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Titus, où « l'on sait que la cité sainte fut mise en feu avec son temple, avec toutes les marques de la dernière extermination que Daniel avoit prédite. Ce fut alors que le peuple juif cessa absolument d'être peu ple, conformément à ce qu'avoit dit le même prophète: ... et il ne sera plus le peuple de Dieu (1).

» Dans cet intervalle l'Église chrétienne commen çoit par la prédication de la vérité, que Jésus-Christ et ses apôtres établirent par tant de miracles, et surtout par celui de la résurrection de Jésus-Christ, qui étoit, qu'il le falloit reconnoître pour le vrai Christ. Alors cependant la Synagogue n'étoit pas encore entièrement répudiée, ni n'avoit pas tout-à-fait perdu le titre d'Église, puisque les apôtres communiquoient encore avec elle, à son temple et à son service. C'é toit comme un temps d'attente, durant lequel se faisoit la publication de l'Évangile. Il y en avoit alors qui peut-être n'avoient pas vu par eux-mêmes les miraeles de Jésus-Christ et de ses apôtres, et, ne sachant encore que penser, voyant aussi qu'il se remuoit dans le monde quelque chose d'extraordinaire, demeuroient comme en suspens, attendant du temps le dernier éclaircissement, et disant comme Gamaliel : Si ce conseil n'est pas de Dieu, il se dissipera de lui-même, s'il est de Dieu, vous ne pourrez pas le dissip r (2).Ceux qui demeuroient dans cette attente sembloient être en état de recevoir la vérité, quand elle seroit entièrement

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(1) Méditat., etc., loc. cit., p. 18.

(2) Act., V, 38, 39.

certifiée, et pouvoient encore être sauvés, comme leurs prédécesseurs, en la foi du Christ à venir; parce qu'encore qu'il fût arrivé, la promulgation de sa venue n'avoit pas encore été faite jusqu'au point que Dieu avoit marqué, et après laquelle il ne vouloit plus tolérer ceux qui n'ajouteroient pas une foi entière à l'Évangile.

>> En attendant, l'Église judaïque demeuroit encore en état. Le Fils de Dieu lui donnoit toujours la même autorité qu'elle avoit, pour soutenir et instruire les enfans de Dieu : ne lui changeant la créance que dans le point que Dieu avoit révélé par tant de miracles. Car la croyance qu'elle donnoit par ces miracles à l'Église chrétienne, ne dérogeoit qu'à cet égard à la foi de l'Église judaïque. L'Église chrétienne naissoit encore, et se formoit dans le sein de l'Église judaïque, et n'étoit pas encore entièrement enfantée, ni séparée de ce sein maternel. C'étoit comme deux parties de la même Église, dont l'une, plus éclairée, répandoit peu à peu la lumière sur l'autre. Ceux qui résistoient ouvertement et opiniâtrément à la lumière, périssoient dans leur infidélité; ceux qui demeuroient comme en suspens en attendant le plein jour, disposés à le recevoir aussitôt qu'il leur apparoîtroit, se sauvoient à la faveur de la foi au Christ futur, à la manière qu'on a vu. La Synagogue leur servoit encore de mère, et tenoit encore la chaire de Moïse jusqu'à un certain point. Qu'on demandât: Quel Dieu faut-il croire? les docteurs de la Loi répondoient : Celui d'Abraham, qui a fait le ciel, la terre. Que

