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peut avoir manqué de votre côté, avec si peu de secours et tant d'embarras. Demandez avec les plus vives instances à avoir votre revanche la campagne prochaine, et à réparer votre réputation attaquée. Vous ne sauriez montrer trop de vivacité sur cet article; il vous siéra bien d'être très-vif là-dessus, et cette grande sensibilité fera une partie de votre justification sur la mollesse dont on vous accuse. Demandez sous vous un général qui vous instruise et qui vous soulage, sans vouloir vous décider comme un enfant. Demandez un général qui décide tranquillement avec vous, qui écoute les meilleurs offir ciers, et qui n'ait point de peine de vous les voir écouter; qui vous mène partout où il faut aller, et qui vous fasse remarquer tout ce qui mérite attention. Demandez un général qui vous occupe tellement de toute l'étendue de la guerre, que vous ne soyez point tenté de tomber dans l'inaction et l'amusement. Jamais personne n'eut besoin de tant de force et de vigueur, que vous en aurez besoin dans cette occasion. Une conversation forte, vive, noble et pressante, quoique soumise et respectueuse, vous fera un honneur infini dans l'esprit du Roi et de toute l'Europe. Au contraire, si vous parlez d'un ton timide et inefficace, le monde entier, qui attend ce moment décisif, concluera qu'il n'y a plus rien à espérer de vous, et qu'après avoir été foible à l'armée, aux dépens de votre réputation, vous ne songez pas même à la relever à la cour. On vous verra vous renfoncer dans votre cabinet, et dans la société d'un certain nombre de femmes flatteuses.

Le public vous aime encore assez, pour désirer un

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coup qui vous relève; mais, si ce coup manque, vous tomberez bien bas. La chose est dans vos mains. Pardon, monseigneur, j'écris en fou; mais ma folie vient d'un excès de zèle. Dans le besoin le plus pressant, je ne puis que prier, et c'est ce que je fais

sans cesse.

$96.

1

AU VIDAME D'AMIENS.

11 lui adresse des dépêches importantes, et lui témoigne un vif désir de son progrès spirituel. ¡`pr

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A Cambrai, 13 novembre 1708.

J'ESPÈRE, monsieur, que vous voudrez bien me faire la grâce de rendre le paquet ci-joint, avec les mêmes précautions que les autres Si on vous paToit avoir quelque envie de faire réponse, ayez la bonté de retenir Anguigne autant qu'il le faudra, sinon je vous supplie de me le renvoyer. Il est trèsbon homme et très affectionné; mais il ne sait ni ne doit rien savoir.

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Il me tarde beaucoup de voir finir votre longue campagne, et d'avoir l'honneur de vous embrasser. Cependant je prie Dieu tous les jours à l'autel aver ferveur, afin qu'il vous soutienne contre votre foiblesse, et qu'il vous délivre de vous-même, qui est votre plus dangereux ennemi. 1 són as

1

(1) C'étoit sans doute quelque lettre pour le Duc de Bourgogne. On a vu par les précédentes, que, pendant la campagne de cette année, Fénelon correspondoit avec le prince par l'entremise du vidame.

J'ai le cœur bien affligé de tout ce que j'entends dire contre notre prince sur sa campagne. Consolezmoi, si vous le pouvez, et faites-moi, s'il vous plaît, la justice de croire que je vous suis, monsieur, dévoué sans réserve pour le reste de ma vie.

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** 97 R.

AU MÊME.

Sur quelques bruits concernant le Duc de Bourgogne.

A Cambrai, 24 novembre 1708.

Je vous renvoie Anguigne, selon votre décision, monsieur. Il ne sait ni ne doit savoir rien, quoiqu'il soit bon homme et plein d'honneur. Il attendra autant qu'on le voudra. Je crains seulement qu'il ne soit remarqué par les gens qui sont éveillés. Le bruit public est que Mgr le D. de B. (Bourgogne) n'a plus aucun pouvoir, et que M. de Vendôme en a un absolu pour décider de tout.

Je remercie Dieu de ce qu'il vous conserve une lumière distincte et une pleine conviction sur les vérités de la religion: mais on n'en est que plus coupable, quand on croit si bien el qu'on fait si mal. Je tremble pour vous, si vous manquez à Dieu. Ne lassez point sa patience. Quand vous serez fidèle à lire, à prier, à retrancher les amusemens qui dissipent et qui affoiblissent le cœur, vous serez moins foible, et cette fidélité vous méritera un plus grand secours. O que je désire que vous aimiez Dieu plus

que vous-même, et sa volonté plus que la vôtre! Cela n'est-il pas juste? Nonne Deo subjecta erit anima mea (a)?

98.

AU DUC DE CHEVREUSE.

Sur la conduite du Duc de Bourgogne pendant la campagne de cette année, et sur les moyens de relever son honneur dans la campagne prochaine. Etat critique de la France.

A Cambrai, 3 décembre 1708.

JE me sers, mon bon duc, de l'occasion sûre de M. Turodin pour répondre à votre dernière lettre. Vous avez su que la campagne finit par une conclusion très-honteuse. M. le Duc de Bourgogne n'a point eu, dit-on, pendant la campagne assez d'autorité ni d'expérience pour pouvoir redresser M. de Vendôme. On est même très-mécontent de notre jeune prince, parce que, indépendamment des partis pris pour la guerre, à l'égard desquels les fautes énormes ne tombent point sur lui, on prétend qu'il n'a point assez d'application pour aller visiter les postes, pour s'instruire des détails importans, pour consulter en particulier les meilleurs officiers, et pour connoître le mérite de chacun d'eux. Il a passé, dit-on, de grands temps dans des jeux d'enfant avec M. son frère, dont l'indécence a soulevé toutes les personnes bien intentionnées, dans de tristes conjonctures où il auroit

(a) Ps. LXI. I.

dû paroître sentir la honte de sa campagne et le malheur de l'État. Voilà, si je ne me trompe, la vraie source de l'indisposition générale des militaires, qui reviendroient, s'ils voyoient, au printemps prochain, ce prince moins amusé à des jeux indécens, montant plus souvent à cheval, voulant tout voir et tout apprendre, questionnant les gens expérimentés, et décidant avec vigueur. Mais il faudroit qu'au lieu de M. de Vendôme, qui n'est capable que de le déshonorer et de hasarder la France, on lui donnât un homme sage et ferme, qui commandât sous lui, qui méritât sa confiance, qui le soulageât, qui l'instruisît, qui lui fit honneur de tout ce qui réussiroit, qui ne rejetât jamais sur lui aucun fâcheux évènement, et qui rétablit la réputation de nos armes. Cet homme où estil? Ce seroit M. de Catinat, s'il se portoit bien; mais ce n'est ni M. de Villars, ni la plupart des autres que nous connoissons. M. de Berwick, qu'on louoit fort en Espagne, n'a pas été fort approuvé en Flandre je ne sais si la cabale de M. de Vendôme n'en a pas été cause. Il faudroit, de plus, à notre prince, quelque homme en dignité auprès de lui. Plût à Dieu que vous y fussiez, vous auriez pu empêcher tous les badinages qu'on a critiqués, et lui donner plus d'action pour contenter les troupes. Ce qui est certain, est qu'il demeurera dans un triste avilissement aux yeux de toute la France et de toute l'Europe, si ou ne lui donne pas l'occasion et les secours pour se relever et pour soutenir nos affaires. Si M. de Vendôme revient tout seul avec un pouvoir absolu, il court risque de mettre la France bien bas. Il faut savoir faire ou la guerre ou la paix. Il faut, dans

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