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ESSAI

SUR L'INDIFFÉRENCE

EN MATIERE

DE RELIGION.

CHAPITRE XXIX.

La perpétuité est un caractère du christianisme.

En considérant, à l'époque de leur plus grande dépravation, tous les peuples de la terre, nous avons trouvé la même loi morale, mais continuellement violée par les passious; les mêmes vérités, mais obscurcies par une multitude d'erreurs; le même culte essentiel, l'adoration, la prière et le sacrifice, mais corrompu par d'innombrables superstitions, c'est-à-dire que, malgré le déréglement des mœurs et les égaremens de l'esprit, nous avons reconnu partout la même conscience, la même raison, la même religion (1).

Ainsi la religion est universelle, elle est une comme la raison humaine; mais, comme elle aussi, elle se développe, par un progrès naturel, et dans le genre

(1) Non sunt absconsa testamenta per iniquitatem illorum. Eccles., XVII, 17.

TOME 4.

humain et dans chacun des individus qui le composent : de sorte que les hommes et les peuples, qui tous participent à la raison et connoissent la religion, ne participent pas tous néanmoins à la plénitude de la raison, et ne connoissent pas tous la religion dans son entier développement; quoiqu'il n'existe pas un seul peuple ni un seul homme à qui la raison universelle et la religion ne soient manifestées à un degré suffisant, pour que rien ne leur manque de ce qui est nécessaire à la conservation de la vie physique, morale et intellectuelle.

Et puisque l'expérience montre qu'il en est ainsi alors même que les nations semblent avoir atteint le dernier degré de la corruption, il en est ainsi toujours; car une moindre corruption n'est qu'un moindre éloignement de la loi de vérité et de la loi d'ordre d'où il suit que l'universalité de la religion dans les temps où ses préceptes ont été le plus violés, prouve son universalité dans tous les temps, ou sa perpétuité.

:

D'ailleurs la religion n'étant que la loi de notre nature intelligente, cette loi, nécessairement aussi ancienne que l'homme, n'a jamais pu être ignorée de lui; autrement Dieu lui auroit refusé en lui donnant la vie, le moyen de la conserver, ce qui est tout ensemble et contradictoire et démenti par le fait, puisque l'homme existe.

Il est donc évident que la religion a dù commencer avec le monde, et se perpétuer sans interruption (1).

(1) Il n'est pas nécessaire de recourir aux livres saints pour pou

C'est une conséquence de son unité, et un dogme du christianisme. Aussi tous les peuples ont-ils cru que l'antiquité étoit un caractère essentiel de la vraie religion, et par lequel on la discernoit des superstitions qui la défigurent. Ils ont dit, comme Vincent de Lérins et comme l'Église catholique: Nous reconnoîtrons la vérité avec certitude, et nous nous préserverons de l'erreur, si nous suivons l'universalité, l'antiquité, le consentement (1). Que cette règle fût en effet admise par les païens, on l'a déjà vu pour ce qui concerne l'universalité et le consentement commun; et nous montrerons bientôt qu'ils regardoient également l'antiquité ou l'autorité de la tradition comme le fondement de la vraie foi et du véritable culte. Mais auparavant il est nécessaire de remonter à l'origine de ce culte et de cette foi ou à l'origine de la religion, pour faire voir comment elle concourt avec l'origine de l'homme, et comment, malgré les alté-.

voir se convaincre que la véritable religion étoit originairement celle du genre humain. Les anciens peuples, quoique livrés à des superstitions extravagantes, conservoient des traces sensibles de l'ancienne tradition, et les semences précieuses des vérités les plus importantes. Cet accord frappant entre des nations qui souvent ne se connoissoient point, qui n'avoient entre elles aucun commerce, prouve évidemment que leurs pères communs avoient une même croyance, une même morale, un même culte ; et que les diverses opinions qui dans la suite partagèrent les hommes, n'étoient que des inventions modernes et des altérations de la religion primitive. Mém. de l'Acud, des Inscript., tom. XLII, pag. 173, 174.

(1) Hoc est enim verè proprièque catholicum, quod ipsa vis nominis ratioque declarat, quod omnia ferė universaliter comprehendit. Sed hoc ità demùm fiet, si sequamur universitatem', antiquitatem, consensionem. Vinc, Lirin. Commonitor., cap. II.

rations plus ou moins considérables qu'elle a subies en différens lieux dans la suite des âges, elle s'est néanmoins toujours perpétuée, ainsi que le principe qui la conserve.

