présenter aux hommes, mes frères, le fruit de mon labeur; et je puis le faire, grâce à Dieu, sans orgueil et sans fausse modestie. Car non-sculement je puis dire avec l'Evangile : « Ma Doctrine n'est pas » de moi, mais de Celui qui, en me faisant aimer la vérité, » m'a inspiré cette Doctrine (1); » mais je puis ajouter : «Ma Doctrine n'est pas de moi à un autre titre; car 11. » N'Y A RIEN DANS CETTE DOCTRINE QUI NE S'APPUIE SUR LA TRADITION >> ET LE CONSENTEMENT DE L'HUMANITÉ. >>

A vrai dire, je ne suis pas un auteur, je suis un croyant. Dieu m'a fait la grace de prendre au sérieux la devise de Jean-Jacques Vitam impendere vero. J'ai écrit à mesure que la vérité m'a été connue, n'ayant d'ailleurs d'autre art que la vérité même.

Personne ne sait mieux que moi combien mes écrits sont imparfaits. Je puis pourtant me rendre cette justice qu'au milieu de toutes les difficultés qui ont assailli ma vie, j'ai fait mes efforts pour que ces écrits fussent dignes de l'attention des autres hommes. Enfin ils sont ce qu'ils sont, mais ils contiennent la vérité. Voilà ce qui sort du fond de ma con

(1) S. Jean, chap. VII, v. 16.

science, du fond de mon cœur, de tout mon être. On me réduirait en poudre que je ne saurais penser autrement.

Je le répète, je suis un croyant. Vainement je suis né à une époque de scepticisme : j'étais tellement croyant de ma nature, que j'ai recueilli (telle est du moins ma conviction) la croyance de l'Humanité, alors que cette croyance était à l'état latent, alors que l'Humanité semblait incrédule sur toute chose; et c'est cette croyance que je prétends lui rendre. Je ne fais donc que rapporter à l'Humanité ma mère ce qu'elle m'a donné, heureux d'ailleurs de l'avoir comprise, aimée et servie, et plein de reconnaissance envers Dieu qui m'a permis de la comprendre, de l'aimer et de la servir.

Vous done, ami, qui, depuis longtemps déjà, êtes mon intermédiaire auprès du public, déshabituez-vous de ces marques de dépit qui vous échappent quelquefois à propos des critiques qu'on fait de mes ouvrages ou du dédain qu'on leur prodigue. Quand on vous dit : « Cet écrivain ne ressemble en rien à ceux que notre siècle renomme; il n'a pas l'art de nous intéresser, de nous émouvoir, de nous charmer; » répondez: «< Aussi n'est-il pas venu pour cela, mais pour trouver la vérité la plus utile, la vérité religieuse. »

S'il a plu, en effet, à Dieu d'employer mon incapacité, ne puis-je pas m'appliquer les paroles que je citais tout à l'heure : << Si les enfants d'Abrahanı (c'est-à-dire, en ce cas, les savants » et les éloquents) refusent de faire la volonté de Dieu, Dieu >> saura du sein des cailloux susciter des enfants à Abraham. »> Vous m'avez demandé la liste exacte des ouvrages qui devront entrer dans cette collection; je vous envoie cette liste.

Nous suivrons dans la publication l'ordre même où ces écrits ont paru (1). Chaque pensée, en effet, m'est venue à son

(1) Il y aura pourtant une exception. J'ai le dessein de compléter les articles que j'ai insérés dans l'Encyclopédie Nouvelle, de manière à en former une sorte de Dictionnaire Philosophique, dont nous renverrons la publication à la fin de l'édition.

heure, et a été engendrée par celles qui l'avaient précédée. L'ordre chronologique est donc ici non seulement convenable, mais nécessaire. Mes divers écrits s'expliquent les uns par les autres, et se servent de preuve et de démonstration. Tous sont, à vrai dire, un seul et même ouvrage, qui a son commencement, son milieu, et sa conclusion. Ce qui est vrai de tous les penseurs se trouve être, relativement à moi, d'une exactitude rigoureuse. Pendant vingt-cinq ans, j'ai ajouté définition sur définition, théorème sur théorème, comme font les géomètres. Mon œuvre serait entièrement fausse, si elle n'était pas vraie dans sa généralité; car elle est une.

