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qui n'auront peut-être aucune envie d'être religieuses, et qui auront beaucoup de peine à se marier selon leur condition, sans argent comptant. Mais d'un autre côté, si la mère avoit assez de bien et de bonne volonté pour songer à pourvoir ses filles, M. le duc de Luynes (2) se marieroit bien plus avantageusement avec un si bel hôtel, dans le plus agréable quartier de Paris, quand même il n'auroit d'ailleurs qu'un bien médiocre, pourvu qu'il fût liquide, que s'il avoit un peu plus de bien sans avoir un tel avantage. J'en dis autant de la maison de Dampierre, qui est à la porte de Paris et de Versailles. De plus, vous 、 savez, par expérience, qu'on trouve bien des embarras et des longueurs dès qu'on entreprend de vendre un bien pour en acheter un autre; vous l'avez déjà fait avec de grands mécomptes. Enfin, je doute que vous puissiez faire ces deux ventes aussi avantageusement dans le temps où nous sommes, qu'après la paix. Je croirois donc que vous pourriez songer payer vos dettes autant que vous le pourriez sur vos revenus ce seroit autant de fonds mis à couvert pour messieurs vos petits-enfans. Si vous vivez, vous mettrez l'aîné au large. Il aura deux duchés, avec des maisons et des terres qui lui faciliteront un grand mariage: si au contraire vous venez à mourir sans avoir eu le temps de le mettre au large, il pourra

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Sa veuve étoit Marie-Anne-Jeanne de Courcillon, fille unique de Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, et de Françoise Morin, sa première femme. Elle avoit épousé le duc de Montfort le 18 février 1694, et mourut le 28 juin 1718.

(2) Charles - Philippe d'Albert, duc de Luynes, fils du duc et de la duchesse de Montfort, dont on vient de parler, n'avoit alors que onze

ans.

vendre dans un meilleur temps ce que vous courriez risque de vendre mal pendant ces temps difficiles. Voilà ma pensée, que je vous propose presque au hasard, ne sachant pas assez toute l'étendue de vos affaires pour me mêler de former un avis.

J'ai été ravi d'apprendre que M. le vidame est tranquille à Chaulnes, sans désirer Paris; c'est un bon commencement: soutenez-le, occupez-le, appliquez-le à ses devoirs. M. le comte d'Albert en dit des biens infinis, et paroît l'aimer tendrement; je lui en sais bon gré. Celui-ci vit céans comme nous, avec une gaîté et une complaisance charmante. Quand il auroit passé sa vie en communauté d'ecclésiastiques, sans avoir jamais vu le monde, il ne pourroit pas être plus accoutumé à nos usages. Il vient de partir pour Mons; et je crois qu'il en reviendra dans cinq ou six jours, après quoi nous vous le prêterons à Paris.

Je vous conjure, mon bon duc, de dire à la bonne duchesse qu'elle doit croître en simplicité pour la pratique à mesure que Dieu la fait croître en lumière. Il faut qu'elle travaille à laisser tomber ses réflexions, à n'écouter point son imagination vive, et á se rendre fort indulgente pour les défauts d'autrui.

Oserai-je ajouter ici mille choses pour monsieur et pour madame la vidame? Je leur suis parfaitement dévoué. Pour vous, mon bon duc, il ne me reste point de paroles.

M. l'abbé de Langeron me presse d'ajouter ici mille respects.

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Sur un projet de travail relatif à la doctrine de saint Augustin, et sur les dispositions de quelques personnes de la famille du duc.

A Cambrai, 29 décembre 1706.

JE ne saurois, mon bon duc, me souvenir de notre séjour de Chaulnes, sans en avoir le cœur bien attendri. O que je vous aime, et que je vous veux tout hors de vous-même en Dieu seul! J'ai achevé l'ouvrage sur saint Augustin; mais je le laisserai dormir dans mon porte-feuille jusqu'à ce qu'il soit temps de le publier. Plus j'examine le texte de ce père, plus il me paroît évident que ce système l'explique tout entier, et que l'autre n'est qu'un amas d'absurdités et de contradictions.

