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C'est que dans les occasions d'éclat, l'homme est comme sur le théatre; il représente mais dans le cours ordinaire des actions de la vie, il est, pour ainsi dire, rendu à lui-même; c'est lui qu'on voit; il quitte le personnage, et ne montre plus que sa personne.

Aussi lorsque l'auteur sacré loue ces hommes illustres qui ont été riches en vertu, et qui se sont acquis parmi leur peuple une gloire qui passera d'àge en âge, il comprend tout leur éloge dans ces deux traits: Ils ont maintenu et embelli au dehors l'ordre et la beauté de la société, par la douceur de toutes les vertus civiles: Pulchri tudinis studium habentes; et ils ont été au dedans comme les génies pacifiques et tutélaires de leurs propres maisons: Pacificantes in domibus

suis.

Oui, Messieurs, que le prince de Conti ait été un grand homme de guerre, c'est une gloire qu'il a partagée avec tant d'hommes fameux que la France a eus dans tous les siècles.

Mais une louange qui lui est propre, c'est que la vie paisible et privée, l'écueil des réputations les plus brillantes, a laissé voir en lui encore plus de vertus estimables : c'est qu'en le voyant tous les jours, nous l'avons toujours vu plus grand.

Quels égards pour la princesse son épouse, dont la conduite et les vertus ont toujours honoré le rang! Les plus petites attentions, qui sembloient

devoir échapper à la supériorité de son génie, n'échappoient pas à la bonté de son cœur. Quel e tendresse pour les princes ses enfans! Formant lui-même dans leur coeur ces premiers sentimens d'honneur et d'élévation si dignes de leur naissance; devenant, pour ainsi dire, enfant avec eux, pour leur apprendre à devenir un jour sages, grands, équitables, humains, modérés ; en un mot, tout ce qu'il étoit lui-même. Vivant comme un homme privé au milieu de son auguste famille; respectant les liens de la religion et de la nature, les doux titres de père et de mari; et ne connoissant pas cet usage insensé, qui fait que la plupart des grands semblent être nés seuls sur la terre, croient que tout ce qui renverse la première institution de la nature est un privilége de la grandeur, et regardent tout ce qui lie comme un joug qui les déshonore.

ORAIS. FUNÈB. DU PRINCE DE CONTI.

RELIGION MILITAIRE.

POURQUOI croyez-vous que les nations les plus barbares aient toutes eu une espèce de religion militaire, et que le culte se soit toujours trouvé mêlé parmi les armes ? Pourquoi croyez-vous que les Romains fussent si jaloux de mettre leurs aigles et leurs dieux à la tête de leurs légions et que les autres peuples affectassent de prendre ce qu'il y avoit de plus sacré dans leurs super

stitions, et en traçassent les figures et les symboles sur leurs étendards; sinon pour empêcher que le tumulte et l'agitation des guerres ne fit oublier ce qu'on doit aux dieux qui y président, et afin qu'à force de les avoir sans ces se devant les yeux, on fût comme dans une heureuse impuissance de les perdre de vue? Pourquoi croyez-vous que les Israélites dans leurs marches et dans leurs combats, fussent toujours précédés du serpent d'airain; que Constantin, devenu la conquête de la croix, fit élever ce signal de toutes les nations au milieu des armées; que nos rois, dans leurs entreprises contre les infidèles, allassent recevoir l'étendard sacré aux pieds des autels; et qu'enfin encore aujourd'hui l'Eglise consacre par des prières de paix et de charité ces signes déplorables de la guerre et de la dissension; sinon pour vous faire souvenir que la guerre même est une manière de culte religieux; que c'est le Dieu des armées qui préside aux victoires et aux batailles ; que les conquérans ne sont bien souvent entre ses mains que des instrumens de colère dont il se sert pour chàtier les péchés des peuples; qu'il n'est point de véritable valeur que celle qui prend sa source dans la religion et dans la piété ; et qu'après tout, les guerres et les révolutions des états ne sont que des jeux aux yeux de Dieu, et un changement de scène dans l'univers; que lui seul ne change point, et seul a de quoi fixer les agitations et les desirs insatiables du coeur humain?

BÉNÉDIC. DES drap. DU RÉG. DE CATINAT.

SUR LA PROFESSION MILITAIRE.

QUE

UE votre sort est à plaindre, Messieurs! La voie des armes, où les engagemens de la naissance et le service du prince vous appellent, est, à la vérité, brillante aux yeux des sens; c'est le seul chemin de la gloire, c'est le seul poste digne d'un homme qui porte un nom : mais en matière de salut, de toutes les voies, c'est la plus terrible. Voilà les périls; voici les moyens de les éviter.

Car enfin le bras de Dieu n'est pas raccourci; le salut n'est nulle part impossible; le torrent n'entraîne que ceux qui veulent bien s'y prêter; le Seigneur a ses élus partout; et les mêmes dangers qui sont des écueils pour les réprouvés, deviennent des occasions de mérite aux justes. Et, pour entrer ici dans un détail qui vous le fasse sentir, quels sont, dites-moi, dans votre état, les écueils que la grace ne puisse vous faire éviter? quels sont les maux qui n'aient en même temps leurs remèdes?

Je sais que l'ambition est comme inévitable à un homme de guerre; que l'Evangile, qui fait un vice de cette passion, ne sauroit prévaloir contre l'usage qui l'a érigée en vertu; et qu'en fait de mérite militaire, qui ne sent pas ces nobles mouvemens qui nous font aspirer anx grands postes, ne sent pas aussi ceux qui nous font oser de grandes actions. Mais, outre que le desir de

voir vos services récompensés, s'il est modéré, si seul il n'absorbe pas le cœur tout entier, s'il ne vous porte pas à vous frayer des routes d'iniquité pour parvenir à vos fins et établir votre fortune sur les ruines de celle d'autrui; outre, dis-je, que ce desir, environné de toutes ses précautions, n'a rien dont la morale chrétienne puisse être blessée; qu'a-t-il, en vous offrant les espérances humaines, de si séduisant qu'il puisse l'emporter sur l'espoir des chrétiens et les promesses de la foi? Des postes, des honneurs, des distinctions, un nom dans l'univers ? Mais quelle foule de concurrens faut-il percer pour en venir là ! Que de circonstances faut-il assortir, qui ne se trouvent presque jamais ensemble ! et d'ailleurs est-ce le mérite qui décide toujours de la fortune? Le prince est éclairé, je le sais; mais peut-il tout voir de ses yeux ? combien de vertus obscures et négligées! combien de services oubliés ou dissimulés ! et, d'antre part, combien de favoris de la fortune, sortis tout à coup du néant, vont de plein-pied saisir les premiers postes ! Et de là quelle source de désagrémens et de dégoûts! On se voit passer sur le corps par des subalternes, gens qu'on a vus naître dans le service, et qui n'en savent pas encore assez, même pour obéir, tandis qu'on se sent soi-même sur le penchant de l'âge, et qu'on ne rapporte de ses longs services qu'un corps usé, des affaires domestiques désespérées, et la gloire d'avoir toujours fait la guerre à ses frais. Eh! qu'entend-on autre chose

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