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qu'après la mort des apôtres : l'absurdité ne sera pas moins grande, elle le sera même encore plus ; car presque toute la société chrétienne, déjà fort étendue à cette époque, devra nécessairement avoir été complice de l'imposture (1). Elle ne pouvoit pas être trompée sur un fait de cette nature. Les pasteurs établis par les apôtres, ou ceux qui leur avoient succédé, après avoir conversé long-temps avec eux; les fidèles si zélés de s'instruire de ce qui intéressoit la religion qu'ils venoient d'embrasser, auroient-ils pu croire qu'il existoit des écrits de ces mêmes apôtres : écrits que tous les chrétiens avoient ignoré jusque-là, quoiqu'ils fussent adressés, au moins quelques uns, aux plus célèbres églises ? La fraude eût donc été manifeste; il eût donc fallu que les pasteurs et les fidèles se fussent réunis pour la seconder : et cela dans le temps même où ils faisoient profession d'une horreur. profonde pour toute espèce de fraude, dans le temps où ils sacrifioient avec allégresse leurs biens, leurs vies, plutôt que de trahir et même que de déguiser la vérité !

Et d'où seroit venu parmi eux cet accord universel pour autoriser le mensonge? Par quel motif auroientils, contre les principes de leur religion, et en vio

(1) On voit au contraire toute l'Église rejeter avec indignation les ouvrages fabriqués par les hérétiques, et publiés sous de faux noms, ainsi que les histoires picuses, mais non autorisécs, auxquelles on donnoit aussi le nom d'évangiles. Fabricius compte jusqu'à cinquante de ces évangiles. Au reste, avant Clément d'Alexandrie, mort l'an 215, il n'y a point d'indice ni de vestige certain d'aucun évangile apocryphe.

lant ses préceptes les plus formels, favorisé la supposition de certains livres purement profanes, ou souffert qu'une main sacrilége altérât ceux qu'avoit inspirés l'Esprit divin? Apparemment les premiers chrétiens croyoient au christianisme, et le connoissoient. Ils ne - mouroient pas dans les supplices pour une foi simulée, ou, dépourvue d'un objet précis. Donc le NouveauTestament contient l'histoire de Jésus-Christ telle que la racontoient les apôtres, et sa doctrine telle qu'ils l'enseignoient; et alors son authenticité est certaine : ou, si l'on prétend que cette histoire et cette doctrine y sont altérées, il faut soutenir que les chrétiens, même temps qu'ils couroient au martyre pour rendre témoignage à l'une et à l'autre, se concertoient dans toute l'étendue de l'empire romain, sous le couteau des persécuteurs, pour dénaturer cette même histoire, et pour détruire cette même doctrine, en répandant et autorisant des écrits apocryphes où des imposteurs l'avoient corrompue.

en

Je ne sais s'il se rencontrera des hommes qui consentent à déclarer que ces étranges contradictions, disons mieux, ces impossibilités manifestes ne rebutent pas tellement leur raison, qu'elle ne soit prête à les admettre, plutôt que de reconnoître l'authenticité de nos livres saints. Il se pourroit; et après tout, c'en est assez, non pour nos désirs, mais pour la cause que nous défendons. Se réduire volontairement à de pareilles extrémités, c'est se confesser vaincu. La vérité a de plus doux triomphes, elle n'en a point de plus grands. L'esprit superbe qui la hait, fuit devant elle

jusqu'où il peut aller; comme le sauvage, fuyant devant la civilisation, s'approche peu à peu de ces régions où luit à peine un reste de lumière, et où l'on n'aperçoit rien de vivant.

Au reste, pour établir l'authenticité de l'Écriture, rien ne nous obligeoit de faire voir à quels prodiges d'absurdité l'on est conduit, dès qu'on ose la mettre en doute. Oublions un moment ces conséquences absurdes; supposons qu'on parvienne à imaginer un enchaînement de circonstances possibles, par lesquelles on expliqueroit comment l'Écriture, crue authentique, pourroit néanmoins ne l'être pas: qu'en résulteroit-il? rien, absolument rien; à moins qu'on ne montrât que ces circonstances ont existé réellement (1).

