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lui faire voir en détail les mœurs et la forme du gouvernement de chaque pays. Au reste, je suppose, mon bon duc, que vous avez examiné en toute rigueur les biens dont il s'agit. Vous êtes plus capable que personne de faire cet examen, quand vous voudrez approfondir en toute rigueur. Mais je crains votre bonté, et votre confiance pour les hommes: vous pénétrez plus qu'un autre; mais vous ne vous défiez pas assez. Ainsi je vous conjure de faire examiner à fond toute cette affaire par des gens de pratique, qui soient plus soupçonneux et plus difficiles que vous. Dans un tel cas, il faut craindre d'être trompé, et mettre tout au pis aller; les avis des chicaneurs ne sont pas inutiles. J'avoue que j'aurois grand regret à ce mariage, si, après l'avoir fait si prématurément avec une personne d'une naissance hors des règles par son père, il se trouvoit quelque mécompte dans le bien. Prenez-y donc bien garde, mon bon duc; car, si le cas arrive, je m'en prendrai à vous, et je vous en ferai les plus durs reproches. Au nom de Dieu, ne vous fiez pas à vous-même, et faites travailler des gens qui aient peur de leur ombre. Enfin je suppose que la personne est telle qu'on vous la dépeint: mais vous savez qu'on ment encore plus sur le mérite que sur le bien; c'est à vous à redoubler pour les informations secrètes. Le père étoit extraordinaire : je ne sais si la mère à quelque fonds d'esprit, ni si elle a pu conduire cette éducation; c'est néanmoins le point le plus capital. Dieu veuille que vous soyez bien éclairci de tout! Encore une fois, votre exposé rend la chose très-bonne : on peut douter de la question de fait, et non de celle de droit.

J'ai été alarmé sur votre santé ménagez-la, je vous supplie; elle en a grand besoin je crains un régime outré. Pardon : vous connoissez mon zèle et mon dévoûment sans réserve.

Je croirois que, pendant les temps où les jeunes personnes ne seront pas encore ensemble, il seroit à désirer qu'ils ne se trouvassent point tous les jours dans les mêmes lieux.

Je voudrois fort aussi qu'on prît garde, dans un contrat de mariage, de n'y engager point madame la duchesse de Chevreuse par rapport à ses reprises; car je craiudrois qu'elle ne se trouvât peu au large, si vous veniez à lui manquer: il ne convient point qu'elle coure risque de dépendre de ses enfans, il est bon pour eux-mêmes qu'ils dépendent d'elle. Je suis fort vif sur ses intérêts, et je crains qu'elle n'ait pas la même vivacité. D'ailleurs M. le vidame, sur qui je compterois, peut mourir. Enfin elle doit être au large et indépendante.

114.

AU MÊME.

Il lui envoie sa lettre sur le Mandement de M. l'évêque de Saint-Pons: il désire connoître le nouveau confesseur de Mme de Maintenon, et recommande au duc un secret important.

A Cambrai, 16 janvier 1710.

Je vous envoie, mon bon duc, une lettre que j'ai faite sur le Mandement de M. de Saint-Pons. Le P. Le Tellier me l'a demandée plusieurs fois, comme

une chose dont il avoit un pressant besoin. Il m'a été impossible de la faire plus promptement, à cause de mes embarras continuels, qui coupent tout mon temps. Je vous conjure de la donner ou envoyer sans retardement. Vous pouvez la lire auparavant en deux heures; mais, si vous n'en avez pas d'abord le loisir, au nom de Dieu ne la gardez pas. Vous y verrez tous les tours de passe-passe les plus odieux, dans un évêque de quatre-vingts ans, qui est le revancheur banal de la morale sévère.

(1)

Je crois que le P. Le Tellier doit bien prendre garde à l'homme qui remplacera feu M. de Chartres : une infinité de choses dépendront du caractère de l'homme qui aura cette confiance. La chose pourra bien se tourner en mystère; mais on peut la pénétrer. On n'aura la clef de rien, et on ne pourra point prendre des mesures justes, jusqu'à ce qu'on connoisse qui c'est.

