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feu. La moindre chose rouvriroit toutes vos plaies et les envenimeroit. Qu'aucun domestique ni ami n'ose vous donner des lettres ou vous lire des choses touchantes de la part des personnes... Il vous est aisé, avec l'autorité que vous avez, de couper court là-dessus; il n'y a qu'à le vouloir : et vous devez le vouloir comme votre salut éternel, puisque vous ne pouvez le faire que par cette voie.

Ce qui m'embarrasse le plus n'est ni votre promptitude contre vos domestiques, ni vos oppositions pour les gens qui vous traversent; ce que je crains pour vous, c'est votre hauteur naturelle et votre violente pente aux plaisirs. Je crains votre hauteur, parce que vous ne pouvez être à Dieu et vous remplir de son esprit, qu'autant que vous vous viderez de vous-même et que vous vous mépriserez sincèrement. Dieu est jaloux de sa gloire, et celle des hommes l'irrite. Il résiste aux superbes, et donne sa grâce aux humbles (a). Il dessèche, dit encore l'Écriture (e), les racines des nations superbes. Vous voyez qu'il les dessèche, c'est-à-dire qu'il les fait mourir jusqu'à la racine. Si vous n'êtes petit devant Dieu, si vous ne renoncez à la gloire mondaine, il ne vous bénira jamais. Pour la pente aux plaisirs, elle me feroit trembler pour vous, si je n'étois bien persuadé que Dieu ne commence son œuvre que pour l'achever. Vous êtes environné de gens de plaisir; tout ne respire chez vous que l'amusement et la joie profane tous les amis qui ont votre confiance ne sont pleins que de maximes sensuelles, ils sont en

(a) Jac. iv. 6. (e) Eccli. x. 18.

CORRESP. I.

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possession de vous parler suivant leurs coeurs corrompus. Par nécessité il faut changer de ton. Demandez donc à Dieu un front d'airain contre l'iniquité demandez-lui cette bouche et cette sagesse qu'il a promises aux siens pour les rendre victorieux de la sagesse mondaine. Il n'est pas question de prêcher ni de baisser les yeux; mais il s'agit de se taire, de tourner ailleurs la conversation, de ne témoigner nulle lâche complaisance pour le mal, de ne rire jamais d'une raillerie libertine ou d'une parole impure. Qu'on croie tout ce qu'on voudra, il faut prendre le dessus; c'est à quoi vous doit servir l'autorité de votre place et de vos talens naturels. Mais souvenezvous, monsieur, que, si vous vous laissez entamer, vous êtes perdu. Un faux ménagement entre Dieu et le monde ne contentera ni Dieu ni le monde. Vous serez rejeté de Dieu; le monde vous rentraînera, et rira de vous voir rentraîné dans ses pièges. Ce qui vous préservera de ce malheur, sera une conduite droite, pleine de confiance en Dieu et de renoncement aux considérations humaines.

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Pour le changement de votre cœur, voici ce qui est essentiel et que je vous demande au nom de Dieu; c'est que vous soyez pleinement résolu de faire deux choses la première, de recevoir sans hésiter toutes les lumières que Dieu vous donnera peut-être dans la suite pour aller plus loin que vous ne vous proposez d'aller d'abord; par exemple, promettez à Dieu de bonne foi, que si vous ne connoissez pas encore tout ce que vous lui devez, soit pour la réparation des scandales ou des injustices, soit pour l'usage de vos biens et de votre autorité, vous ne fermerez ja

mais les yeux à la lumière, et qu'au contraire vous serez ravi d'avancer toujours dans la connoissance de vos devoirs. La seconde chose est une ferme et sincère résolution de suivre toujours, quoi qu'il vous en coûte, la lumière que Dieu vous donnera; en sorte que s'il vous découvre dans la suite plus de devoirs à remplir et plus de victoires à remporter sur vous, vous ne résisterez jamais au Saint-Esprit, mais qu'au contraire vous foulerez aux pieds tous les obstacles pour ne jamais manquer à Dieu. Moyennant ces deux dispositions, j'espère que vous marcherez sur des fondemens inébranlables, et que nous n'aurons point la douleur de vous voir chanceler dans la voie du salut.

