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contre moi se rompe et s'entredéchire. D'ailleurs, je m'imagine qu'il y a quelque ami secret qui lui brouille la tête, et qui défait ce que ses autres amis font contre le jansénisme. On ne sauroit trop éviter de montrer ni moi ni mon ombre dans toutes ces affaires.

Pour les médailles frappées en Hollande contre moi pour Jansenius, montrez-les à M. Tronson, et il les montrera à M. de Chartres, s'il le juge à propos. Il est assez sage, et connoît le prélat. Si on trouvoit moyen de déterminer le Roi et madame de M. pour donner bien à propos des marques de leur opposition au parti, cela intéresseroit Rome et le public. Si on voyoit ensuite l'assemblée du clergé arrêtée sur tout ce qui n'est pas le don gratuit et les comptes, le parti seroit rabaissé; sinon ils abattront les Jésuites, et puis rien ne pourra leur résister. Dieu surtout. Je suis affligé de l'état de votre santé, et du voyage qu'elle vous fera peut-être faire à Bourbon.

de Chartres, que Mme de Maintenon avoit constamment protégés dans l'affaire du livre des Maximes.

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Quelques avis sur le temps et la manière de faire l'oraison et les autres exercices de piété, et sur le choix d'une personne à qui le duc puisse ouvrir son cœur.

27 janvier 1700.

VOTRE lettre, mon bon duc, m'a fait un plaisir que nul terme ne peut exprimer, et ce plaisir m'a fait voir à quel point je vous aime. Il me semble que vous entrez, du moins par conviction, précisément dans ce que Dieu demande de vous, et faute. de quoi votre travail seroit inutile. Comme vous y entrez, je n'ai rien à répéter du contenu de ma première lettre. Je prie Dieu que vous y entriez moins. par réflexion et par raison propre, que par simplicité, petitesse, docilité, et désappropriation de votre lumière. Si vous y entrez, non en vous rendant ces choses propres, et en les possédant, mais en vous laissant posséder tout entier par elles, vous verrez le changement qu'elles feront sur le fond de votre naturel, et sur toutes les habitudes. Croyez, et vous recevrez selon la mesure de votre foi.

Pour l'oraison, je crois que vous la devez faire sur un livre, que vous laisserez à chaque moment

(1) Inédite, à l'exception d'une dixaine de lignes, qu'on a jointes à la fin de la Lettre CLV, dans les Œuvres Spirituelles, édition de 1723: c'est la Lettre 22, ci-dessus pag. 84.

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que Dieu vous occupera seul. Pour le choix du livre, j'ai compté que vous prendriez un de ceux que vous m'avez nommés, comme étant pleins d'onction et de nourriture pour votre cœur. Parmi ceux de ce genre, prenez, sans vous gêner, ceux qui vous porteront le plus à une simple présence de Dieu, qui fasse cesser l'activité de votre esprit. Vous pouvez même prendre dans chaque livre les endroits qui seront nourrissans pour vous, et laisser librement les autres.

Pour le temps de votre oraison, je voudrois le partager, s'il se pouvoit, en diverses heures de la journée, une partie le matin et une autre vers le soir; le matin, on n'est levé que quand on veut bien l'être on peut par là sauver du temps. Le soir, on peut, sous prétexte des affaires, sauver une demiheure dans son cabinet, donner à l'oraison ce que vous donneriez à la curiosité des sciences : ce sera un double profit pour mourir à vos goûts d'esprit, et pour vivre de Dieu. Les voyages que vous faites fréquemment sont encore très-commodes; faites oraison en carrosse. Les séjours de Marli sont aussi des temps de retraite et de liberté. Je ne vous propose point une durée précise de vos oraisons, parce que je voudrois les mesurer ou sur l'attrait, ou sur le besoin. Si l'attrait vous y attache long-temps, je voudrois faire durer cette occupation autant que votre santé et vos devoirs extérieurs le pourroient permettre. Si l'attrait se fait moins sentir, mais que l'expérience vous fasse trouver que ce n'est que par une certaine persévérance dans l'oraison que vous laissez tomber ce qui vous dissipe, et que vous

faites taire votre esprit; je voudrois encore, en ce cas, donner patiemment à l'oraison le temps d'opérer chaque fois en vous ce silence profond des pensées qui vous est si nécessaire. Ainsi je ne saurois vous donner une règle fixe; mais Dieu vous la fera trouver. Faites là-dessus ce qu'on fait en prenant des eaux; commencez par quelque chose de médioet accoutumez-vous peu à peu à augmenter la mesure. Ensuite vous me ferez savoir quelles seront là-dessus vos expériences.

cre,

Pour vos communions, j'approuve fort que vous les fassiez deux ou trois fois la semaine; mais je voudrois que vous suivissiez plus à cet égard la règle intérieure du besoin ou de l'attrait, que l'extérieur de certains jours. Je voudrois que vous variassiez un peu les lieux de vos communions, pour ne faire de peine à personne; mais sans gêne politique, chose qui seroit pernicieuse pour vous.

Pour vos confessions, vous avez raison de ne les faire point souvent, ni à certains jours réglés. Il suffit de les faire quand le besoin en est un peu marqué cela n'ira point trop loin. Vous aviez un confesseur qui n'étoit pas gênant là-dessus : si vous avez le même, vous pouvez agir librement.

Le chapitre le plus difficile à traiter est le choix d'une personne à qui vous puissiez ouvrir votre cœur. M..... ne vous convient pas; le bon..... (1) n'est pas en état de vous élargir, étant lui-même trop étroit.

(1) Nous croyons qu'il s'agit ici du duc de Beauvilliers, souvent appelé le bon, ou le bon duc, dans la correspondance de Fénelon, et qui, malgré ses excellentes qualités, étoit d'un caractère naturellement froid et réservé.

Je ne vois que N....; elle a ses défauts, mais vous pouvez les lui dire, sans vouloir décider. Les avis qu'on donne ne blessent d'ordinaire qu'à cause qu'on les donne comme certainement vrais. Il ne faut ni juger, ni vouloir être cru. Il faut dire ce qu'on pense, non avec autorité, et comptant qu'une personne aura tort si elle ne se laisse corriger, mais simplement pour décharger son cœur, pour n'user point d'une réserve contraire à la simplicité, pour ne manquer pas à une personne qu'on aime, mais sans préférer nos lumières aux siennes, comptant qu'on peut facilement se tromper, et se scandaliser mal à propos; enfin étant aussi content de n'être pas cru, si on dit mal, que d'être cru si on dit bien. Quand on donne des avis avec ces dispositions, on les donne doucement, et on les fait aimer. S'ils sont vrais, ils entrent peu à peu dans le cœur de la personne qui en a besoin, et y portent la grâce avec eux; s'ils ne sont pas vrais, on se désabuse avec plaisir soi-même, et on reconnoît qu'on avoit pris, en tout ou en partie, certaines choses extérieures autrement qu'elles ne doivent être prises. La bonne..... (2) est vive, brusque et libre; mais elle est bonne, droite, simple, et ferme contre elle-même, dans l'étendue de ce qu'elle connoît. Je vois même qu'elle s'est beaucoup modérée depuis deux ans; elle n'est point parfaite, mais personne ne l'est. Attendezvous que Dieu vous envoie un ange? A tout prendre, elle est, si je ne me trompe, sans comparaison, ce que

(2) La personne que Fénelon a ici en vue est probablement la duchesse de Beauvilliers, qu'il désigne ordinairement sous le nom de bonne, ou bonne petite duchesse.

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