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n'est-il pas plus rapide dans sa cadence et plus expressif par sa double image que celui-ci d'Horace?

Post equitem sedet atra cura.

Chaque langue a ses richesses et ses beautés; les habiles écrivains les font connaître. Quoique la langue italienne ne semble faite que pour la douceur, le Dante sait lui donner une force convenable au sujet; on eroit entendre le bruit de la trompette infernale dans ces vers du Tasse, chap. 4:

Chama gli habitatori de l'ombre eterne,

Il rauco suon della tartarea tromba;
Treman le spaciose atre caverne,

E l'aer cierco à quel rumor rimbonba.

Et le bruit d'une tempête dans ceux-ci:

La pioggia, à i gridi, à i venti, à i tuoni s'accorda,
D'horribile armfonia, ch'l mondo assorda.

N'appelons donc point jargon barbare des langues comme l'italienne et la française, qui savent exprimer tout ce qu'elles veulent; admirons leurs richesses, quoique inférieures à celles des langues grecque et latine, et reconnaissons l'avantage de notre e muet, qui procure à notre versification l'harmonieux mélange des rimes féminines et masculines; variété qui rend la rime plus agréable encore dans notre langue que dans les autres. Cette charmante variété manque à la langue italienne, qui, quoique plus riche que nôtre, parce qu'elle demande les deux dernières syllabes, fatigue par la répétition continuelle des quatre sons que produisent ces quatre voyelles, a, e, i, o..

la

FRAGMENS

DE

DIVERS AUTEURS ANCIENS ET MODERNES

SUR LES PRÉÉMINENCES DE LA LANGUE FRANÇAISE

ET SUR SON HARMONIE IMITATIVE.

Balant Itali, gemunt Hispani, ululant Germani, cantant verò Galli.

ANCIEN PROVERBE.

L

IL me semble que notre poésie héroïque est une espèce d'harmonie simple et continue qui est entre le chant et le discours ordinaire ; la mesure qu'elle garde religieusement la sépare de la prose, et la fait approcher de la musique, ce qui produit une variété assez fréquente, qui ne le cède guère à celle des grands vers latins. (Avantages de la Langue française sur la Langue latine, par M. LELABOUreur.)

Tu n'oublieras pas dans tes carmes (vers) de représenter le battement de pied des chevaux, le cri des

soldats froissés de piques, le brisement des lances, l'accrochement des haches, et le son diabolique des canons et arqucbuses qui font trembler la terre.

Je veux bien t'avertir, lecteur, de prendre garde aux lettres, et feras jugement de celles qui ont plus de son et de celles qui en ont le moins; car a, o, u, et les consonnes m, b, et les s finissant les mots, et surtout les r, qui sont les vraies lettres héroïques, font une grande sonnerie et batterie dans les vers. C'est un crime de lèse-majesté d'abandonner le langage de son pays, vivant et florissant, pour vouloir déterrer je ne sais quelle cendre des anciens. Je supplie très-humblement ceux auxquels les muses ont inspiré leurs faveurs de n'être plus tant latineurs ni grécaniseurs, comme ils le sont plus par ostentation que par devoir, et de prendre pitié, comme bons enfans, de leur pauvre mère naturelle. (RONSARD, dans la préface de la Francia de.)

Dans quelque genre que ce soit, dès qu'on écrit en vers il faut que le poëte se retrouve et se fasse sentir même en se cachant. Quoi! n'est-ce donc plus un art que cet accord heureux qui doit se trouver entre la pensée et le mouvement du vers, entre le sentiment et le son! N'y a-t-il pas quelque mérite à varier la mesure des vers et la chute des rimes de manière à produire des effets? N'y a-t-il pas une harmonie pour tous les genres? ( OEuvres de M. DE LA HARPE, t. 5, page 441.)

Les Grecs et les Latins avaient une harmonie élémentaire qui résidait dans leurs syllabes et leurs terminaisons : nous avons une harmonie accidentelle, née du

concours de mots heureusement choisis et artistement combinés. (Le même, t. 6, p. 592.)

Nos bons poëtes, ceux qui par l'arrangement et la combinaison des mots en ont su tirer le plus d'harmonie, ceux enfin qui ont mieux connu le mécanisme de notre langue poétique, ont évité le style sententieux et décousu. Il n'est point d'harmonie sans nombre et sans un certain luxe d'expression. Le coloris naît de la pompe et de la richesse des mots. (COLARDEAU, dan's sa préface du Temple de Guide.)

L'art de peindre par les sons caractérise les grands poëtes, et manque à Ovide.... Notre langue, maniée avec adresse, subjuguée par le travail, peut descendre sans bassesse aux objets les plus communs; elle peut peindre presque tout par des images, des sons ou des mouvemens. (DELILLE, préface des Géorgiques.)››

Si j'avais voulu imprimer ici tout ce qui se trouve épars dans nos bons auteurs concernant l'harmonie imitative de notre langue, mes Pièces Justificatives outre-passeraient la grosseur d'un volume ordinaire ; je me trouve donc forcé de renvoyer mes lecteurs aux auteurs qui ont écrit sur cette matière. J'aurais voulu pouvoir joindre au plaidoyer du Sigma contre le Tau le Dialogue comique et instructif des lettres de l'alphabet par d'Abancourt, auteur mis à côté de Patru par Boileau lui-même ; j'aurais voulu pouvoir y joindre le Dialogue de ces mêmes lettres par M. de

Wailly, qui n'a pas cru pouvoir mieux faire que de donner cette forme amusante à des vérités grammaticales; j'aurais voulu pouvoir y joindre l'ouvrage entier de Priscien, de Accidentibus litterarum, les ouvrages de M. Court de Gebelin, et les réflexions ingénieuses de Marmontel dans sa Poétique sur la valeur des lettres; j'aurais voulu pouvoir joindre au Tableau des lettres par Ausone le petit poëme attribué à Virgile sur l'Y, la complainte des lettres qui ne peuvent entrer dans le nom de M. de Neuf-Germain, par Voiture, la Requête burlesque des Consonnes à une actrice qui ne prononce pas bien, par le Cousin Jacques, etc., etc., etc., etc.; toutes ces pièces concourent à prouver que, le genre sérieux comme dans le genre bouffon, les lettres de l'alphabet ont été personnifiées par d'autres que par moi.

dans

Quant au système de l'harmonie imitative en général, ceux qui désireront puiser les autorités dans les sources mêmes feront bien de lire les dixième et douzième livres de l'Orateur de Quintilien, les articles de l'Encyclopédie Harmonie imitative et Onomatopée, l'excellent Traité de la Construction Oratoire, par M. l'abbé Le Batteux; l'Alphabet raisonné

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