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qu'elle n'en a eu à le fâcher par la condamnation du P. Quesnel et du P. Juénin.

Le Roi, aimant et protégeant la bonne cause, comme il le fait, ne pourroit-il pas faire savoir à Rome, par la voie de M. le Nonce, et sans passer par le canal très - suspect de M. de Torci, ou de M. le cardinal de la Trémoille, que je crois peu assuré, qu'il souhaite qu'on n'épargne point M. Habert? Sans cette déclaration expresse, et très-fortement appuyée, on fera entendre au Pape qu'il blesseroit le Roi, en flétrissant un livre pour lequel M. le cardinal de Noailles, qui est l'homme de confiance de Sa Majesté dans tout le clergé de France, s'est déclaré si hautement par un monitoire.

8° Ne pourroit-on pas engager le Roi à consulter un certain nombre d'évêques opposés au jansénisme, lesquels seroient préparés, et donneroient leur avis par écrit; après quoi Sa Majesté enverroit leur avis à Rome par le Nonce?

9° Si Rome avoit fait la démarche de condamner le système des deux délectations inévitables et invincibles, ce seroit le vrai jansénisme renversé par les fondemens alors le parti n'auroit plus aucune ressource; la question de fait s'évanouiroit; le jansénisme ne pourroit plus passer pour un fantôme; il faudroit ou abjurer cette doctrine, qu'on a tant vantée comme la céleste doctrine de saint Augustin, ou se séparer de l'Église. M. le cardinal de Noailles, ni aucun autre évêque, n'oseroit plus la favoriser.

151.

** (1)

Sur la mort du Dauphin, fils de Louis XIV; desseins de Dieu en frappant un si grand coup; obligations du Duc de Bourgogne dans ces tristes conjonctures.

Avril (711

DIEU vient de frapper un grand coup; mais sa main est souvent miséricordieuse jusque dans ses coups les plus rigoureux. Nous avons prié dès le premier jour, nous prions encore. La mort est une grâce, en ce qu'elle est la fin de toutes les tentations. Elle épargne la plus redoutable tentation d'ici-bas, quand elle enlève un prince avant qu'il règne: properavit educere illum de medio iniquitatum (a). Ce spectacle affligeant est donné au monde pour montrer aux hommes éblouis, combien les princes, qui sont si grands en apparence, sont petits en réalité. Heureux ceux qui, comme saint Louis, n'ont jamais fait aucun usage de l'autorité pour flatter leur amour-propre, et qui l'ont regardée comme un dépôt qui leur est confié pour le

(1) Cette lettre fut écrite vers la fin d'avril 1711, pour être lue au Duc de Bourgogne. Le Dauphin, son père, fils de Louis XIV, étoit mort le 14 de ce même mois. M. le cardinal de Bausset croit qu'elle a été adressée au duc de Beauvilliers. Nous inclinous plutôt à penser qu'elle fut envoyée au P. Martineau, confesseur du jeune prince. C'est ce qu'on lit en tête d'une copie ancienne, sur laquelle le marquis de Fénelon a atteste, de sa main, que cette lettre (et deux autres qui y sont jointes), ont éte copiées sur les originaux qu'il a vus, et qui sont entre les mains da P. de la Neuville, Jésuite, à la Maison professe.

(a) Sap. IV. 14.

seul bien des peuples! Je prie celui de qui vient toute sagesse et toute force, de fonder la vraie grandeur de N.,.. sur une petitesse de pure grâce. La vanité enfle, mais elle ne donne aucun accroissement réel. Au contraire, quiconque ne veut être rien par soi, trouve tout en Dieu à l'infini, en s'anéantissant. Il est temps de se faire aimer, craindre, estimer. Il faut de plus en plus tâcher de plaire au Roi, de s'insinuer, de lui faire sentir un attachement sans bornes, de le ménager, et de le soulager par des assiduités et des complaisances convenables. Il faut devenir le conseil de Sa Majesté, le père des peuples, la consolation des affligés, la ressource des pauvres, l'appui de la nation, le défenseur de l'Église, l'ennemi de toute nouveauté. Il faut écarter les flatteurs, s'en défier, distinguer le mérite, le chercher, le prévenir, apprendre à le mettre en œuvre; écouter tout, ne croire rien sans preuve, et se rendre supérieur à tous, puisqu'on se trouve au-dessus de tous. Celui qui fit passer David de la houlette au sceptre de roi, donnera une bouche et une sagesse, à laquelle personne ne pourra résister (a), pourvu qu'on soit simple, petit, recueilli, défiant de soi-même, confiant en Dieu seul. Il faut vouloir être le père, et non le maître. Il ne faut pas que tous soient à un seul, mais un seul doit être à tous pour faire leur bonheur.

