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et comment; ce qu'il me dira pour vous le faire savoir.

Si ce ministre eût rapporté simplement votre lettre telle qu'elle est, il craint qu'elle n'eût affoibli la fermeté du Roi à faire signer dans les autres diocèses; et c'est ce qui lui a fait prendre le parti que je viens d'expliquer.

Du reste, j'ai parlé à fond de ce qui regarde Gr. P. 4. Je crois qu'il agit un peu sur ce qui est personnel à ce dernier; mais ne se juge pas en droit de le faire sur certains points, qui, ne paroissant pas de sa compétence, donneroient lieu de lui fermer la bouche par cette raison. Je n'en dirai pas sur cela davantage, et il est bon même de le brûler, à cause de celui qui me l'a dit en confidence. Je continuerai de fortifier à cet égard, selon l'occasion que la Providence fournira.

Panta (5) étoit parti, comme je le craignois, quand j'envoyai ma première lettre, que je joins maintenant à celle-ci; car je ne fus averti de son départ, que dans le temps de la triste nouvelle qui le fit partir promptement. Je n'en reviens point, et pour vous, mon cher archevêque, et pour moi. Je finis ceci aussi brusquement que j'ai écrit, et vous embrasse de toute l'étendue de mon cœur, qui se joint sans réserve au vôtre en notre unique tout.

Put (6) vous mande ce qu'il a fait à l'égard de

(4) C'est de Louis XIV dont il est question. On voit, par ce peu de lignes, de quels ménagemens étoient obligés d'user ceux mêmes à qui ce prince accordoit le plus de confiance, pour qu'il ne pût les soupçonner de chercher à franchir les limites de l'autorité qu'il vouloit leur accorder. (5) L'abbé de Beaumont. Il avoit été obligé de repartir subitement pour Cambrai, en apprenant la mort de l'abbé de Langeron.

(6) M. Dupuy, que Fénelon avoit chargé d'ouvrir avec Deschamps, son intendant, les bureaux de l'appartement que l'abbé de Langeron occupoit à Paris, et où il pouƒoit se trouver des papiers importans à retirer.

M. Deschamps, pour l'ouverture des bureaux dont il a les clefs. Ainsi je ne l'explique pas, et il me paroît que c'étoit le mieux dans la conjoncture.

** 140 A.

DE FÉNELON AU VIDAME D'AMIENS.

Sur la mort de l'abbé de Langeron: exhortation à la vraie piété.

A Cambrai, 15 novembre 1710.

J'AI perdu la plus grande douceur de ma vie, et le principal secours que Dieu m'avoit donné pour le service de l'Église jugez, mon cher monsieur, de ma douleur. Mais il faut aimer la volonté de Dieu. Rien n'étoit plus vrai et plus aimable que la vertu du défunt. Rien ne montre plus de grâce que sa mort.

Si le passage des troupes ne me retenoit pas ici, j'irois à Chaulnes vous laisser voir mes foiblesses dans cette perte mais il faut que je sois ici pour quelques mesures à prendre; et vous devez, de votre côté, partir pour Paris, puisque les armées se séparent. J'espère que nous vous verrons revenir au printemps, ou plutôt je le crains. J'aimerais bien mieux que la paix vous dispensât de passer Somme, et que je la passasse pour aller jouir, pendant quelques jours, de la plus douce société que je connoisse. Mais, mon Dieu, que les bons amis coùtent cher! La vie n'a d'adoucissement que dans l'amitié, et l'amitié se tourne en peine inconsolable.

la

Cherchons l'ami qui ne meurt point, et en qui nous retrouverons tous les autres.

Je donnerois tout ce que j'ai au monde pour voir madame la vidame tout à Dieu. Elle n'aura jamais de vrai repos que là, et toutes les dissipations qu'elle peut goûter hors de ce droit chemin ne feront qu'empoisonner son cœur. Ce que je lui demande, est qu'elle soit fidèle à prier du cœur. Qu'elle rentre souvent au dedans d'elle-même où elle trouvera Dieu, et qu'elle lui parle sans réserve, par simple confiance et familiarité. Quiconque le cherche de bonne foi, le trouve. Je ne connois personne à qui je m'intéresse plus fortement qu'à elle. En vérité, elle me doit toutes les bontés qu'elle me témoigne; car mon zèle et mon attachement pour elle sont au comble. Je ne parle point de respect.

