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ront point cru à ce mystère seront damnés. Voilà des choses bien étranges pour les croire si vite sur la seule autorité d'un homme que je ne connois point! Pourquoi votre Dieu a-t-il fait arriver si loin de moi les événemens dont il vouloit m'obliger d'être instruit ? Est-ce un crime d'ignorer ce qui se passe aux Antipodes? Puis-je deviner qu'il y a eu dans un autre hémisphère un peuple hébreu et une ville de Jérusalem? Autant vaudroit m'obliger de savoir ce qui se fait dans la lune. Vous venez, dites-vous, me l'apprendre; mais pourquoi n'êtes-vous pas venu l'apprendre à mon père, ou pourquoi damnez-vous ce bon vieillard pour n'en avoir jamais rien su? Doit-il être éternellement puni de votre paresse, lui qui étoit si bon, si bienfaisant, et qui ne cherchoit que la vérité? Soyez de bonne foi, puis mettez-vous à ma place : voyez si je dois, sur votre seul témoignage, croire toutes les choses incroyables que vous me dites, et concilier tant d'injustices avec le Dieu que vous m'annoncez (1). »

Tout ce discours repose sur de fausses suppositions. Afin de paroître combattre le christianisme avec avantage, Rousseau commence philosophiquement par le calomnier.

Qui a dit à ce sophiste qu'un homme sera damné pour n'avoir pas cru à des mystères qu'il ne pouvoit connoître? Sur quel fondement impute-t-il aux chrétiens une doctrine si absurde et si horrible? Jamais

(1) Emile, ubi suprà.

l'Église enseigna-t-elle qu'un homme bon, bienfaisant, qui ne cherche que la vérité, dût être éternellement puni d'avoir ignoré une vérité dont il lui étoit impossible d'être instruit? Non, cet homme ne sera point damné s'il est réellement tel que vous le dites; il se sauvera, nous n'en doutons pas, et il se sauvera dans le christianisme : car quiconque n'a point entendu la prédication évangélique, et croit tous les dogmes que proclame la tradition universelle, tout ce que croyoient les anciens justes, celui-là croit implicitement tout ce que nous croyons; ce n'est pas la foi qui lui manque, mais un enseignement plus développé : il est, comme nous l'avons déjà dit ailleurs, dans la position de l'enfant qui meurt avant qu'on ait achevé de l'instruire, il est chrétien (1).

(1) Les théologiens distinguent, comme on sait, trois sortes de baptème: le baptême d'eau, le baptême de désir, et le baptême de sang ou le martyre. Ceux qui insistent le plus sur la nécessité du baptême d'eau, enseignent en même temps que Dieu feroit plutôt un miracle que de laisser mourir sans baptême un hommie qui seroit dans les dispositions supposées ici. Nous inclinons à croire que ces dispositions renferment un désir implicite du baptême, qui suffit dans le cas présent: Quod pro tanto dicitur sacramentum baptismi esse de necessitate salutis, quia non potest esse homini salus, nisi saltem in voluntate habeatur, quæ apud Deum reputatur pro facto. S. Thom., 3e part., vol. II, quæst. LXVIII, art. II. — La volonté de faire tout ce que Dieu veut qu'on fasse pour être sauvé renferme évidemment la volonté de recevoir le baptême, si l'on en connoissoit la nécessité. Le bienheureux Ligori dit positivement « qu'il est de foi que le baptême » d'esprit est suffisant pour le salut; » et voici la définition qu'il en donne : « Le baptême d'esprit est la parfaite conversion à Dieu » par la contrition ou l'amour de Dieu sur toutes choses, avec le » vœu explicite ou implicite du vrai baptême d'eau, qu'il supplée » quant à la rémission de la coulpe. De fide est per baptismum fla