(1) C'est-à-dire à moins qu'on ne fit une nouvelle histoire certaine du peuple juif et de Jésus-Christ, avec des matériaux qui n'existent nulle part. Moïse est antérieur de 1100 ans à Hérodote, le plus ancien historien grec. Celui-ci étoit contemporain d'Esdras, qui réunit les livres canoniques, et les fit transcrire en caractères chaldaïques, au retour de la captivité. Nous avons une preuve matérielle et sans réplique du respect scrupuleux avec lequel il conserva l'intégrité du texte sacré. Les Samaritains, séparés des Juifs par un schisme qui dure encore, gardèrent leurs anciens exemplaires de la Loi. Ils ne peuvent s'être entendus pour l'altérer avec les Juifs qu'ils haïssoient, et dont ils étoient haïs mortellement. Or le Pentateuque samaritain, écrit en caractères qui étoient ceux dont se servoit originairement le peuple juif, existe encore; il est imprimé dans les Polyglottes de Le Jay et de Walton, et, sauf quelques différences très légères, et qu¡ viennent presque toutes de la facilité avec laquelle les copistes ont pu confondre plusieurs lettres semblables, le texte en est parfaite. ment conforme au texte hébreu. La version des Septante, faite envi. ron trois siècles avant Jésus-Christ, n'offre non plus aucune variation importante pour le fond de l'histoire, ou pour la doctrine. Du reste on peut voir dans le docte Huet de nombreuses preuves de l'authenticité des livres de Moïse, tirées des auteurs profanes. Demonstr. evang., Proposit. IV, cap. II.

Sans cela il n'y auroit plus de vérité historique, plus de société, plus de famille. Car qu'est-ce qui empêcheroit de dire à un homme qui jouit paisiblement du nom et de l'héritage de ses aïeux : « Vous prétendez » descendre de tel ancêtre; c'est la tradition de votre >> famille, confirmée par des titres où votre filiation » est tracée avec beaucoup de clarté et d'exactitude >> apparente : cependant je nie cette filiation ; je sou» tiens que la tradition qui l'atteste est mensongère, >> et que les titres qui l'établissent sont supposés, ou >> altérés? >>

Que répondroit-on, par toute la terre, à l'auteur d'un pareil discours? Vous avez sans doute, lui diroitdes preuves incontestables de ce que vous avancez avec tant d'assurance, contre la notoriété publique. Quelles sont ces preuves? faites-nous-les connoître.

on,

« Des preuves directes, répliqueroit-il, je ne sau>> rois vous en donner. Mais si vous voulez bien con» sidérer certaines circonstances que j'ai imaginées >> en moi-même, et qui sont toutes possibles, quoique » rien n'en prouve la réalité, vous comprendrez par» faitement que, dans mon hypothèse, les titres que » je nie pourroient être faux, et la tradition que je >> refuse d'admettre pourroit être une erreur, ou >> une imposture. »

Pense-t-on qu'après cette réponse quelqu'un fût tenté d'aller plus loin? le philosophe le plus décidé y verroit-il autre chose qu'un trait de moquerie, ou de folie? Or la tradition de tout un peuple a-t-elle moins de poids que celle d'une famille? Les monu

mens publics d'une société, les titres de son origine, de ses lois, de ses croyances, ont-ils moins d'autorité que les titres domestiques d'un seul individu? Un homme pourra-t-il venir sans renverser l'ordre entier des choses humaines, et sans blesser le bon sens universel, opposer de simples conjectures, de vagues possibilités qu'il a conçues dans son esprit, au témoi gnage formel, constant, uniforme, d'une nation attestant des faits qui la concernent et qu'elle n'a pu ignorer? Et qu'y aura-t-il de certain si on rejette ce témoignage?

Quoi! l'on ne seroit pas écouté si l'on disputoit à Hérodote son histoire, à Sophocle ses tragédies, à Cicéron ses harangues, et l'on auroit le droit de disputer au législateur des Hébreux le livre où il a consigné les lois invariables qui ont perpétuellement régi sa nation; livre sacré aux yeux de cette nation, qui, pour le préserver des altérations les plus légères, ne cessa jamais d'employer des précautions tellement multipliées, j'ai presque dit tellement minutieuses, qu'il n'en existe aucun autre exemple (1)! On auroit le droit de disputer aux apôtres et à leurs disciples les ouvrages que tous les chrétiens leur attribuent, qu'ils leur ont toujours attribués! On auroit le droit de nier

(1) Voyez Fabricy, Des titres primitifs de la Révélation, ou considérations critiques sur la pureté et l'intégrité du texte original des livres saints de l'Ancien-Testament. Rome, 1772.—« Les écrits qu'ils >> faisoient (les prophètes) étoient entre les mains de tout le peuple, » et soigneusement conservés en mémoire perpétuelle aux siècles » futurs (Exod. XVII, 14). » Bossuet; Disc. sur l'hist. univers., II¢ part., ch. V, p. 225. Edit. de Versailles.

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