Je crois, mon bon duc, vous avoir demandé un assez grand secret par rapport aux prélats dont je vous ai fait le portrait avec des traits assez naturels. Il est capital qu'il ne leur puisse jamais revenir ni discours ni soupçon là-dessus. M. de Tournai et M. de Meaux, qui me témoignent beaucoup d'amitié, me regarderoient comme un ami très-ingrat et très-infidèle. L'un et l'autre est honnête homme, et a son mérite; mais je vous ai dit la vérité comme en confession, parce que j'ai dû la dire. Je n'y ai d'autre

(1) Paul Godet Desmarais, évêque de Chartres, et directeur de Mme de Maintenon, étoit mort le 26 septembre 1709. Après sa mort, Mae de Maintenon prit pour directeur M. de la Chétardie, curé de Saint-Sulpice, et donna sa confiance pour les affaires ecclésiastiques à M. de Bissy, évêque de Meaux, depuis cardinal.

intérêt que celui de l'Église, Dieu m'en est témoin. Faites en sorte que le P. Le Tellier soit impénétrable là-dessus.

Les troupes et les peuples souffrent toujours beaucoup sur cette frontière; on y meurt fréquemment; le service languit: Dieu sait ce qu'il veut faire de

nous.

(2).

M. le chevalier de Luxembourg se loue infiniment de vous, et n'est pas content de madame sa sœur J'espère que nous apprendrons un de ces jours si votre mariage est conclu.

Souffrez que j'ajoute mille respects, mais bien sincères et au plus haut degré pour notre bonne duchesse; un cent pour madame la vidame, que j'ai grande envie de revoir à Chaulnes. Permettez-moi aussi d'embrasser tendrement M. le vidame in os culo sancto. Pour vous, mon bon duc, je vous conjure de prendre soin de votre santé. Je ne saurois me rassurer sur cette goutte suivie de dévoiement. Dieu seul sait de quel cœur je vous suis dévoué.

(2) Angélique-Cunégoude de Montmorenci-Luxembourg, dont la fille étoit sur le point d'épouser le duc de Luynes, petit fils du duc de Chevreuse, comme on l'a vu dans la lettre précédente.

115.

AU MÊME.

Son inquiétude sur la santé du Pape; espérances d'une paix prochaine; mémoire secret sur la cour de Rome; projet de réformes à la paix.

A Cambrai, to février 1710.

Je vous envoie, mon bon duc, un Mémoire ostensible au P. Le Tellier sur les affaires de doctrine. Il me paroît très-important de prendre les plus grandes précautions à l'égard de l'assemblée du clergé, faute de quoi tout seroit à craindre.

Je suis en peine de la santé du Pape (1), que les gazettes nous représentent dans un triste état. S'il vient à manquer, il faudroit faire les derniers efforts pour procurer un pape zélé contre le jansénisme, et ferme contre le parti.

Je vous envoie une copie d'un Mémoire imprimé en Hollande (2), dont il est venu par Bruxelles des exemplaires jusqu'ici. Je n'ai pu garder l'imprimé qu'une heure et demie, pendant laquelle j'en ai fait

(1) Le pape Clément XI ne mourut qu'en 1721.

(2) Dès 1709, le Roi avoit envoyé le président Rouillé à La Haye, pour tenir une négociation qui échoua. Il fit plus; il y envoya peu de temps après M. de Torci, ministre des affaires étrangères, pour mettre fin, s'il étoit possible, à une guerre qui épuisoit l'Europe, et que les fleaux de l'hiver de 1709 rendoient encore plus intolérable. M. de Torci a donné l'histoire de cette négociation dans des Mémoires très-intéressans, qui n'ont paru qu'après sa mort. Elle n'eut alors aucun succès; mais elle ne fut pas entièrement inutile. Louis XIV, en rendant compte à ses sujets, de tous les sacrifices auxquels il avoit consenti, et qu'il étoit encore prêt à faire pour leur procurer la paix, les rendit, pour ainsi dire, juges de sa propre modération, et de l'injustice de ses euuemis. Cette conduite, aussi noble que politique, ranima le courage des Français, et les disposa à tous les sacrifices que les circonstances pouvoient exiger.

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