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quelque coup de vigueur avant que de se retirer, pourquoi faut-il que vous n'y soyez pas, et que d'autres s'en réservent l'honneur? Ce seroit faire penser au monde qu'on n'ose rien entreprendre de hardi et de fort quand vous commandez; que vous n'y êtes qu'un embarras, et qu'on attend que vous soyez parti pour tenter quelque chose de bon. Après tout, s'il y a quelque chose à espérer, c'est dans le temps où les ennemis seront réduits à se retirer, ou à prendre des postes dans le pays pour y passer l'hiver. Voilà le dénouement de toute la campagne; voilà l'occasion décisive pourquoi la manqueriez-vous? Il faut toujours obéir au Roi avec un zèle aveugle; mais il faut attendre, et tâcher d'éviter un ordre absolu de partir trop tôt.

Vous devez faire honneur à la piété, et la rendre respectable dans votre personne. Il faut la justifier aux critiques et aux libertins. Il faut la pratiquer d'une manière simple, douce, noble, forte et convenable à votre rang. Il faut aller tout droit aux devoirs essentiels de votre état, par le principe de l'amour de Dieu, et ne rendre jamais la vertu incommode par des hésitations scrupuleuses sur les petites choses. L'amour de Dieu vous élargira le cœur, et vous fera décider sur-le-champ dans les occasions pressantes. Un prince ne peut point, à la cour ou à l'armée, régler les hommes comme des religieux; il faut en prendre ce qu'on peut, et se proportionner à leur portée. Jésus-Christ disoit aux apôtres : J'aurois beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne pourriez pas maintenant les porter (a). Saint

(a) Joan. xvI. 12.

les

ga

Paul dit: Je me suis fait tout à tous pour gner tous (a). Je prie Dieu tous les jours que l'esprit de liberté sans relâchement vous élargisse le cœur, pour vous accommoder aux besoins de la multitude.

Il faut montrer que vous pensez d'une façon sérieuse, suivie, constante et ferme. Il faut convaincre le monde que vous sentez tout ce que vous devez sentir, et que rien ne vous échappe. Si vous paroissez mou et facile à entraîner, on vous entraînera, et on vous mènera loin aux dépens de votre réputation. Lorsque vous serez de retour à la cour, vous devez, ce me semble, parler au Roi d'un ton ferme et respectueux, lui montrer clairement et en détail les véritables causes des mauvais évènemens, avec les remèdes qu'on peut y apporter. Si vous lui faites voir que vous n'avez manqué à rien d'essentiel; si vous lui représentez la situation très-embarrassante où vous vous êtes trouvé; enfin si vous appuyez vos bonnes raisons par les témoignages uniformes des principaux officiers, qui doivent naturellement dire la vérité en votre faveur, si peu que vous ayez de gagner leurs cœurs, le Roi ne pourra pas s'empêcher d'avoir égard à votre bonne cause pour l'intérêt de l'État.

soin

Votre ressource doit être celle des bonnes raisons, appuyées avec une fermeté qui ne peut être que louée, quand elle sera assaisonnée d'une soumission, d'un zèle et d'un respect à toute épreuve pour le Roi. Le moment de votre retour à la cour sera

(a) I Cor. IX. 22.

une crise. Je redoublerai mes foibles prières en ce temps-là.

Si vous vous accoutumez à rentrer souvent audedans de vous pour y renouveler la possession que Dieu doit avoir de votre cœur; si vous dites avec humilité, Audiam quid loquatur in me Dominus (a); si vous n'agissez ni par humeur, ni par goût naturel, ni par vaine gloire, mais simplement par mort à vous-même, et par fidélité à l'esprit de grâce; Dieu vous soutiendra. Angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis (e): dabitur enim vobis in illa hora quid loquamini . Vous deviendrez grand devant tous les hommes, à proportion de ce que vous serez petit devant Dieu et souple dans sa main. Vous aurez des croix; mais elles entreront dans les desseins de Dieu, pour vous rendre l'instrument de sa providence, et vous direz: Superabundo gaudio in omni tribulatione nostra ().

Je ne saurois être devant Dieu, que je ne m'y trouve avec vous, pour lui demander que vous soyez, comme David, selon son cœur.

(a Ps. LXXXIV. 9.

(e) Ps. XC. 14. -

(i) Matth. x. 19

(0) II Cor. vi. 4.

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Il l'exhorte à se défier beaucoup de lui-même, et à prendre les moyens qu'il lui a déjà conseillés, pour le soutenir.

A Cambrai, 15 octobre 1708.

JE suis véritablement affligé, monsieur, de l'état pénible où vous vous dépeignez vous-même : mais ce qui m'en console est de voir combien vous le sentez, et combien vous en craignez les suites. J'espèrerai tout pour vous, tandis que vous craindrez tout de vous-même. Cette expérience de votre dissipation, de votre tiédeur, de votre relâchement et de votre fragilité, vous doit inspirer une grande défiance de votre cœur. On se flatte d'ordinaire d'avoir au moins un coeur droit, et sensible à ses vrais devoirs. Mais quel devoir peut-on jamais comparer avec celui de n'être pas ingrat à l'égard de Dieu? On auroit horreur d'un homme assez dénaturé pour tomber dans l'ingratitude à l'égard d'un père, d'un bienfaiteur, ou d'un ami de qui il auroit reçu de grands services. Vous avez reçu de Dieu votre corps, votre ame, ce vous-même qui vous est si cher, avec la vie et toutes ses commodités : en un mot, vous n'avez rien que vous ne teniez de Dieu seul. Jamais obligations ne peuvent être mises en aucune comparaison avec celles dont Dieu vous a comblé. C'est pourtant lui que vous oubliez à toute heure; c'est lui à qui

vous préférez les plus méprisables amusemens; c'est lui qui vous ennuie; c'est lui qu'il vous tarde de quitter; c'est lui à qui vous tournez le dos, pour courir après des hommes que vous méprisez, et qui n'ont pour vous aucun autre mérite, que celui de vous faire perdre du temps, et de flatter un peu votre imagination.

Je gémis, dites-vous, de me trouver dans un goût si indigne. C'est ma consolation, monsieur, de ce que je vous vois gémir. Mais enfin tel est votre goût: il est aussi méprisable selon la raison, que dépravé et dangereux selon la foi. Après cette expérience continuelle de vous-même, que pouvez-vous encore espérer de votre cœur? Qu'y a-t-il de plus méprisable qu'un goût si corrompu? qu'y a-t-il de plus honteux qu'une telle légèreté? A quel point ne devez-vous pas vous défier sans cesse d'un cœur si gâté, et si insensible au vrai bien !

Vous ne pouvez vous résoudre à aimer celui qui est souverainement aimable, et qui vous a aimé dès l'éternité sans vous abandonner dans vos infidélités les plus monstrueuses. Vous ne pouvez renoncer à ce qui vous perdroit, à ce monde qui ne vous aime ni ne vous aimera jamais, à ces amusemens si indignes, que vous n'oseriez les nommer au rang des choses sérieuses. Voilà ce que vous n'avez point de honte de mettre en la place de votre Dieu et de tous ses biens éternels. Qu'y a-t-il donc de plus méprisable que votre coeur? cœur de boue, toujours appesanti vers la terre, toujours incapable de sentir les grâces de Dieu!

Vous me demandez un moyen de sortir de cette

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