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riences très-remarquables. Rien n'est si capital que de leur ôter le manteau de la doctrine des Thomistes. Il ne faut point attaquer le thomisme, comme le père Daniel l'a fait c'est réunir deux grands corps; c'est fortifier le jansénisme; c'est autoriser le prétexte dont ils se couvrent; c'est user ses forces mal à propos contre une doctrine saine et autorisée; c'est faire croire au monde que le jansénisme n'est attaqué que comme le thomisme, par les Molinistes, qui sont tyranniques sur leurs opinions, qu'on soupçonne de demi-pélagianisme. Il faut donc toujours mettre à part le thomisme, le reconnoître hors de toute atteinte, et se borner à bien prouver les différences essentielles qui rendent le jansénisme pernicieux, quoique le thomisme soit pur: autrement on prend le change.

Il y a, en ce pays, toutes les semaines quelque nouvel imprimé pour le jansénisme. Il seroit fort à souhaiter que ceux d'entre les Jésuites qui sont les plus fermes théologiens, M. Tronson, M. de Précelles, et les autres bien intentionnés, vissent tous ces écrits. Il a paru ces jours derniers un recueil où il paroît beaucoup de lettres de Rome sur les affaires de Louvain. La hardiesse croît tous les jours.

Il seroit à souhaiter qu'on les laissât se battre de plus en plus, selon leur zèle imprudent et âcre, et qu'on prît des mesures bien secrètes pour les réprimer efficacement. Je crains qu'on ne fasse tout le contraire, qu'on n'éclate contre eux par saillies, qu'on ne les empêche de se découvrir, et qu'après certains coups de sévérité sans mesure et sans suite, on ne leur laisse trop prendre racine. Si peu qu'on

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les laisse dans leur naturel, on verra bientôt réaliser aux yeux de tout le monde ce qu'ils appellent un fantôme; mais il faudroit les laisser enferrer, et ne se commettre en rien.

22 * A.

AU DUC DE CHEVREUSE.

Il l'exhorte à éviter la curiosité, l'empressement naturel, et une exactitude minutieuse dans ses affaires.

30 décembre 1699.

Je suis sensiblement touché, mon bon et cher duc, de votre grande lettre, qui m'a été rendue un mois après sa date, parce que de M... est revenu plus tard qu'il ne pensoit. Je vois bien plus ce que Dieu fait pour vous, que ce que vous faites pour lui. Votre cœur veut en général tenir à lui seul; mais la pratique n'est pas tout-à-fait conforme en vous à la spéculation et au goût. Souffrez que je vous représente que vous suivez, sans l'apercevoir, très-souvent votre pente naturelle pour le raisonnement et pour la curiosité. C'est une habitude de toute la vie, qui agit insensiblement et sans réflexion, presque à tout moment. Votre état augmente encore cette tentation subtile : la multitude des affaires vous entraîne toujours avec rapidité. J'ai souvent remarqué que vous êtes toujours pressé de passer d'une

occupation à une autre, et que cependant chacune en particulier vous mène trop loin. C'est que vous suivez trop votre esprit d'anatomie et d'exactitude en chaque chose. Vous n'êtes point lent, mais vous êtes long. Vous employez beaucoup de temps à chaque chose, non par la lenteur de vos opérations (car au contraire elles sont précipitées), mais par la multitude excessive des choses que vous y faites entrer. Vous voulez dire sur chaque chose tout ce qui y a quelque rapport. Vous craignez toujours de ne pas dire assez. Voilà ce qui rend chaque occupation trop longue, et qui vous contraint de passer sans cesse à la håte, et même avec retardement, d'une affaire à une autre. Si vous coupiez court, chaque affaire seroit placée au large, et trouveroit sans peine son rang, sans être reculée mais il faut, pour couper court, s'étudier à retrancher tout ce qui n'est pas essentiel, et éviter une exactitude éblouissante qui nuit au nécessaire par le superflu.

