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vivoit pourtant aux yeux de Dieu : et nous retrouverons là, non pas ces histoires périssables, où nos vaines actions devoient être transmises à la postérité; non pas ces récits flatteurs de nos exploits militaires, de ces événemens brillans qui avoient rempli tant de volumes, et épuisé tant de louanges; non pas ces mémoires publics où étoit marquée l'élévation de notre naissance, l'antiquité de notre origine, la gloire de nos ancêtres, les dignités qui les ont illustrés, l'éclat que nous avons ajouté à leur nom, et toute l'histoire pour ainsi dire, des illusions et des erreurs humaines; cette immortalité tant vantée qu'elle nous promettoit, sera ensevelie dans les ruines et les débris de l'univers; mais nous y verrous l'histoire, la plus affreuse et la plus exacte de notre cœur, de notre esprit, de notre imagination, c'est-à-dire, cette partie intérieure et invisible de notre vie, aussi inconnue à nous-mêmes qu'au reste des hommes.

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Outre l'histoire extérieure de nos mœurs, qui sera toute rappelée, ce qui nous surprendra le plus, ce sera l'histoire secrète de notre cœur, qui se dépliera alors tout entière à nos yeux de ce cœur que nous n'avions jamais sondé, jamais connu; de ce cœur qui se déroboit sans cesse à nous-mêmes, et qui nous déguisoit la honte de ses passions sous des noms spécieux; de ce cœur dont nous avons tant vanté l'élévation, la droiture, la magnanimité, le désintéressement, la bonté; que l'erreur publique et l'adulation

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avoient regardé comme tel, et qui nous avoit fait placer au-dessus des autres hommes. Tant de desirs honteux et qui à peine étoient formés, que nous tàchions de nous les cacher à nous-mêmes; tant de projets ridicules de fortune et d'élévation, douces erreurs, où notre coeur séduit se livroit sans cesse; taut de jalousies basses et secrètes que nous nous dissimulions par fierté, et qui cependant étoient le principe invisible de toute notre conduite; tant de dispositions criminelles, qui nous avoient porté mille fois à souhaiter que les plaisirs des sens pussent être ou éternels ou impunis; tant de haines et d'animosités, qui nous avoient corrompu le cœur à notre insu; tant d'intentions souillées et vicieuses, sur lesquelles nous étions si habiles à nous flatter; tant de projets de crimes auxquels l'occasion seule avoit manqué, et que nous n'avions comptés pour rien, parce qu'ils n'étoient pas sortis de notre cœur; en un mot cette vicissitude de passions qui s'étoient toujours succédées les unes aux autres au dedans de nous : voilà ce qu'on étalera à nos yeux. On nous montrera nous-mêmes à nousmêmes on nous fera rentrer dans notre cœur, où nous n'avions jamais habité une lumière soudaine éclairera cet abîme: ce mystère d'iniquité sera révélé; et nous verrons que ce que nous connoissions le moins de nous, c'étoit nous

mêmes.

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Le monde est un grand théatre, où chacun presque joue un personnage emprunté. Comme nous sommes pleins de passions, et que toutes les passions ont toujours quelque chose de bas et de méprisable, toute notre attention est d'en cacher la bassesse, et de nous donner pour ce que nous ne sommes pas; l'iniquité est toujours trompeuse et dissimulée. Ainsi toute votre vie n'avoit été qu'une suite de déguisemens et d'artifices; vos amis mêmes les plus sincères et les plus familiers ne vous connoissoient qu'à demi : vous échappiez à tout le monde ; vous changiez de caractère, de sentiment, d'inclination selon les conjonctures, et le caractère de ceux à qui vous vouliez plaire: par-là vous vous étiez fait une réputation d'habileté et de sagesse; et on n'y verra qu'une ame vile, sans droiture, sans vérité, et dont la plus grande vertu avoit été de cacher son indignité et sa bassesse.

Vous passiez pour ami fidèle, sincère, généreux : on verra que vous étiez làche, perfide, intéressé, sans foi, sans honneur, sans probité, sans conscience, sans caractère. Vous vous étiez donné pour une ame forte, et au-dessus des foiblesses vulgaires; et vous allez exposer les bassesses les plus humiliantes, et des endroits dont l'ame la plus vile mourroit de houte. On vous regardoit dans le monde comme un homme intègre, et d'une probité à l'épreuve dans l'administration

de votre charge; cette réputation vous avoit peutêtre attiré de nouveaux honneurs et la confiance publique : vous abusiez cependant de la crédulité des hommes; ces dehors pompeux d'équité ca— choient une ame inique et rampante, et des vues de fortune et d'intérêt avoient mille fois trahi en secret votre fidélité et corrompu votre innocence. Vous paroissiez orné de sainteté et de justice : vous vous étiez toujours revêtu de la ressem— blance des justes on vous croyoit l'ami de Dieu et l'observateur fidèle de sa loi; et cependant votre cœur n'étoit pas droit devant le Seigneur : vous couvriez sous le voile de la religion une conscience souillée, et des mystères d'ignominie: Vous marchiez sur les choses saintes pour arriver plus sûrement à vos fins. Ah! vous allez donc en ce jour de révélation détromper tout l'univers : ceux qui vous avoient vu sur la terre, surpris de votre nouvelle destinée, chercheront l'homme de bien dans le réprouvé : l'espérance de l'hypocrite sera alors confondue : vous aviez joui injustement de l'estime des hommes; vous serez connu, et Dieu sera vengé.

Mais après vous avoir montré la confusion publique dont sera couvert le pécheur; que ne puisje vous exposer ici quelle sera la gloire et la consolation du véritable juste, lorsqu'on étalera aux yeux de l'univers les secrets de sa conscience et tout le mystère de son coeur; de ce cœur dont

toute

de

toute la beauté, cachée aux yeux des hommes, n'étoit connue que de Dieu seul; de ce cœur ra où il avoit toujours cru voir des taches et des souillures, et dont son humilité lui avoit dérobé toute la sainteté et l'innocence; de ce coeur, où Dieu seul avoit toujours fait sa demeure, et qu'il avoit pris plaisir d'orner et d'enrichir de ses dons et de ses graces! que de nouvelles merveilles va offrir aux yeux des spectateurs ce sanctuaire divin, jusque-là si impénétrable, lorsque le voile en sera ôté ! que de fervens desirs! que de victoires secrètes! que de sacrifices héroïques! que de prières pures! que de tendres gémissemens! que de transports amoureux! que de foi! que grandeur! que de magnanimité! que d'élévation au-dessus de tous ces vains objets qui forment tous les desirs et toutes les espérances des hommes! On verra alors que rien n'étoit plus grand et plus digne d'admiration dans le monde qu'un véritable juste, que ces ames qu'on régardoit comme inutiles, parce qu'elles l'étoient à nos passions, et dont on méprisoit tant la vie obscure et retirée. On verra que ce qui se passoit dans le cœur d'une ame fidèle avoit plus d'éclat et de grandeur que tous ces grands événemens qui se passent sur la terre, méritoit seul d'être écrit dans les livres éternels, et offroit aux yeux de Dieu un spectacle plus digne des anges et des hommes, que les victoires et les conquêtes qui remplissent ici-bas la vanité des histoires, auxquelles on élève des monumens pompeux pour en éterniser le sou

Tome XII. MORCEAUX CHOISIS.

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