Il reste maintenant à dire deux mots sur les choses que vous avez à faire extérieurement, et sur le règlement de piété que vous pouvez prendre. Parlez, monsieur, à madame la M. de S. (Marquise de Seignelai) comme vous l'avez résolu; et faites-le tout au plus tôt cette démarche sera très-agréablé à Dieu; elle sera une source de grâce pour votre conduite.

Votre règlement sur la piété ne doit pas être maintenant tel qu'il sera dans la suite quand votre santé sera rétablie. Maintenant contentez-vous de prendre le matin, où vous vous portez mieux et où vous avez moins de visites, quelques passages des Psaumes, que vous choisirez selon votre goût : occupez-vousen de la manière qui est déjà marquée dans cette lettre, et passez dans cette occupation environ un quart-d'heure si vous le pouvez. Si votre santé ne vous le permet pas, faites-le à plusieurs reprises, dans les heures de la journée où vous aurez moins d'in

disposition et d'embarras. Lisez aussi ou faites-vous lire par M. le D. de Ch. (Duc de Chevreuse) un chapitre de l'Imitation chaque jour. Ne craignez point de l'interrompre quand vous vous trouverez fatigué: vous pouvez reprendre dans la suite. Au reste, ce que je crois qui vous convient le plus, c'est d'élever de temps en temps votre cœur à Dieu sans aucune contention d'esprit et avec une pleine confiance. Le temps de la maladie vous est favorable; car c'est une espèce de retraite forcée, qui vous met à l'abri des conversations profanes, et qui assemble autour de vous les gens de bien de votre famille. Un peu de conversation chrétienne avec M. le D. de Ch. vous fortifiera beaucoup dans vos bons sentimens. On a besoin d'être aidé dans un si pénible retour. La confiance même soulage, et élargit le coeur pour y faire entrer les choses de Dieu. Je le prie sans cesse, monsieur, de vous soutenir par sa main toute-puissante contre le monde et contre vous-même. Vous me paroissez dans votre lit comme Saul abattu et prosterné aux portes de Damas. Jésus-Christ, que vous avez abandonné et outragé, vous dit: Saul, pourquoi me persécutes-tu? il est dur de résister à l'aiguillon. Dites-lui: Seigneur, que voulez-vous que je fasse (a) ? Il fera de vous un vaisseau d'élection pour porter

son nom.

(a) Act. ix. 4, 5, 6.

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Obligation d'avancer chaque jour dans la connoissance de ses devoirs et de la loi divine.

Paris, 2 juillet ( 1690.)

IL me paroît, monsieur, que la plus importante de toutes vos questions est celle que vous me faites sur l'ignorance de vos devoirs. Vous voudriez bien qu'il vous fût permis de vous contenter de ce que vous en avez connu, sans vous embarrasser pour en connoître davantage; mais je vous avoue que je ne puis entrer dans votre sentiment. Ce n'est pas que j'approuve ces sévérités excessives et indiscrètes, qui veulent qu'un homme tremble à chaque moment, et à chaque chose qu'il fait, de peur de mal faire. Nous avons un bon maître, qui demande plus la confiance que tout le reste.

Il a pitié, comme un père tendre, des foiblesses de ses enfans, parce qu'il connoît la boue fragile dont il les a pétris de ses propres mains. C'est ainsi que Dieu lui-même parle dans un Psaume (a). A Dieu ne plaise donc, monsieur, que je veuille vous engager dans ces dévotions si timides et si gênées où l'on croit que Dieu ne pardonne rien, et qu'il ne cherche qu'à nous surprendre dans nos moindres fautes pour nous confondre! Non, non, je ne crains rien davantage que cette conduite; et, bien loin de vouloir

(a) Ps. c. 13, 4.

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