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le soit trop pour se faire traiter on regarderoit comme une étrange témérité celle d'un homme qui s'arrêteroit aux moins éclairés médecins, et qui ne daigneroit pas consulter les plus habiles. Le sens commun suffit seul pour décider en ces occasions. Faites de même pour votre ame. Ne vous arrêtez qu'aux conseils que vous croirez les plus sages, les plus droits, les plus désintéressés. Fuyez les gens qui sont rigoureux par chagrin, ou par ostentation, ou par entêtement de nouveauté. Mais prenez garde aussi de ne chercher pas, comme les Israélites, des conseils flatteurs et intéressés, des gens amollis par des considérations mondaines, qui mettent, comme dit l'Écriture (a), des coussins sous les coudes des pécheurs, au lieu de les assujétir à la pénitence; enfin des personnes peu éclairées, et qui vous tromperont en se trompant elles-mêmes. Cherchez, selon toute la lumière que Dieu vous donne, le juste milieu; apportez-y le même soin qu'un homme sage emploie à choisir le meilleur avocat et le meilleur médecin. Ce sera alors que vous pourrez demeurer en paix, et vous confier humblement à la bonté de Dieu, qui ne permettra pas que vous demeuriez toujours dans l'égarement, supposé que vous vous égariez.

Mais faudra-t-il, direz-vous, passer sa vie à étudier la religion comme un docteur? Non, monsieur, ce n'est pas là ce que Dieu demande de vous. Il demande que vous vous nourrissiez humblement, chaque jour, des vérités de l'Évangile, non pour déci

(a) Esech. x111. 18.

der, mais pour vous défier encore davantage de vous, et pour apprendre de Jésus-Christ à être doux et humble de cœur (a). Ce ne sera point une subtile et vaine science que vous apprendrez; vous n'apprendrez qu'à vous mépriser vous-même, qu'à fouler aux pieds les fragiles biens d'ici-bas, qu'à vous détacher de cette vie qui s'enfuit comme une ombre, qu'à aimer la grandeur de Dieu devant qui toute autre grandeur disparoît, qu'à être doux, patient, juste, sincère en tout avec le prochain. Cette science ne s'apprend point par la subtilité des raisonnemens, par les longues lectures, par la facilité à les retenir: il ne faut qu'un cœur simple et docile, pour faire, sans aucune pénétration d'esprit, un progrès continuel et merveilleux dans cette science, qui est celle des saints. Deux mots vous enseigneront les plus profondes vérités; et, si vous êtes humble, vous en entendrez plus que les grands docteurs pleins d'euxmêmes. C'est la science de tant d'ignorans à qui Dieu s'est communiqué. C'est pourquoi Jésus-Christ dit (e): Je vous rends grâces, mon père, de ce que vous avez caché ces choses aux grands et aux sages du siècle, et de ce que vous les avez révélées aux simples et aux petits. C'est pourquoi il dit encore , qu'il faut être enfant pour entrer au royaume des cieux. C'est donc la science de devenir simple et petit enfant, dans laquelle il faut s'instruire tous les jours par la méditation de la parole de Dieu.

(i)

Je me suis tellement étendu, monsieur, sur cette

(a) Matth. x1. 29. (e) Ibid. 25.

(i) Ibid. xvII. 3.

question, que je n'ai pas aujourd'hui le temps de répondre aux autres; mais je le ferai au premier jour. Je prie Dieu qu'il vous fasse bien goûter tout ceci.

J'oubliois, monsieur, de vous dire que le premier des commandemens de Dieu suffit pour faire évanouir en un moment tous vos prétextes, et pour forcer tous vos retranchemens. Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre ame, de toute votre pensée et de toutes vos forces. Voyez combien de termes joints ensemble par le Saint-Esprit, pour prévenir toutes les réserves que l'homme pourroit vouloir faire au préjudice de cet amour qui veut qu'on lui sacrifie tout. Voilà un amour jaloux et dominant: tout n'est pas trop pour lui. Il ne souffre point de partage, et il ne permet plus d'aimer, hors de Dieu, que ce que Dieu luimême commande d'aimer pour l'amour de lui.