Mais enfin, demandez-vous, sera-t-on obligé de eroire sur son seul témoignage un missionnaire qui vient annoncer des faits extraordinaires, qui se sont passés il y a deux mille ans à l'autre extrémité du monde, et dont on n'avoit point encore entendu parler ? Nullement. Les vertus de ce missionnaire, le zèle qui l'amène, à travers tant de périls, dans un pays lointain, uniquement pour y prêcher une doctrine sainte en elle-même, et conforme à celle de la tradition tout cela doit porter les hommes d'une volonté droite à l'écouter, mais tout cela ne crée pas l'obligation absolue de croire ce qu'il dit sur son seul témoignage. Je laisse à part l'impression intérieure de la grâce, qui produira sans doute son effet sur quelques uns. J'envisage la question sous le point de vue purement philosophique. Ou le missionnaire sera doué du pouvoir miraculeux, et alors ce ne sera plus à son seul témoignage qu'on croira, mais au témoignage immédiat de Dieu même : ou il ne possédera pas ce pouvoir, et dans ce cas il peut y avoir «< comme un temps d'attente durant lequel se fait la publication de l'Évangile. Ceux qui demeurent dans cette attente semblent être en état de recevoir la vérité quand elle sera entièrement certifiée, et peuvent encore être sauvés, comme leurs prédécesseurs, en la foi primitive (1), » Il faut, en

» minis homines etiam salvari... Baptismus flaminis est perfecta » conversio ad Deum per contritionem vel amorem Dei super om» nia, cum voto explicito vel implicito verí baptismi fluminis cujus » vicem supplet quoad culpæ remissionem.» Ligor., lib. VII, tract. II, de Sacrament., n. 96.

(1) Paroles de Bossuet citées plus haut.

un mot, qu'ils connoissent avec certitude l'existence de l'Église dont le missionnaire se dit l'envoyé, pour être dans l'obligation rigoureuse d'ajouter foi à ses enseignemens. Car on peut être trompé par un homme, et c'est à l'autorité de l'Église seule que s'attache le devoir d'obéir. Et certes nous raisonnons ici suivant une supposition bien peu vraisemblable, celle d'un seul témoignage qui atteste l'existence de l'Église, de cette immense société répandue, dès les premiers siècles, par tout l'univers. En un cas aussi singulier, s'il arrive qu'il se présente, Dieu agit lui-même sur les cœurs; et sa bonté est plus féconde en moyens de sauver l'homme et de l'éclairer, que l'homme n'est fécond en vains prétextes pour justifier son ingratitude et sa rebellion.

Considérons maintenant le point d'où nous sommes partis, et celui où nous sommes arrivés, afin que, guidés toujours par l'enchaînement des conséquences, nous parvenions au but que nous nous sommes proposé.

Du principe que l'autorité est le moyen général donné aux hommes pour discerner la vraie religion des religions fausses, nous avons conclu, premièrement, la nécessité de la révélation: secondement, que le christianisme est la religion révélée ou la vraie religion.

En effet la réunion de ces caractères, l'unité, l'universalité, la perpétuité, la sainteté, forme le plus haut degré d'autorité possible.

Or nulle religion n'eut jamais aucun de ces carac¬

tères, excepté la religion chrétienne; elle seule est manifestement une, universelle, perpétuelle, sainte : donc nulle religion, excepté la religion chrétienne, ne posséda jamais d'autorité; donc la religion chrétienne est la seule vraie religion.

Mais il existe différentes sectes, différentes communions, dans le sein de la religion chrétienne. Quelle est la véritable, comment la reconnoîtrons-nous? Toujours par le même moyen, en examinant quelle est celle à qui appartient la plus grande autorité visible..

Fondés sur ce principe, qui est la base de la raison humaine, nous montrerons dans le volume suivant, que nulle secte séparée de l'Église catholique, ne peut s'attribuer aucun des caractères dont la réunion forme le plus haut degré d'autorité visible; qu'ils se trouvent uniquement dans l'Église catholique, qu'elle les possède tous, et que l'Église catholique est par conséquent la seule société dépositaire des dogmes et des préceptes révélés, la seule qui professe la vraie religion.

Se peut-il qu'il existe des créatures intelligentes qui ne daignent pas même s'occuper de ces importantes questions? Quel est donc le charme qui les fascine, et les empêche de lever leurs regards sur l'avenir inévitable vers lequel elles s'avancent incertaines de leurs destinées, et tranquilles dans le sein de cette ignorance terrible? Cet aveugle oubli de soi-même seroit inexplicable sans la foi qui nous révèle le mystère de l'homme. Également incompréhensible dans sa grandeur et dans sa bassesse, il touche à tous les extrêmes.

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