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avec les principaux habitans qui étoient les plus mal convertis. Il ne put éviter d'avouer qu'il avoit promis la conférence, et qu'il se dédisoit. Jugez, Messieurs, dîmes-nous sur-le-champ, ce qu'on doit croire d'une religion dont les plus habiles pasteurs aiment mieux l'abjurer que la défendre. Chacun leva les épaules, et l'un des principaux dit en sortant : Pour moi, j'ai soutenu mes sentimens tant que j'ai pu; mais je vais songer sérieusement à ma conscience. Cette promesse n'aura peut-être pas de suites assez promptes et assez solides; mais enfin, voilà l'impression des peuples: ils sentent le foible de leur religion, et la force accablante de la catholique. Je ne doute point qu'on ne voie à Pâque un grand nombre de communions, peut-être même trop. Ces fondemens posés, c'est aux ouvriers fixes à élever l'édifice, et à cultiver cette disposition des esprits. Il ne faut que des prédicateurs qui expliquent tous les dimanches le texte de l'Évangile avec une autorité douce et insinuante. Les Jésuites commencent bien; mais le plus grand besoin est d'avoir des curés édifians qui sachent instruire. Les peuples nourris dans l'hérésie ne se gagnent que par la parole. Un curé qui saura expliquer l'Évangile affectueusement, et entrer dans la confiance des familles, fera toujours ce qu'il voudra. Sans cela l'autorité pastorale, qui est la plus naturelle et la plus efficace, demeurera toujours avilie avec scandale. Les peuples nous disent : Vous n'êtes ici qu'en passant; c'est ce qui les empêche de s'attacher entièrement à nous. La religion, avec le pasteur qui l'enseignera, prendra insensiblement racine dans les coeurs. Les ministres n'ont été si

puissans, que par la parole, et par leur adresse à entrer dans le secret des familles. N'y aura-t-il point des prêtres qui fassent pour la vérité ce que ces malheureux ont fait efficacement pour l'erreur? M. de Saintes est bien à plaindre, dans ses bonnes intentions, d'avoir un grand diocèse où le commerce et l'hérésie font que peu de gens se destinent à être prêtres. Si on n'établit pas au plus tôt de bonnes écoles pour les deux sexes, on sera toujours à recommencer. Il faut même une autorité qui ne se relâche jamais, pour assujétir toutes les familles à y envoyer leurs enfans. Il faudroit aussi, monsieur, répandre des Nouveaux-Testamens avec profusion : mais le caractère gros est nécessaire; ils ne sauroient lire dans les menus. Il ne faut pas espérer qu'ils achètent des livres catholiques; c'est beaucoup qu'ils lisent ceux qui ne coûtent rien : le plus grand nombre ne peut même en acheter. Si on leur ôte leurs livres sans leur en donner, ils diront que les ministres leur avoient bien dit que nous ne voulions pas laisser lire la Bible, de peur qu'on ne vît la condamnation de nos superstitions et de nos idolâtries, et ils seront au désespoir. Enfin, monsieur, si on joint toujours exactement à ces secours la vigilance des gardes pour empêcher les désertions, et la rigueur des peines contre les déserteurs, il ne restera plus que de faire trouver aux peuples autant de douceur à demeurer dans le royaume, que de péril à entreprendre d'en sortir. C'est, monsieur, ce que vous avez commencé, et que je prie Dieu que vous puissiez achever selon toute l'étendue de votre zèle. Les Jésuites sont maintenant à Marennes en assez grand

nombre pour instruire de suite tous les dimanches les principaux lieux de cette côte. Ainsi il ne nous reste qu'à leur préparer les voies en chaque lieu. Nous avons accoutumé les peuples à entendre les vérités qui les condamnent le plus fortement, sans être irrités contre nous. Au contraire, ils nous aiment, et nous regrettent quand nous les quittons. S'ils ne sont pas pleinement convertis, du moins ils sont accablés, et en défiance de toutes leurs anciennes opinions. Il faut que le temps et la confiance en ceux qui les instruiront de suite, fasse le reste. Je ne prends, monsieur, la liberté de vous représenter tout cela, qu'afin de recevoir vos ordres sur notre séjour en ce pays, et de les exécuter avec une parfaite soumission.