Il faut l'aimer, non-seulement de toute l'étendue et de toute la force de son cœur, mais encore de toute l'application de sa pensée. Comment pourrat-on donc croire qu'on l'aime, si on ne peut se résoudre à penser à sa loi, et à s'appliquer de suite à accomplir sa volonté? C'est se moquer, de croire qu'on puisse aimer Dieu d'un amour si vigilant et si appliqué, pendant qu'on craint de découvrir trop clairement ce que cet amour demande. Il n'y a qu'une seule manière d'aimer de bonne foi, qui est de ne faire aucun marché avec lui, et de suivre avec un cœur généreux tout ce qu'il inspire pour connoître la volonté adorable de celui qui nous a faits de rien, et rachetés par son propre sang de la

mort éternelle. Tous ceux qui vivent dans ces retranchemens, qui veulent aimer Dieu de peur qu'il ne les punisse, mais qui voudroient bien être un peu sourds pour ne l'entendre qu'à demi quand il leur parle de se détacher du monde et d'eux-mêmes, courent grand risque d'être de ces tièdes, dont Jésus-Christ dit qu'il les vomira (a). Pour nous, qui voulons être à lui sans réserve, la paix et la miséricorde viendront sur nous; et nous recevrons, en récompense de ce sacrifice, le centuple promis dès cette vie outre le royaume du ciel. La liberté du cœur, la paix de la conscience, la douceur de s'abandonner entre les mains de Dieu, la joie de voir toujours croître la lumière en son coeur, enfin le dégagement des craintes et des désirs tyranniques du siècle, font ce centuple de bonheur que les véritables enfans de Dieu possèdent au milieu des croix, pourvu qu'ils soient fidèles. Quelle foiblesse de cœur y auroit-il donc à craindre de s'engager trop avant dans un état si désirable? Malheur, dit l'Écriture (e), aux cœurs partagés! En effet, ils sont sans cesse déchirés, d'un côté par le monde et par leurs passions encore vivantes, de l'autre par les remords de leur conscience, et par la crainte de la mort suivie de l'éternité. Heureux ceux qui se jettent tête baissée et les yeux fermés entre les bras du père des miséricordes et du Dieu de toute consolation, pour parler comme saint Paul ! Ceux-là, bien loin de craindre de voir trop clair, ne craignent rien tant que de ne voir pas assez ce que

(a) Apoc. 111. 16. (e) Eccli. 11. 14. — (i) 11 Cor. 1. 3.

Dieu demande. Sitôt qu'ils découvrent une nouvelle lumière dans la loi de Dieu, ils sont transportés de joie, dit l'Écriture (a), comme un avare qui trouve un

trésor.

Pour l'article des choses qu'on peut lire et pour celui de l'emploi du temps, je vous promets, monsieur, une prompte réponse; mais je vous ai déjà dit que cette lettre est trop longue, et vous voyez bien que depuis que je vous l'ai dit, je l'ai encore beaucoup alongée.

8** R.

AU MÊME.

Il compatit à ses douleurs, et les lui fait regarder comme un effet de la miséricorde de Dieu..

Vendredi 14 juillet (1690.)

J'APPRENDS, monsieur, que vous souffrez, et que Dieu vous met à une très-rude épreuve par la longueur de vos maux. Si je me laissois aller à mon cœur, j'en serois véritablement affligé; mais je conçois que Dieu vous aime en vous frappant, et je suis persuadé que vos maux serónt dans la suite de très-grands biens. Il vous impose une pénitence que vous n'auriez jamais pu vous résoudre à faire, et qui est pourtant ce que vous devez à sa justice pour l'expiation de vos péchés. Il vous arrache ce

(a) Ps. cxvII, 162.

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