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parce qu'on leur a dit : Croyez, obéissez, mourez! Le dogme de l'immortalité de l'âme est la seconde cause à laquelle Gibbon attribue les progrès du christianisme : comme si c'eût été un dogme nouveau et jusqu'alors inconnu au monde ! Quelques philosophes le rejetoient, il est vrai; mais l'univers attestoit la perpétuité de cette croyance, et nous avons montré qu'il n'est point de peuple qui n'ait admis l'éternité des peines et des récompenses futures. Cet article essentiel de la foi primitive, conservé par la tradition, fut toujours et partout la sanction nécessaire de la morale, des lois et de l'ordre public. Le dogme de l'immortalité de l'âme, cru de tous les païens qui n'étoient que païens, ne peut donc être la cause (1) qui les a portés à renoncer à l'idolâtrie pour embrasser le christianisme.

Le pouvoir miraculeux, troisième cause indiquée par Gibbon, a puissamment contribué sans doute à l'établissement de la religion chrétienne; et l'on voit dans les anciens Pères et dans les fragmens qui nous restent des ouvrage de Celse, Porphyre, Hiéroclès, combien les païens en étoient frappés. Ce qui peut surprendre, c'est que Gibbon range les miracles parmi les causes naturelles qui ont favorisé la propagation

(1) Pour fortifier cette prétendue cause, Gibbon y joint l'opinion des Millénaires, qui ne fut jamais que l'erreur de quelques particufiers, et que très certainement les apôtres n'ont point enseignée. C'est à peu près comme si on disoit que les Missionnaires ont propagé la religion catholique à la Chine, parce qu'il y a eu à Macao des Anglois, qui, sur plusieurs points, avoient des sentimens réprouvés par l'Eglise catholique.

du christianisme. La raison en est, qu'à son avis les apôtres n'ont point fait de miracles; de sorte que le christianisme s'est propagé, selon lui, en vertu d'une cause qui n'existoit pas. Et sur quoi se fonde-t-il pour nier le pouvoir miraculeux? Uniquement sur ce que ce pouvoir, toujours subsistant dans l'Église, comme nous le montrerons ailleurs, est néanmoins devenu plus rare qu'il ne l'étoit originairement. Mais eût-il entièrement cessé, que pourroit-on conclure de là? de ce qu'il ne seroit plus, s'ensuivroit-il qu'il ne fut jamais? Autant vaudroit nier la création, sous le prétexte que Dieu ne crée pas perpétuellement.

Cependant «< pourquoi ne voit-on plus les mêmes » miracles qu'autrefois? » C'est aussi la question que faisoient quelques philosophes, au temps de saint Augustin. Que leur répondoit cet illustre évêque? « Je pourrois dire que ces miracles ont été nécessaires » avant que le monde crût, afin qu'il crût. Quicon>> que demande encore des prodiges pour croire, est » lui-même un grand prodige; puisqu'il ne croit pas » lorsque le monde croit. Mais ils parlent ainsi afin » de ne pas croire que ces miracles aient eu lieu réel» lement. D'où vient donc que partout on célèbre » avec tant de foi le Christ, qui a monté au ciel » dans sa chair? D'où vient que, dans un siècle » éclairé et qui rejetoit tout ce qui est impossible, >> le monde a cru, sans aucuns miracles, des choses » si merveilleuses et si incroyables? Diront-ils qu'elles >> étoient croyables, et que c'est pour cela qu'on les >> a crues; pourquoi donc ne croient-ils pas? Notre

>> raisonnement est court: Ou des choses incroyables » opérées sous les yeux des peuples leur ont fait » ajouter foi à une chose incroyable qu'ils ne vo» yoient pas, ou cette chose est croyable sans aucuns » miracles, et les incrédules sont convaincus d'une » coupable infidélité (1). »

Il est difficile de penser que Gibbon s'entendit lui même. Les disciples de Jésus-Christ ont-ils fait des œuvres miraculeuses en confirmation de la doctrine qu'ils prêchoient? Répondez oui, ou non. Dans le premier cas, le christianisme s'est établi d'une manière surhumaine; et sa divinité est incontestable. Dans le second cas, il est évident qu'il n'auroit pu s'établir car il étoit impossible que la fouberie de . ceux qui prétendoient opérer des prodiges si nombreux et si étonnans, ne fût pas bientôt découverte et publiquement dévoilée.