Quant à la Préface que vous me demandez, cette préface générale destinée précisément à montrer le lien des diverses parties de mon œuvre ou, si l'on veut, de mon système, deux de mes amis ont bien voulu se charger de l'écrire; et vous les en remercierez, comme je les en remercie moi-même. Je n'ai jamais nié ce que je devais aux intelligences qui m'ont précédé dans la vie. Puisqu'il est des cœurs assez généreux, des esprits assez sincères pour ne pas nier à leur tour ce que j'ai pu leur apporter, je suis récompensé. J'ai toujours aimé ce vers du vieux poëte Lucrèce, qui compare les générations successives de penseurs aux coureurs de la fête des Panathénées se passant de main en main le flambeau de la vie :

Et quasi cursores vitaï lampada tradunt.

Ne craignez pas, au surplus, de la part de mes amis, de vaines et stériles flatteries. Ils feront les affaires de la Doctrine qui nous est commune, de la Doctrine que je lis dans leurs esprits, comme ils la lisent dans le mien.

Mais ce travail ne vous est pas nécessaire pour commencer la publication; soyez sûr que vous le recevrez avant l'achèvement du premier volume.

Vous auriez désiré que cette édition fût dédiée aux citoyens qui deux fois m'ont envoyé à l'Assemblée Nationale.

Il est vrai que je leur dois de la reconnaissance, non pas pour la tâche presque impossible de faire du bien au milieu du chaos et de la désorganisation, mais parce qu'en m'élevant, ils ont élevé la Philosophie. Il est vrai encore que les écrivains de l'aristocratie ont renvoyé mes théories mystagogiques à mes cent mille électeurs, comme ne pouvant être comprises que par eux, c'est-à-dire, dans l'intention de ces hommes d'esprit, comme ne pouvant pas être comprises de ceux qui m'ont élu. J'aurais, à ce double titre, pu déférer à votre vœu. Mais il est une cité vivante, bien qu'idéale encore, où tous sont citoyens, aussi bien ceux que nos tristes adversaires appellent la vile multitude, que ceux dont ils composent leur pays légal; il est une cité de Dieu, comme disait S. Augustin, qui comprend toute l'espèce humaine, les femmes aussi bien que les hommes, les pauvres comme les riches, les ignorants comme les savants. Je suis, je veux être de cette cité, qui va, dans un temps prochain, se manifester sur la terre. C'est à tous les citoyens de cette cité future que je dédie mes

ouvrages.

Il ne me reste plus qu'à vous indiquer l'épigraphe qu'il faudra placer au-dessous du titre. Inscrivez hardiment ces trois mots :

SOLIDARITÉ-TRIADE-CIRCULUS,

Car ces trois mots, dont le premier paraît aujourd'hui accepté sans être compris, dont les deux autres sont controversés et tournés en ridicule, ces trois mots résument ma Doctrine.

Paris, 15 juin 1850.

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1. TROIS DISCOURS, aux Philosophes, aux Artistes, aux Politiques, sur la Situation actuelle de la Société et de l'Esprit Humain; avec un Appendice.

2. CONSIDÉRATIONS SUR LA POÉSIE DE NOTRE ÉPOQUE, suivies d'une traduction nouvelle de Werther.

3. DE LA DOCTRINE DE LA PERFECTIBILITÉ ET DU PROGRÈS CONTINU, où se trouve exposée la vraie Méthode de la Connaissance Humaine.

4. ESSAIS DE PSYCHOLOGIE, où se trouve exposée la vraie Définition de notre Nature, contre les Sensualistes, les Rationalistes et les Catholiques; avec un Appendice sur la Certitude.

5. RÉFUTATION DE L'ÉCLECTISME, où se trouve exposée la vraie Définition de la Philosophie, et où l'on explique le sens, la suite et l'enchaînement des divers Philosophes depuis Descartes; avec un Appendice.

6. DE LA MUTILATION D'UN ÉCRIT POSTHUME DE THÉODORE JOUFFROY, avec une Lettre à l'Académie des Sciences Morales et un Appendice, pour faire suite à la Réfutation de l'Éclectisme.

7. DU CHRISTIANISME, où l'on traite du dogme essentiel de cette religion, la Trinitė.

8. DE L'ORIGINE DÉMOCRATIQUE DU CHRISTIANISME,

à la réfutation du Pape de De Maistre.

9. D'UNE RELIGION SANS THÉOCRATIE.

pour servir

10. DE L'ÉGALITÉ, Essai historique où se trouve exposée la vraie Définition du Droit, et où l'on explique le progrès successif du Genre Humain vers l'Égalité, depuis les anciens jusqu'à nous.

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