Je souhaite de tout mon cœur que M. le vidame s'affermisse dans le bien, et qu'il rompe tous les liens qu'il l'ont privé de la liberté des enfans de Dieu. J'ai été fort aise de voir combien M. le comte d'Albert l'aime et l'estime; je m'en réjouis pour tous les deux: je prends plaisir à voir que M. le comte d'Albert sait estimer et aimer ce qui mérite d'être aimé et estimé. Pour madame la vidame, je ne saurois oublier ce que j'en ai vu à Chaulnes : il m'y a paru du fonds d'esprit, de la noblesse des sentimens, de la raison, du goût, et une certaine force qui est rare dans son sexe. Je prie Dieu qu'il la subjugue, qu'il la rende

bonne, petite, docile, et souple à ses volontés: mais c'est un ouvrage que la main de l'homme ne fera point, et que celle de Dieu même ne fait qu'insensiblement. Il n'y faut toucher non plus qu'à l'arche : il suffit de lui donner bon exemple, et de lui montrer une piété simple, aimable, et sans rigueur scrupuleuse sur les minuties. Il faut qu'elle voie, dans les personnes qui doivent lui servir de modèle, une justice exacte avec une charité délicate pour le prochain, l'horreur de la critique et de la moquerie, le support des défauts du prochain, l'attention à ses bonnes qualités, le renoncement à toute hauteur et à tout artifice, la vraie noblesse, qui consiste à être sans ambition et à remplir les vraies bienséances de son état par pure fidélité, enfin le mépris de cette vie, le recueillement, le courage à porter ses croix, avec une conduite unie, commode, sociable, et gaie sans dissipation. Une personne bien née, et qui a quelque principe de religion, ne sauroit voir et entendre à toute heure et tous les jours de la vie de si bonnes choses, sans en être touchée un peu plus tôt, ou un peu plus tard. Je ne saurois rien dire ici pour notre bonne duchesse; elle est bonne, et elle a fait du progrès, car elle entend bien plus distinctement et d'une manière bien plus lumineuse pour la pratique, ce qu'elle n'entendoit qu'à demi autrefois; mais il faut qu'elle devienne encore meilleure. Qu'elle ne s'écoute point; qu'elle se défie de sa vertu haute et rigoureuse; qu'elle apprenne quelle est la vertu et l'étendue de ces paroles: Je veux la miséricorde, et non le sacrifice (a). Quand elle sera devenue pe

(a) Matth. x. 13.

tite au dedans, elle sera compatissante et condescendante au dehors; il n'y a que l'imperfection qui exige la perfection avec âpreté; plus on est parfait, plus on supporte l'imperfection de son prochain, sans la flatter. O mon bon duc, que j'aurai de joie quand je pourrai vous revoir!

66.

A LA DUCHESSE DOUAIRIÈRE DE MORTEMART.

Suivre la grâce pas à pas, et ménager la foiblesse des commençans : Proportionner les lectures à l'état intérieur de chacun. Dispositions de Fénelon à l'égard du cardinal de Noailles.

A Cambrai, 9 janvier 1707.

Nous apprenons chaque jour, ma bonne duchesse, que vous ne cessez point de souffrir. J'en ai une véritable peine, et je crains les suites de cet état de souffrance si longue. D'ailleurs, je suis ravi d'apprendre que M. le duc de Mortemart fait bien vers vous et vers le public, et que la jeune duchesse est en meilleur train. Vous ne sauriez user de trop grande patience avec elle en-deçà de la flatterie; car je suis fort tenté de croire que la vivacité de son imagination, son habitude de se livrer aux romans de son amour-propre, et la médiocrité de son fonds pour résister à toutes ces difficultés, ne la mette souvent dans une espèce d'impuissance d'aller jusqu'au but. Il me paroît bien plus important de ne rien forcer, et de n'altérer pas la confiance en vous, que de

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