Oldalképek
PDF
ePub

entière doit être un sacrifice perpétuel ; et remarquez que ce sacrifice, fondement de la société divine, est également la base de la société humaine. L'orgueil ou l'amour désordonné de soi sépare l'homme de ses semblables, comme il le sépare de son auteur. Il détruit le pouvoir en détruisant l'obéissance; il brise tous les liens sociaux. Quiconque est lui-même son Dieu, veut être aussi son roi. Alors il n'existe ni droits, ni devoirs; la force seule commande: ses caprices, voilà l'unique loi. Le souverain qu'elle fit hier, elle le renverse aujourd'hui : un autre le remplace; son sceptre c'est l'épée : tous ploient sous elle, nul n'obéit. On lit la terreur sur le front du maître, et la haine dans l'œil de l'esclave. Quelquefois, se dressant tout-à-coup, il secoue ses fers avec furenr, et réclame à grands cris sa souveraineté ; et le moment d'après il se courbe sous une plus dure servitude.

[ocr errors]

De l'esprit de sacrifice, de lui seul, naît la société véritable : il fait les sujets comme il fait les rois. Il n'en coûte point d'obéir à ceux qui ont entendu et goûté cette parole : « Si quelqu'un veut venir avec moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il porte sa croix tous les jours, et qu'il me suive (1). » En se renonçant ainsi, on ne vit plus, à l'exemple de Jésus-Christ, que d'une vie de dévouement, se rendant, s'il le faut, obéissant jusqu'à la mort, pour le salut de ses frères,

(1) Dicebat autem ad omnes: Si quis vult post me venire abneget semetipsum, et tollat crucem suam quotidiè, et sequatur me. Luc., IX, 23.

pour maintenir dans la société du temps une fidèle image de l'ordre qui régnera sans fin dans la société éternelle. Et, chose admirable, c'est par cette noble obéissance que nous sommes délivrés de l'esclavage où gémissent les enfans d'Adam, les hommes d'orgueil; elle nous rend la vraie liberté. Dès que nous abjurons la souveraineté de nous-mêmes, nous ne dépendons plus que de Dieu; il est notre unique maître, ainsi que l'apôtre nous l'apprend : « Que tous soient soumis aux puissances supérieures; car il n'y a point de puissance qui ne soit de Dieu : c'est lui qui les a ordonnées. Celui donc qui résiste au pouvoir, résiste à l'ordre de Dieu. Le prince est le ministre de Dieu pour le bien. Il est donc nécessaire que vous soyez soumis non seulement par la crainte du châtiment, mais par un devoir de conscience. Rendez à chacun ce qui lui est dû : le tribut, à qui vous devez le tribut; l'impôt, à qui vous devez l'impôt; la crainte, à qui vous devez la crainte; l'honneur, à qui vous devez l'honneur. Ne demeurez redevable envers personne, excepté de l'amour qui est toujours dû; car celui qui aime le prochain accomplit la loi (1). »

Jésus-Christ, modèle du sujet dans son obéissance

(1) Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit; non est enim potestas nisi à Deo : quæ autem sunt à Deo ordinatæ sunt. Itaque qui resistit potestati, Dei ordinationi resistit... Dei enim minister est tibi (princeps) in bonum... Ideò necessitate subditi estote, non solùm propter iram, sed etiam propter conscientiam... Reddite ergo omnibus debita : cui tributum, tributum : cui vectigal, vectigal : cui timorem, timorem: cui honorem, honorem. Nemini quidquam debeatis, nisi ut invicem diligatis : qui enim diligit proximum, legem implevit. Ep. ad Rom., XIII, 1 seqq.

à son Père, est aussi, dans le pouvoir qui lui est confié, le modèle du souverain. « Vous savez que les princes des nations dominent sur elles, et que ceux qui sont les plus grands exercent sur elles la puissance. Il n'en sera pas ainsi parmi vous; mais que celui qui voudra être plus grand parmi vous, soit votre serviteur; et que celui qui voudra être le premier, soit votre esclave car le Fils de l'Homme n'est point venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour le salut de la multitude (1). »