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faut-il faire pour son culte, et qu'en ordonne Moïse? Telle et telle chose. Faut-il attendre un Christ? Sans doute. Où doit-il naître? En Bethlehem (1); tout d'une voix. De qui doit-il être fils? De David; sans hésiter. Mais ce Christ, est-ce Jésus? Dieu le déclaroit ouvertement, et on n'avoit pas besoin à cet égard de l'autorité de la Synagogue; car il s'élevoit une autorité au-dessus de la sienne, qu'il n'y avoit pas moyen de méconnoître absolument. Ceux qui attendoient néanmoins ce que le temps devoit faire, pour la déclarer davantage, et qui se gardoient en attendant, à l'exemple d'un Gamaliel, de participer aux complots des Juifs contre Jésus-Christ et ses apôtres, faisoient ce que disoit le Sauveur : Faites ce qu'ils disent, suivez ce qui a passé en dogme constant, mais ne faites pas ce qu'ils font. Ne sacrifiez pas le juste à la passion et à l'intérêt de vos docteurs corrompus. L'autorité naissante de l'Église chrétienne suffit pour vous en empêcher. La Synagogue ellemême n'a pas encore pris parti en corps, puisqu'elle écoute tous les jours les apôtres de Jésus-Christ, et demeure comme en attente : Dieu le permettant pour ne laisser pas tomber tout-à-coup dans la Synagogue le titre d'Église, et pour donner loisir à l'Église chrétienne de se fortifier peu à peu. La Synagogue s'aveugle à mesure que la lumière croît; les enfans de Dieu se séparent. La lumière est-elle venue à son plein par la

(1) Matth., II, 5.

destruction du saint lieu, par l'exterminatión de l'ancien peuple, et l'entrée des Gentils en foule, avec un manifeste accomplissement des anciens oracles : la Synagogue a perdu toute son autorité, et n'est plus qu'un peuple manifestement réprouvé. C'est cé qui devoit arriver selon les conseils de Dieu, dans cet entre-temps qui se devoit écouler entre la naissance de Jésus-Christ et la réprobation déclarée du peuple juif (1). >>

On voit que, selon Bossuet, l'obligation générale et absolue d'entrer dans l'Église chrétienne, ne commença qu'à l'époque où elle s'étoit assez fortifiée, assez étendue, pour que tout le monde dût céder à son autorité pleinement établie; et ce qu'il dit des Juifs s'applique également à ceux d'entre les Gentils qui, s'étant préservés de l'idolâtrie, ne rendoient de culte qu'au seul vrai Dieu.

Ces principes posés, rien n'est plus facile que de résoudre une difficulté que propose Rousseau, et qu'on a depuis souvent reproduite. Après avoir supposé qu'il existe des millions d'hommes qui jamais n'entendirent parler de Moïse ni de Jésus-Christ, il ajoute :

« Quand il seroit vrai que l'Évangile est annoncé par toute la terre, qu'y gagneroit-on? La veille du jour que le premier missionnaire est arrivé dans un pays, il est sûrement mort quelqu'un qui n'a pu l'entendre. Or dites-moi ce que nous ferons de ce quel

(1) Médit. sur l'Évang., LV: jour, tom. II, pag. 19 et suiv.

qu'un-là? N'y eût-il dans l'univers qu'un seul homme à qui l'on n'auroit jamais prêché Jésus-Christ, l'objection seroit aussi forte pour ce seul homme, que pour le quart du genre humain (1). »

Nul n'est obligé de croire ce qu'il ne peut connoître; et nul ne peut connoître, à moins d'une révélation spéciale, Jésus-Christ et sa doctrine, s'ils ne lui sont point annoncés (2). Avant donc l'arrivée du premier missionnaire dans un pays, les habitans de ce pays sont précisément dans l'état où se trouvoient les peu→ ples avant la venue de Jésus-Christ : ils n'ont point d'autres devoirs que ceux qui furent toujours promul gués par la tradition générale ; et ils peuvent se sauver comme tous les hommes pouvoient se sauver antérieurement à la Rédemption, par une fidèle obéissance à la loi primitivement révélée et universellement connue (3). La forte objection de Rousseau n'est donc pas même une objection. Voyons la suite.

« Quand les ministres de l'Évangile se sont fait entendre aux peuples éloignés, que leur ont-ils dit qu'on pût raisonnablement admettre sur leur parole, et qui ne demandât pas la plus exacte vérification? Vous m'annoncez un Dieu né et mort il y a deux mille ans à l'autre extrémité du monde, dans je ne sais quelle petite ville, et vous me dites que tous ceux qui n'au

(1) Emile, liv. IV, tom. III, pag. 33. Édit. de 1793.

(2) Quomodo credent ei, quem non audierunt ? quomodo autem audient sine prædicante?... Ergo fides ex auditu : auditus autem per verbum Christi. Ep. ad Rom., X, 14, 17.

(3) Voyez le chapitre XXV.

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