(a) Luc. xx. 15.

152

AU DUC DE CHEVREUse.

Sur le Mandement du prélat contre la Theologie de Habert. Affaire de l'évêque de Tournai. Conseils pour le Duc de Bourgogne. Sur un bref du Pape à Fénelon.

A Cambrai, 12 mai 1711.

JE profite, mon bon duc, d'une occasion sûre pour répondre à votre lettre du 26 avril, que je n'ai reçue qu'aujourd'hui à midi.

1o Vous savez que je m'étois rendu au pressant dẻsir de M. Bourdon (P. Le Tellier), et à vos sages conseils, pour faire un Mandement contre M. Habert. J'ai bien vu qu'il falloit préférer la défense de la foi à ma réputation, et craindre moins un scandale personnel, que la séduction des fidèles. D'ailleurs je conviens qu'il faut à la tête des évêques bien intentionnés un homme accoutumé à cette controverse. Faute d'avoir suivi un homme expérimenté, M. de Gap (1) a fait un Mandement qui n'a ni la force ni l'autorité qu'il faudroit. J'ai donc conclu qu'il falloit faire un Mandement; je l'ai fait à la hâte. Vous l'aurez vu sans doute, car j'en ai envoyé deux exemplaires à M. Bourdon. A peine a-t-il été imprimé, qu'on m'a mandé de la part du Roi de suspendre tout. Je sus

(1) François Berger de Malissoles, nommé à l'évêché de Gap en 1706, s'étoit joint aux évêques de La Rochelle et de Luçon, pour condaminer le Nouveau Testament du P. Quesnel. Il avoit aussi condamné la Théologie de Habert, par un Mandement du 4 mars 1711.

pens, et je fais garder le secret, autant que la chose peut demeurer secrète; mais je ne puis répondre absolument du secret : de plus, je suis convaincu qu'il est très-important de publier ce Mandement tout au plus tôt. L'apologie de M. Habert par M. Pastel est la foiblesse même il ne faut pas même daigner en faire mention; le Dénonciateur la mettra en poudre. M. le cardinal de Noailles n'est responsable de rien, et ne paroît pas. Il faut se hâter: ensuite il faudra faire venir des Mandemens de tous côtés. Ne pourroit-on pas en avoir de MM. de Sens, de Besançon, de Rouen, de Reims, d'Arles, d'Aix, de Narbonne, d'Albi, etc.?

2o Les pas secrets que le Roi fait avec zèle ne seront rien, si on ne voit point des actes ecclésiastiques opposés à ceux de M. le cardinal de Noailles. De plus, chaque évêque le craindra, et n'osera lever la tête, pendant qu'ils le verront présider à l'assemblée prochaine avec les marques de la confiance du Roi,

5o M. l'évêque de Tournai mouroit d'envie, depuis plus d'un mois, de regagner Paris. Il ne soupire qu'après Toulouse et le Languedoc : il craint Tournai comme le tonnerre. Il a satisfait ici sagement aux bienséances, et il a été ravi d'être refusé. Je sais que les Hollandais veulent changer de batterie : ils se retranchent à dire que l'évêque est un homme intrigant, qui veut faire sa cour en se mêlant de servir la France contre eux. Nous ne voulons point, disentils, le laisser rentrer pendant la campagne. Si M. de Tournai ne revenoit point, et paroissoit abandonner son troupeau, le scandale et le danger du schisme

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