Pour vous, mon très-cher monsieur, je vous conjure de travailler avec courage et patience à prendre sur votre naturel et sur vos habitudes tout ce qu'il faut pour pratiquer une vraie piété. Retranchez toute dépense inutile; épargnez soigneusement un écu pour payer vos dettes, et pour soulager de pauvres créanciers qui souffrent. Ménagez votre argent comme votre temps. Point d'amusemens de curiosité. Coupez court sur chaque affaire. Décidez; passez à une autre; point de vide entre deux. Soyez sociable; faites honneur à la vertu dans le monde. J'embrasse tendrement mon petit comte. Dieu sait combien je vous suis dévoué.

Pourquoi ne me dites-vous rien de votre santé, dont je suis en peine?

141.

AU DUC DE CHEVREUSE.

Quelques reproches au Duc de Bourgogne. Affaire de l'évêque de Tournai ; caractère de l'abbé de Laval.

A Cambrai, 5 janvier 1711.

JE profite, mon bon duc, de l'occasion sûre de M. le comte de Châtillon (1), pour répondre à votre lettre du 16 décembre.

Le P. P. (Duc de Bourgogne) raisonne trop, et fait trop peu. Ses occupations les plus solides se bornent à des spéculations vagues, et à des résolutions stériles. Il faut voir les hommes, les étudier, les entretenir sans se livrer à eux, apprendre à parler avec force, et acquérir une autorité douce. Les amusemens puérils apetissent l'esprit, affoiblissent le cœur, avilissent l'homme, et sont contraires à l'ordre de Dieu.

Ce qui arrive en Espagne (2) paroît excellent pour le roi d'Espagne; mais la suite nous montrera s'il est bon pour nous. C'étoit la plus grande et la plus difficile matière de délibération que l'Europe eût eue en nos jours c'est sur quoi on a tranché apparemment, sans croire qu'on eût aucun besoin de délibérer.

(1) Charles - Paul Sigismond de Montmorenci-Luxembourg, comte et depuis duc de Châtillon, dit d'Olonne, étoit petit-fils du maréchal de Luxembourg.

(2) Le duc de Vendôme venoit de gagner en Espagne, le 10 décembre 1710, la bataille de Villaviciosa. Le roi d'Espagne commandoit l'aile droite, et M. de Vendôme la gauche. Philippe V entra triomphant dans Saragosse, et dès-lors les affaires commencèrent à prendre une face nouvelle.

Dieu veuille qu'on soit jusqu'au bout plus heureux que sage!

Il n'est pas nécessaire de me renvoyer les trois lettres sur le jansénisme; mais comme le P. Le Tellier y aura fait quelques remarques, je vous supplie de m'envoyer le tout par quelque voie commode à votre loisir. J'espère que Dupuy me viendra voir bientôt.

Je vous envoie un Mémoire séparé sur la non-résidence de M. l'évêque de Tournai (3). Elle scandalise toute cette frontière, et on la rejette sur les Jésuites. Je vous supplie de communiquer mon Mémoire au P. Le Tellier tout seul, en lui demandant un profond secret.

Tout le clergé de France va se perdre, et il ne sera plus temps bientôt d'employer les plus forts remèdes, si on se borne maintenant à ceux qui ne font qu'endormir la douleur. Il n'y a pas un seul moment à perdre pour éteindre le feu. Il faut détruire toutes les pépinières de séducteurs, et en former de bons ouvriers.

Il faudroit presser Rome pour la bulle espérée contre M. de Saint-Pons, la faire dresser en termes forts, qui passeront aussi facilement que des termes ambigus, et s'assurer contre le Parlement.

Je ne demande rien pour M. l'abbé de Laval. Je dis les bonnes qualités et les défauts avec une ingénuité rigoureuse. Je croirois que ce sujet pourroit faire du bien dans une place paisible, et éloignée des grands embarras. J'en juge par comparaison à tant

(3) Voyez, sur l'affaire de cet évêque, l'Hist. de Fénelon, hv. IV, A. 25 et suiv.

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