Pour être sobre en paroles, il faut l'être en pensées. Il ne faut point suivre son empressement naturel pour vouloir persuader autrui. Vous n'irez à la source du mal, qu'en faisant taire souvent votre esprit par le silence intérieur. Ce silence d'oraison simple calmeroit ce raisonnement si actif. Bientôt l'esprit de Dieu vous videroit de vos spéculations et de vos arrangemens. Vous verriez dans l'occasion chaque affaire d'une vue nette et simple; vous parleriez comme vous auriez pensé; vous diriez en deux mots ce que vous auriez à dire, sans prendre tant de mesures pour persuader. Vous seriez moins chargé, moins agité, moins dissipé, plus libre, plus commode,

plus régulier sans chercher à l'être, plus décidé pour vous et pour le prochain. D'ailleurs, ce silence, qui rendroit la manière d'expédier les occupations extérieures plus courte, vous accoutumeroit à faire les affaires mêmes en esprit d'oraison. Tout vous seroit facilité sans cela, vous serez de plus en plus pressé, fatigué, épuisé; et les affaires, qui surmontent l'ame dans ses besoins intérieurs, surmonteront aussi la santé du corps.

:

Au nom de Dieu, coupez court depuis le matin jusqu'au soir. Mais faites avec vous-même comme avec les autres. Faites-vous taire intérieurement; remettez-vous en vraie et fréquente oraison, mais sans effort, plutôt par laisser tomber toute pensée, que par combattre celles qui viennent, et par chercher celles qui ne viennent pas. Ce calme et ce loisir feront toutes vos affaires, que le travail forcé et l'entraînement ne font jamais bien. Écoutez un peu moins vos pensées, pour vous mettre en état d'écouter Dieu plus souvent.

J'ose vous promettre que, si vous êtes fidèle làdessus à la lumière intérieure dans chaque occasion, vous serez bientôt soulagé pour tous vos devoirs, plus propre à contenter le prochain, et en même temps beaucoup plus dans la voie de votre vocation. Ce n'est pas le tout que d'aimer les bons livres, il faut être un bon livre vivant. Il faut que votre intérieur soit la réalité de ce que les livres enseignent. Les saints ont eu plus d'embarras et de croix que vous c'est au milieu de tous ces embarras qu'ils ont conservé et augmenté leur paix, leur simplicité, leur vie de pure foi et d'oraison presque continuelle,

N'ayez point, je vous en conjure, de scrupule déplacé craignez votre propre esprit qui altère votre voie; mais ne craignez point votre voie qui est simple et droite par elle-même. Je crois sans peine que la multitude des affaires vous dessèche et vous dissipe. Le vrai remède à ce mal est d'accourcir chaque affaire, et de ne vous laisser point entraîner par un détail d'occupations où votre esprit agit trop selon sa pente d'exactitude, parce qu'insensiblement, faute de nourriture, votre grâce pour l'intérieur pourroit tarir: Renovamini spiritu mentis vestræ («). Faites comme les gens sages qui aperçoivent que leur dépense va trop loin; ils retranchent courageusement sur tous les articles de peur de se ruiner.

Réservez-vous des temps de nourriture intérieure qui soient des sources de grâces pour les autres temps; et dans les temps mêmes d'affaires extérieures, agissez en paix avec cet esprit de brièveté qui vous fera mourir à vous-même. De plus, il faudroit, mon bon duc, encore nourrir l'esprit de simplicité qui vous fait aimer et goûter les bons livres. Il faudroit donc en lire, à moins que l'oraison ne prît la place : et même vous pourriez sans peine accorder ces deux choses; car vous commenceriez la lecture toutes les fois que vous ne seriez point attiré à l'oraison; el vous feriez céder la lecture à l'oraison, toutes les fois que l'oraison vous donneroit quelque attrait pour elle.

Enfin il faudroit un peu d'entretien avec quelqu'un qui eût un vrai fonds de grâce pour l'intérieur.

(a) Ephes. IV. 23.

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