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bon duc, comme je vis, vous étant dévoué avec une reconnoissance et un zèle sans bornes.

** 183 R.

AU DUC DE CHAULNES.

Il lui fait part de ses inquiétudes sur la santé de la duchesse de Chevreuse

A Cambrai, 31 mars 1713.

JE vous conjure, mon cher duc, d'avoir la bonté de me faire savoir par quelqu'un, qui ne soit pas vous-même, comment se porte madame votre mère: on m'a mandé plusieurs fois que sa santé n'étoit pas bonne; j'en suis en peine. Je crains sa tristesse, sa longue souffrance, son tempérament altéré, et plus que tout le reste, l'accablement des affaires. Elle ne soutiendra point ce poids; elle y succombera. Il seroit à désirer qu'elle donnât au gouvernement des affaires la meilleure forme qu'elle pourra, par le choix de personnes habiles et droites. Aussi bien elle ne peut pas décider, et il faut qu'elle renvoie la décision à un conseil. Ainsi il est à désirer qu'elle n'entende rien dire qu'en gros, et même qu'on la soulage, en ne lui disant les inconvéniens qu'avec les remèdes auxquels on a recours autrement elle se tourmentera à pure perte, et abrègera sa vie au grand dommage de sa maison. Je ne doute point que M. le duc et madame la duchesse de Beauvilliers ne la sollicitent à prendre un parti si nécessaire pour sa conservation. Je n'ai pas été faché de savoir qu'elle étoit

allée

allée à Versailles. Les bontés du Roi, les égards de madame de Maintenon, la société de madame la duchesse de Beauvilliers, auront pu la distraire un peu de sa douleur et de ses affaires domestiques.

Comment va votre santé? Oserois-je vous demander si vous êtes moins sur vos papiers, et plus dans vos devoirs du côté du monde? Pardon de ma curiosité indiscrète. Vous savez qu'on ne peut être que curieux sur les choses auxquelles on s'intéresse trèsvivement. Dieu sait, mon très-cher duc, avec quelle tendresse je vous suis dévoué. Celui que nous avons perdu est au fond de mon cœur pour le reste de ma vie. Je ne me console point. D'ailleurs votre personne m'est par elle-même plus chère que je ne puis l'exprimer.

Vous voulez bien que j'ajoute ici mille assurances de zèle et de respect pour notre bonne duchesse, à qui je souhaite prospérité et détachement.

184** R.

AU MÊME.

Il lui demande des nouvelles de sa famille et de sa conduite particulière; il désire qu'on lui renvoie des papiers importans.

A Cambrai, 3 mai 1713.

Il y a long-temps, mon très-cher duc, qu'il me tarde de vous demander de vos nouvelles. En quel état sont vos affaires? Leur avez-vous donné une forme durable? avez-vous réglé votre dépense? madame la duchesse de Chevreuse demeure-t-elle à CORRESP. I.

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Versailles? se débarrasse-t-elle du détail des affaires de la maison? les laisse-t-elle conduire par un bon conseil? tient-elle les deux branches bien unies? Je ressentirai une grande consolation si je puis apprendre qu'une famille, dont les intérêts me sont si chers, est en bon chemin. J'espère que celui que je regrette comme au premier jour, attirera sur elle la bénédiction de Dieu.

Comment vous occupez-vous, mon cher duc? Au nom de Dieu, ne vous noyez point dans les détails de la compagnie et dans des lettres innombrables. Faites-vous soulager; décidez, tranchez promptement; réservez-vous du temps pour vous instruire des choses importantes où vous pouvez être très-utile. Remplissez les bienséances; formez des liaisons convenables; occupez-vous selon votre rang. N'en soyez pas moins détaché, recueilli et fidèle à Dieu. Vous vous devez au bien public dans les conjonctures dont on est menacé: préparez vous - y par l'application aux choses qu'il faut savoir, et par les liaisons dont on a besoin; faites-le sans empressement, en esprit de foi, et sans ambition.

Je vous supplie de demander à madame la duchesse de Chevreuse tous les papiers qui ont été trouvés, et que vous comprenez bien je voudrois fort les retirer tous. S'il y en a quelqu'un dont elle veuille retenir une copie, vous pouvez, de concert avec M. Dupuy, que j'ai prié de les retirer, faire copier ce qu'elle voudra.

Je ne saurois finir, sans ajouter ici mille et mille assurances d'attachement et de respect pour madame la duchesse de Chaulnes. Je suis le plus inutile de

tous ses serviteurs : mais rien ne peut lui être plus dévoué, que je le serai toute ma vie.

Pour vous, mon cher duc, je ne vous dirai rien, sinon que vous devez m'aimer. Je vous porte chaque jour dans mon cœur à l'autel avec zèle et tendresse.

185 R.

AU MÊME.

Avis au duc sur ses occupations particulières, et sur quelques affaires de famille.

A Cambrai, dimanche, 21 mai 1713.

JE suis, mon très-cher duc, fort en peine de madame votre mère : je crains qu'elle ne se tue à pure perte. Elle ne doit point se livrer aux affaires qu'elle ne peut débrouiller; mais elle doit se conserver pour faire ce qui dépend d'elle : c'est d'unir et de soutenir toute sa famille. Je la conjure d'y penser devant Dieu. Elle blessera sa conscience, en ruinant sa santé. Elle m'a fait un très-gros présent de chocolat, dont je suis également reconnoissant et honteux. J'espère que vous voudrez bien lui faire mes très-humbles remercimens sur l'excès de ses bontés. Elle me feroit cent fois plus de plaisir, si elle travailloit à se porter bien.

Je respecte avec un très - sincère attachement la bonne et noble dame du grand château, et je mérite toutes ses bontés par le zèle avec lequel je suis tout dévoué à elle et aux siens.

Je regrette très-vivement l'homme que vous avez

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perdu; il paroissoit intelligent et affectionné. Sa mort vous rejette dans de grands embarras. Dieu veuille que vous le remplaciez par quelque bon sujet! Le choix en est très-difficile et très-périlleux.

Au nom de Dieu, ne demeurez point enfoncé dans les monceaux de papiers. Examinez en gros, faites des plans; voyez l'exécution; qu'on vous rende compte mais ne vous noyez point dans les détails. Réservez-vous des temps libres pour prier, pour lire, pour vous nourrir intérieurement; ensuite pour les devoirs de la société, pour les bienséances de votre rang, pour les liaisons qui vous conviennent, pour les études d'histoire, d'affaires générales, et de tout ce qui peut vous rendre utile dans les temps qu'on peut prévoir. Un homme de votre rang ne fait point et il manque à Dieu, quand il ne s'occupe que de curiosités, que d'arrangement de papiers, que de détails d'une compagnie, que de règlemens pour ses terres. Vous vous devez au Roi et à la patrie. Il faut, sans ambition, se rendre propre à tout pour le bien public.

assez,

Pour l'accommodement, travaillez-y sans vous commettre, si vous en trouvez les ouvertures. On ne peut point refuser des soins pour une si bonne œuvre. Le pis aller est de reculer, dès qu'on trouve les portes fermées. Du moins ceux qui jugent à propos de faire des avances par votre canal, verront votre bonne volonté. Vous vous retirerez doucement, canon et bagage sauvés.

Vous jugez bien que je courrai comme au feu quand je vous saurai à Chaulnes, et que vous désirerez que j'aille vous y trouver; mais ne vous gênez

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