Oldalképek
PDF
ePub

quel je renonce de tout mon cœur. Je croirois qu'en ce cas il n'y auroit qu'à aller avec simplicité, et qu'à s'en revenir de même, dès que j'aurois rempli la cérémonie. Je vous ai prié de consulter, et je ferois, si le cas arrivoit, tout ce qui m'auroit été décidé de ce côté-là. Je ne veux ni trop ni trop peu.

Il me paroît essentiel que le P. Le Tellier cherche et approfondisse les sujets. Il vaut mieux en prendre de Saint-Sulpice, pourvu qu'ils soient pieux et solidement instruits, que de laisser le parti janséniste prévaloir dans l'épiscopat. Je vous dirai, par exemple, que les Jésuites se trompent s'ils croient avoir pour amis en ce pays MM. d'Ypres (5) et de Saint-Omer (6). Le premier m'a tenu des discours bien extraordinaires : jugez ce qu'il dit à d'autres. Pour M. de Saint-Omer, il étoit céans il y a deux jours; j'ai vu dans sa conversation qu'il admire les écrits du parti, et qu'il n'entend rien: ce n'est qu'un po-litique très-superficiel. On dit qu'il a été nourri à Saint-Magloire. Ce sont les évêques qui gâtent tout, par leurs préventions en faveur du parti. Tous ménagent M. le cardinal de Noailles.

Je sais qu'on veut attaquer sans raison M. le chevalier de Luxembourg, sur ce qu'il devoit défendre la Traville. J'ai pris la liberté de vous supplier d'écouter là-dessus M. le comte de Beauvau, et de vouloir bien servir M. le chevalier, qui le mérite plus que je ne puis dire.

(4) Ceci porte à croire que le duc de Chevreuse avoit invité Fénelon à venir faire le mariage de son petit-fils. Voyez la lettre 113, ci-après. (5, Martin de Ratabon, nommé à l'évêché d'Ypres en 1693, transféré à Viviers en 1713, mort à Paris, le 9 juin 1728.

(6) François de Valbelle, évêque de Saint-Omer cu 1708, mort en 1727.

J'oubliois de yous dire que, si le Roi vouloit s'assurer de mes sentimens sur les questions de mon livre condamné, il pourroit prendre la voie canonique, qui seroit de le savoir par le Pape. Le Pape me demanderoit quelle est ma doctrine, s'il en doutoit, et je lui en rendrois compie par un écrit, qui ne laisseroit rien de douteux. Par là, le P. Le Tellier ne se commettroit point, et ne se rendroit responsable de rien : tout rouleroit sur le Pape. Ce Papeci a vu mes défenses, et les a approuvées dans le temps. Cette conduite seroit la plus simple, la moins périlleuse et la plus régulière. Pour moi, je suis content, et je serois bien fâché de rien vouloir pour moi je n'ai que trop.

[ocr errors]

Bonjour, mon bon duc; je vous honore, respecte, et vous suis dévoué sans mesure, Dieu sait à quel point.

[blocks in formation]

Rien de plus redoutable que les grâces méprisées. Motifs et moyens commencer une vie fervente.

A Cambrai, 19 décembre 1709.

de

JE remercie Dieu, monsieur, des grâces dont il vous comble; mais je crains que votre travail ne soit disproportionné à tant de secours. Rien n'est si redoutable que les grâces méprisées, et le plus rigoureux jugement sera fondé sur les miséricordes reçues sans fruit. C'est le péché d'ingratitude et de résistance au Saint-Esprit. Dieu vous a conservé cette

année, apparemment pour vous attirer à son amour par tant d'inspirations secrètes. Mais je vois venir la campagne prochaine, et je n'y saurois penser sans craindre pour vous. Au nom de Dieu, ne passez point dans la mollesse, dans la curiosité et dans l'amusement, un hiver qui vous est peut-être donné comme le temps de crise pour votre salut éternel.