Plusieurs savans ont prouvé que la croyance de la création du monde (1) et de celle de l'homme, n'étoit ni moins ancienne ni moins universelle que le genre humain (2). Platon enseignoit même, ainsi que les stoïciens, que tout ce qui existe a été fait par le Verbe et la sagesse de Dieu (3), qui a formé l'homme à son image, ajoutoit-il; car la ressemblance de

(1) Selon Sanchoniaton, les Phéniciens reconnoissoient que le monde avoit eu un commencement : cette croyance étoit générale, et leur étoit commune avec les autres peuples. Les Chaldéens, au rapport de Bérose, faisoient mention de Celui par qui le monde avoit commencé ; les Égyptiens convenoient que ce monde n'avoit pas toujours été: ce ne fut que fort tard, c'est-à-dire lorsque les Grecs eurent commencé de s'appliquer à la philosophie et de disputer sur tout, que l'origine du monde fut mise en question, et que quelques uns soutinrent qu'il avoit toujours existé. Mém. de l'Acad. des Inscript., tom. LXI, pag. 242, 243.

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Huet,

(2) Euseb. Demonstr. evang., lib. III, c. HI. Th. Burnet. Archæolog, philos., lib. II, c. II et Telluris theoria sacra, lib. I, c IV; et lib. II, c. VI. Grotius de Veril. Relig. Christ., lib. I, § 16. Hyde, Hist. veter. Persar., cap. III, pag. 81. Alnetan. Quæst., lib. II, c. V et VII. Goguet, de l'Origine des Lois, des Arts et des Sciences, tom. II, pag. 451, 452. Consul. et. Strab., lib. XV, pag. 1040. Diogen. Laert. in Proœm., § 4.

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- Stob. Eclog. phys., lib. I, c. I. Clem. Alexandr. Strom. lib. V.

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(3) Aiά Adyov ✪coû xxi dıavotas. Vid. Euseb. Præp. evang., lib. XI, c. XXX. - S. August., de Civit. Dei,, lib. VIII, c. XI. Justin. Paran. et Apolog. II. Theoph. ad Autolyc., lib. II. Lactant. Divin. Institut., lib. IV, c. IV; et lib. VII, c. VII. Jam ediximus Deum universitatem hanc mundi verbo et ratione et virtute molitum. Apud vestros quoque sapientes Aóyov, id est sermo

l'homme avec Dieu étoit encore un des points de la doctrine commune et traditionnelle (1).

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Nous en voyons l'origine dans l'Écriture sainte qui, nous révélant, pour ainsi parler, le secret de notre nature, nous apprend que le souverain Être tira du néant notre intelligence, en lui manifestant les vérités et les préceptes qui font la loi de sa vie, et le fonds immuable de la religion.

« Dieu a créé l'homme de la terre, et l'a formé à » son image. Il lui créa de sa substance une aide sem» blable à lui. Il leur donna le discernement, une >> langue, des yeux, des oreilles, un esprit pour >> penser, et il les remplit de la doctrine de l'intelli» gence. Il créa dans eux la science de l'esprit (2);

nem atque rationem constat artificem videri universitatis. Hunc enim Zeno determinat factitatorem, qui cuncta in dispositione formaverit. Tertull. Apolog., c. XXI.

(1) Deus nimiùm indignatur, quoties quispiam illius similem improbat aut probat dissimilem; Dei verò similis est vir bonus. Platon. Minos; Oper. tom. VI, pag. 136. —Idem de Republicâ, lib. VI; et ap. Lactant., lib. II, c. X. Aristot. de Anim., 1. I, c. II. Eurypham, in frag. Pythagor. — Eurysus. ap. Clem, Alexandr. Strom., lib. V. Hierocl. in Aurea Carmin. et de Provid. et de - Maxim. Tyr. dissertat. 38. Seneca de Provident.,

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Fato. c. I. · Animal hoc providum, sagax, multiplex, acutum, memor, plenum rationis et consilii, quem vocamus hominem præclara quâdam conditione, generatum esse à Deo supremo... Itaque ex tot generibus, nullum est animal, præter hominem, quod habeat no titiam aliquam Dei; ipsisque in hominibus, nulla gens est neque tam immansueta, neque tam fera, quæ non, etiam si ignoret qualem habere Deum deceat, tamen habendum sciat. Ex quo efficitur illud, ut is agnoscat Deum, qui, undè ortus sit, quasi recordetur ac noscat. Est igitur homini cum Deo similitudo. Cicer., de Legibus, lib. I, c. VII et VIII, ·Manilius, lib. IV, v. 893. Ovid. Metamorph., lib. I, v. 83.

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(2) Par la science de l'esprit, on entend la science de la foi,

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