J'ai eu sept ou huit longues conversations avec M. de Sainte-Hermine, à Rochefort, où j'ai été le chercher. Il entend bien ce qu'on lui dit, il n'a rien à y répondre; mais il ne prend aucun parti. M. l'abbé de Langeron et moi, nous avons fait devant lui des conférences assez fortes l'un contre l'autre. Je faisois le protestant, et je disois tout ce que les ministres peuvent dire de plus spécieux. M. de SainteHermine sentoit fort bien la foiblesse de mes raisons, quelque tour que je leur donnasse: celles de M. l'abbé de Langeron lui paroissoient décisives, et quelquefois il répondoit de lui-même ce qu'il falloit répondre contre moi. Après cela, j'attendois qu'il seroit ébranlé; mais rien ne s'est remué en lui, du moins au dehors. Je ne sais s'il ne tient point à sa religion par quelque raison secrète de famille. Je serois retourné encore à Rochefort pour lui parler encore

selon vos ordres, si M. Arnoul ne m'avoit mandé qu'il est allé en Poitou. Dès qu'il en sera revenu, j'irai à Rochefort, et je vous rendrai compte, monsieur, de ce que j'aurai fait.

Je suis, avec toute la reconnoissance et tout le respect possible, etc.

Quittance donnée par

Fenelon d'une somme de 3000 livres, reçue du Gouvernement pour les frais de la mission de la Rochelle et autres lieux circonvoisins (1).

En présence des Conseillers du Roy, Notaires à Paris, soussignés, Messire François de Salagnac de la Mothe Fenelon, Doyen de Carenac, prêtre, demeurant à Paris, rue du Petit-Bourbon, paroisse de Saint-Sulpice, a confessé avoir eu et receu comptant en louis d'or, argent, et monnoye, de Mre Louis de Lubert, Conseiller du Roy, Trésorier-général de la Marine, la somme de trois mil livres, ordonnée estre payée au dit sieur de Fenelon, pour subvenir aux despences qu'il est obligé de faire tant pour luy que pour les autres Missionnaires envoyés à la Rochelle et lieux circonvoisins, pour l'instruction des nouveaux convertis; de la quelle somme de trois mil livres, le dit sieur de Fenelon se contente, en quitte le dit sieur de Lubert Trésorier et tous autres. Faict et passé à Paris, en la maison du dict sieur de Fenelon devant désignée, l'an mil six cens quatrevingt sept, le quatorzième Avril, et a signé.

FR. DE FENELON.

DE TROYES.

FANG.

(1) Nous avons cru qu'on verroit ici avec plaisir cette pièce relative aux missions données par Fénelon, et dont l'original a été envoyé depuis peu de la Cour des Comptes à la Bibliothèque du Roi,

4.

AU DUC DE CHEVREUSE.

Se tenir uni à Dieu parmi les mouvemens et les embarras extérieurs: la prière continuelle est alors notre seule ressource. Espérances de Fénelon pour la duchesse de Chevreuse.

28 mai 1687.

Je suis très-aise, mon cher seigneur, d'apprendre que l'agitation du voyage ait laissé madame la duchesse dans la même situation. Il y a toujours à craindre que ces grands mouvemens ne nous dérangent un peu. Mais, dans le fond, quand on se tient attaché à Jésus-Christ par la prière et par la fréquentation de ses mystères, l'agitation ne sert souvent qu'à nous affermir. Cet arbre dont parle David, qui est planté le long des eaux, et qui est profondément enraciné, selon les termes de l'Apôtre, dans l'humilité et dans la charité, n'est pas ébranlé par les vents qui arrachent les plantes sans racine. Cet arbre est même plus affermi à mesure qu'il paroît plus agité. Les occasions de vanité, de dissipation, d'ambition, de jalousie, sont pour ces ames des occasions d'un nouveau mérite. Mais je conviens avec vous, mon cher seigneur, qu'on a besoin, dans ces rencontres, de s'observer avec grand soin, et de se tenir fortement attaché à Dieu. Pour peu que Dieu se détourne de nous pour punir notre négligence ou nos infidélités, nous nous trouvons bientôt dans l'état où étoit David CORRESP. I.

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