Vous êtes environné d'un père et d'une mère qui servent Dieu de tout leur coeur. Vous avez épousé une personne qui n'est peut-être pas encore dans la piété, mais qui a beaucoup de raison, de bonté de cœur, de vertu, et qui honore sincèrement la piété solide. N'êtes-vous pas trop heureux au dehors? D'ailleurs Dieu ne cesse point au dedans de vous attirer. Il ne se rebute point de vos négligences; il daigne avoir avec vous la patience que vous devriez avoir avec lui. Je crains que cette patience de Dieu ne vous gâte. Ne vous contentez pas d'éviter les vices grossiers; priez, unissez-vous de cœur à Dieu; accoutumez-vous à être seul avec lui dans un commerce d'amour et de confiance; faites toutes vos actions en sa présence, et retranchez toutes celles qui ne mériteroient pas de lui être offertes. Voilà ce qui doit décider tous vos cas de conscience.

Lisez un bon livre, et nourrissez-vous-en par une méditation simple et affectueuse, pour vous appliquer les vérités que vous y aurez lues. Fréquentez les sacremens. Ne réglez pas vos communions par votre vie; mais réglez toute votre vie par vos communions fréquentes. Du reste, soyez gai, commode, compatissant aux défauts d'autrui, et appliqué à corriger les vôtres, sans vous flatter et sans vous impatienter dans

ce travail qui recommence tous les jours. Faites honneur à la piété, en montrant qu'on peut la rendre aimable dans tous les emplois. Appliquez-vous à vos affaires plutôt qu'aux horloges. La première machine pour vous est la composition de votre domestique, et le bon état de vos comptes. Songez à vos créanciers, qu'il ne faut ni laisser en hasard de perdre si vous veniez à manquer, ni faire attendre sans nécessité; car cette attente les ruine presque autant que le refus de les payer.

Ne vous laissez point amuser par la figure du monde qui passe. Vous passerez avec lui; encore un peu, et tout ceci disparoîtra à jamais. O que je souhaiterois que le cœur de madame la vidame fût vivement touché de Dieu! Elle vous aideroit; vous vous soutiendriez l'un l'autre. Je l'ai goûtée dès mon premier voyage de Chaulnes ; dans le second, j'ai pris un vrai zèle pour elle. Vous devriez lui demander au moins un essai d'être seule avec Dieu coeur à cœur un demi-quart d'heure tous les matins et autant tous les soirs. Ce n'est pas trop pour la vie éternelle. Il ne s'agit que d'être avec Dieu comme avec une personne qu'on aime, sans gêne. Elle est bonne, vraie, sans vanité, sans amour du monde : pourquoi ne seroit-elle pas à Dieu? Soyez-y tous deux, mon trèscher monsieur. Je vous suis dévoué sans mesure à Jamais.

115 ** R.

AU DUC DE CHEVREUSE.

Sur le mariage projeté du duc de Luynes, petit-fils du duc de Chevreuse. A Cambrai, 11 janvier 1710.

sance

[ocr errors]

VOTRE exposé, mon bon duc, ne me permet pas de hésiter. J'avoue que je désirerois une autre nais(1); mais elle est des meilleures en ce genré : le côté maternel est excellent. J'avoue aussi qu'il eût été fort à souhaiter qu'on eût pu différer de quelques années; mais vous pouvez mourir, et il y a une dif férence infinie entre le jeune homme établi par vous, et tout accoutumé sous vos yeux à une certaine règle dans son mariage avec une femme que madame la duchesse de Chevreuse aura formée, ou bien de le laisser, si vous veniez à lui manquer, sans établissement, livré à lui-même dans l'âge le plus dangereux, au hasard de prendre de mauvais partis, et avec apparence qu'il se marieroit moins bien quand il n'auroit plus votre appui. Ce que je crois, par rapport à une si grande jeunesse de part et d'autre, est qu'il convient de gagner du temps le plus que vous pourrez. Si la paix vient, je voudrois faire voyager le jeune homme deux ans en Italie et en Allemagne,

(1) Il est ici question du mariage qui eut licu, le 24 février suivant, entre Charles-Philippe d'Albert, duc de Luynes, petit-fils du dac de Chevreuse, et Louise-Léontine-Jacqueline de Bourbon-Soissons, fille aînée de Louis Henri, légitimé de Bourbon-Soissons, et d'Angélique-Cunégonde de Montmorenci-Luxembourg. Ce Louis-Henri étoit fils naturel du dernier comte de Soissons, de la maison de Bourbon, tué à la bataille de la Marfée, en 1641. Le duc de Luynes étoit né en juillet 1695, et sa future épouse en octobre 1696.

« ElőzőTovább »