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Qui naît du choix des mots qu'enchaîne le génie,
Et dans tous les sujets, par des accords divers,
On peut à la musique égaler l'art des vers;
On la peut surpasser, j'ose le dire encore,
Et chaque alexandrin, qu'une image décore,
Parvient, avec des sons tristes ou gracieux,
A peindre à mon oreille aussitôt qu'à mes yeux.
Anathême à l'auteur dont la fertile plume
Tous les jours sans relâche à rimer s'accoutume,
Et qui croit qu'on prendra, tant il se bat les flancs,
Ses lignes de six pieds pour des mètres ronflans!

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De sa fécondité là-haut Phébus se raille;
Et tel un général, en un jour de bataille,

De ses soldats nouveaux à la toise choisis

Voit fuir au premier choc les bataillons transis,
Tel il voit tous ses vers, sans vigueur et sans grâce,
Lâches, décolorés, se traîner à leur place,
Et, s'il faut d'un lecteur assiéger le cerveau,
En être par le goût repoussés de niveau.
Qu'un poëte, fidèle à l'onomatopée,

Laisse bien plus longtemps ma mémoire frappée!
A côté de sa plume il a toujours son luth;
Traduire la nature est son unique but.

Il parle, et dans l'instant le mot propre s'élance;
Ses vers d'un pas égal s'alignent en cadence:
Il sait par mon oreille arriver à mon cœur,
Et, par force ou par ruse, il s'en rendra vainqueur.
Sa muse auprès de lui, sur un trépied sonore,
Me révèle un plaisir que le vulgaire ignore;
Pour que je sente mieux il maîtrise mes sens:
Eh! comment résister à ses nombreux accens!
Ses vers harmonieux, de césure en césure,
Obéissent aux lois d'une juste mesure,

Et dans l'accord parfait des sons qu'il assortit,
Du choc d'un autre mot chaque mot retentit.

Mais quoi! j'entends déjà critiquer notre idiome! Des pédans, nés Romains au sein de ce royaume, M'ont crié tout à coup: -Jeune homme, que veux-tu? Retourne sur tes pas; suis le sentier battu:

Dans ses combinaisons notre langue captive
N'eut et n'aura jamais de force imitative;
Son nerf vient se briser contre ses E muets,
Et Phébus est sans lyre au Parnasse français.·
Ah! je n'écoute point vos décrets ridicules;
Je veux frapper vos mains de vos propres férules.
Louez le temps passé si c'est votre destin;

Dînez s'il faut de grec, et soupez de latin;

Mais aux mânes plaintifs de ces deux langues mères N'immolez point ma langue au gré de vos chimères: Elle eut jadis des torts; mais depuis le vieux temps N'a-t-elle donc pas fait des progrès éclatans? Et notre Académie, au travers de son crible, Chassant des Visigoths le jargon corruptible, N'a-t-elle pas trié les mots qui désormais Dans son code immortel ne vieilliront jamais? De notre langue elle a fixé la prosodie;

De notre langue elle a réglé la mélodie:

Il n'est aucun Français qui n'en doive être épris,
Et plus d'un étranger lui décerne le prix.
Quelle langue sur elle aurait donc l'avantage!
Elle cède à propos, ou résiste à l'usage;
Ses principes sont clairs, ses tropes élégans,
Ses accens précisés, et ses modes constans;
Les objets sont décrits par ses termes lucides;
Comme elle a des sons lents, elle a des sons rapides;
Ses tours, pleins de mollesse ou pleins de fermeté,
Exhalent la douceur ou marquent l'âpreté;

Ses féconds substantifs engendrent plusieurs rimes;

Ses adjectifs nombreux ont tous des

synonymes,
Et chaque période, où les mots sont classés,
Tire le plus grand jour des articles pressés.
Tantôt elle a du grec les formes arrondies,
Et tantôt du latin les tournures hardies;
'Au style figuré des peuples d'Orient
Son style quelquefois se colore en riant;
Là de l'italien elle a la mignardise,
Ou de l'âpre allemand la gothique franchise;
Ici de l'espagnol elle a la majesté,
Ou de l'anglais profond la sombre gravité.

Quand un bon écrivain la dirige et l'anime
Elle descend au simple ou s'élève au sublime;
Et, docile, elle baisse ou monte d'un degré
S'il faut qu'elle s'arrête au genre tempéré.

Veut-elle d'un Dieu juste exprimer la colère,
Bourdaloue et Bossuet la font tonner en chaire:
Les pécheurs, foudroyés par ses grands mouvemens,
Redoutent de l'enfer les justes châtimens :

De ses inversions et de ses métaphores
On dirait qu'il s'élance autant de météores
Qui forcent tour à tour les pâles auditeurs

A craindre les regards des sacrés orateurs.
Veut-elle d'un Dieu bon nous peindre la clémence,
Guidant de Fénélon la sensible éloquence,

Au travers d'un chemin de fleurs tout parsemé

Elle nous mène à Dieu par nos pleurs désarmé.

Lui faut-il chez Thémis gagner une victoire,
Noble, persuasive, imposante, oratoire,

Elle appelle Patru, Cochin et d'Aguesseau,
Qui la font triompher dans le sein du barreau:
Tels on a vu jadis Eschine et Démosthènes
Assurer la couronne à la langue d'Athènes
Au milieu de l'enceinte où le peuple assemblé
Frémissait de respect dès qu'ils avaient parlé.
Mais que ne doivent pas à sa rondeur divine
Et le nerveux Corneille et le tendre Racine,
Et le brillant Voltaire et le noir Crébillon!
Euripide et Sophocle en ont baissé le ton.

Elle aida Melpomène; elle aide aussi Thalie
A changer, à polir les mœurs par la folie.
Comme elle a de Molière embelli les tableaux!

Comme elle a de Regnard fait valoir les bons mots! Comme on l'entend partout sous le masque comique Varier à propos sa piquante critique!

Elle parcourt le bal de la société,

Fronde le ridicule et dit la vérité.

Qui mieux que La Fontaine a connu sa souplesse!
Et qui mieux que Boileau déploya sa richesse!
Le premier dans la fable a fait briller ses droits;
L'autre de l'art des vers lui fit dicter les lois.
Q vous que j'adorai dès que je pus vous lire,
Puissé-je dans ce jour confondre le délire
Des sots qui de ma langue avec impunité
Méconnaissent le charme et la naïveté!

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