Ainsi la société ne subsistant que par l'abnégation que fait de soi chacun de ses membres, elle n'est, pour ainsi parler, qu'une sainte hiérarchie de sacrifices. Le ministre de Dieu reçoit tout de lui, et ne reçoit rien pour lui-même. Il n'est le premier qu'à condition d'être le serviteur de tous; il doit au peuple qu'il lui est ordonné de conduire, plus que l'esclave ne doit à son maître; il lui doit jusqu'à sa vie même. Oui, le trône n'est qu'un autel ou l'homme-roi s'immole pour le salut de la multitude. Et lui aussi connoît le poids du manteau de pourpre, et la couronne d'épines, et le sceptre de roseau! Nous l'avons vu montant au Calvaire, et il a pu dire comme l'hommeDieu Éloignez de moi ce calice; cependant, ô mon

:

(1) Scitis quia principes gentium dominantur eorum; et qui majores sunt, potestatem exercent in eos. Non ità erit inter vos; sed quicumque voluerit inter vos major fieri, sit vester minister; et qui voluerit inter vos primus esse, erit vester servus. Sicut Filius hominis non venit ministrari, sed ministrare, et dare animam suam, redemptionem pro multis. Matth., XX, 25—28.

Père, que votre volonté se fasse et non la mienne (1). Toutes les fonctions sociales émanant de la royauté en portent le caractère et, sous le christianisme, qui ôte à la domination sa dureté et à la soumission sa bassesse, s'élever c'est se dévouer davantage, et ceuxlà sont grands qui, détachés de leur intérêt propre et consacrés à leurs frères sans réserve, vivent pour les servir, et meurent pour les sauver.

Le renoncement à soi-même produit ainsi l'ordre général. Il unit les hommes entre eux, et il établit dans chaque homme une paix inaltérable, cette douce paix que Jésus-Christ sur le point de quitter la terre promettoit à ses disciples. « Je vous laise la paix, je vous donne ma paix, non comme le monde la donne. Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous serez opprimés dans le monde; mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde (2). » Il l'a vaincu en effet par ses humiliations, par son anéan¬ tissement, par l'amour du Père qui étoit en lui, et qui est souverainement opposé à l'amour du monde : « car tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, et convoitise des yeux, et orgueil de la vie; qui n'est point du Père mais qui est du monde. Et le monde passe, et sa convoitise; mais celui qui fait

7

*

(1) Pater, si vis, transfer calicem istum à me : verumtamen non mea volontas, sed tua fiat. Luc., XXII, 42.

7

(2) Pacem relinquo vobis, pacem meam do vobis: non quomodo mundus dat, ego do vobis. - Hæc locutus sum vobis, ut in me pacem habeatis. In mundo pressuram habebitis : sed confidite, ego vici mundum. Joan., XIV, 27; et XVI, 33.

la volonté de Dieu demeure éternellement (1). » Imitons le Sauveur, associons-nous à son sacrifice, et nous vaincrons aussi le monde, et nous recueillerons l'héritage de paix que Jésus-Christ nous a laissé. Au dedans comme au dehors, c'est de l'orgueil que naît le trouble. Nous voulons être riches, puissans, posséder les dignités, les honneurs, la gloire; nous voulons être en tout les premiers. Voilà ce qui nous tourmente durant la veille, et ce qui agite encoré notre sommeil. De là les vaines espérances, les regrets, les chagrins, l'envie, la défiance, la haine, et cette inquiétude secrète qui aigrit nos douleurs et corrompt nos joies mêmes. L'homme superbe ne jouit de rien, les désirs dévorent sa vie ; qui l'entendit jamais dire: Assez? Ses jours s'écoulent en tumulte comme l'eau du torrent (2); il passe, et l'on n'aperçoit que des . débris dans son lit desséché.

«Celui qui aime son âme, la perdra; et celui qui hait son âme en ce monde, la conserve pour l'éternelle vie (3). » Plus de crainte, plus d'anxiétés lorsqu'on s'est détaché de soi-même. Un calme céleste

(1) Nolite diligere mundum, neque ea quæ in mundo sunt. Si quis diligit mundum, non est charitas Patris in eo : quoniam omne quod est in mundo, concupiscentia carnis est, et concupiscentia oculorum, et superbia vitæ ; quæ non est ex Patre, sed ex mundo est. Et mundus transit, et concupiscentia ejus. Qui autem facit voluntatem Dei, manet in æternum. Joan, 1 Ep., II, 15—17.

(2) Sicut torrens qui raptìm transit in convallibus... Job., VI, 15. (3) Qui amat animam suam, perdet eam; et qui odit animam suam in hoc mundo, in vitam æternam custodit eam. Joan., XII,

25.

« ElőzőTovább »