(1) Cur, inquiunt, nunc illa miracula, quæ prædicatis facta esse, non fiunt? possem quidem dicere, necessaria fuisse priùs quàm crederet mundus, ad hoc ut crederet mundus. Quisquis adhuc prodigia ut credat inquirit, magnum est ipse prodigium, qui mundo credente non credit. Verùm hoc ideo dicunt, ut nec tunc illa miracula facta fuisse credantur. Undè ergo tantâ fide Christus usquequaque cantatur in cœlum cum carne sublatus? Undė temporibus eruditis, et omne quod fieri non potest respuentibus, sine ullis miraculis nimiùm mirabiliter incredibilia credidit mundus? An fortè credibilia fuisse, et ideò credita esse dicturi sunt; cur ergo ipsi non credunt? Brevis est igitur nostra complexio Aut incredibilis rei, quæ non videbatur, alia incrédibilia, quæ tamen fiebant et videbantur, fecerunt fidem; aut certè res ità credibilis, ut nullis quibus persuaderetur miraculis, indigeret, istorum nimiam redarguit infidelitatem. De civit. Dei, lib. XXII, cap. VIII, n. 1; tom. VII, col. 663.

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Que la philosophie est ingénieuse et profonde dans ses conjectures! comme les événemens qui paroissoient le plus extraordinaires deviennent simples dès qu'elle daigne les expliquer ! Vous ne concevez pas que le christianisme se soit propagé naturellement : elle va vous le faire comprendre. Les apôtres ont dit : « Nous vous annonçons l'Évangile au nom de l'Éternel, et vous devez nous croire; car nous >> sommes doués du pouvoir miraculeux. Nous ren» dons la santé aux malades, aux perclus l'usage de » leurs membres, la vue aux aveugles, l'ouïe aux » sourds, la vie aux morts. » A ce discours le peuple est accouru de toutes parts, pour être témoin des miracles promis: avec tant de confiance. Les malades n'ont point été guéris, les perclus n'ont point marché, les aveugles n'ont point vu, les sourds n'ont point entendu, les morts n'ont point ressuscité! Alors, transporté d'admiration, le peuple est tombé aux pieds des apôtres, et s'est écrié : Ceux-ci sont manifestement les envoyés de Dieu, les ministres de sa puissance! et sur-le-champ, brisant ses idoles, il a quitté le culte des plaisirs pour le culte de la croix; il a renoncé à ses habitudes, à ses préjugés, à ses passions; il a réformé ses mœurs et embrassé la pénitence; les riches ont vendu leurs biens pour en distribuer le prix aux indigens; et tous ont préféré les plus horribles tortures et une mort infâme, au remords d'abandonner une religion qui leur étoit si solidement prouvée.

Gibbon fait avec justice un magnifique éloge des

vertus des premiers chrétiens; et ces vertus, jointes à la perfection du gouvernement de l'Église, sont les deux dernières causes qu'il assigne aux progrès du christianisme parmi les païens. N'est-ce pas là une explication singulièrement satisfaisante? On demande comment une doctrine qui choquoit toutes les opinions, tous les préjugés régnans, a pu s'établir parmi les hommes; et on répond qu'elle s'est établie, parce qu'elle combattoit de plus tous les penchans, toutes les inclinations de l'homme. Les idolâtres ont quitté leurs dieux, à cause qu'on leur a dit de quitter encore leurs biens. Ils ont cru aux mystères de la religion chrétienne, afin d'avoir la consolation de se priver de tous les plaisirs, de vivre pauvres, humiliés, méprisés, et de mourir dans les tourmens. Voilà ce qui les a séduits. Il est clair aussi qu'ils durent être fortement attirés par tout ce qu'offroit d'attrayant pour eux le gouvernement de l'Église et sa discipline, le jeûne, la prière, les veilles, la confession publique, les longues et sévères pénitences, et l'obligation d'obéir à des pasteurs qui leur commandoient de renoncer aux spectacles, aux fêtes, à tout ce que le peuple, dans sa corruption, regardoit comme aussi nécessaire que les alimens mêmes: Panem et circenses.

Laissons ces rêveries philosophiques; et puisqu'il a fallu les rapporter, qu'elles servent au moins à nous faire concevoir l'impossibilité d'expliquer par des causes humaines le triomphe de la religion de Jésus-Christ. Et, pour comprendre encore mieux cette importante vérité, observons que si le christia

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