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PORTRAITS DU DUC DE MONTAUSIER

ET DE BOSSUET.

L'UN, d'une vertu haute et austère ; d'une

probité au-dessus de nos mœurs; d'une vérité à l'épreuve de la cour; philosophe sans ostentation; chrétien sans foiblesse; courtisan sans passions; l'arbitre du bon goût et de la rigidité des bienséances; l'ennemi du faux; l'ennemi du faux; l'ami et le protecteur du mérite; le zélateur de la gloire de la nation; le censeur de la licence publique; enfin, un de ces hommes qui semblent être comme les restes des anciennes mœurs, et qui seuls ne sont pas de notre siècle.

L'autre, d'un génie vaste et heureux; d'une candeur qui caractérise toujours les grandes ames et les esprits du premier ordre; l'ornement de l'épiscopat, et dont le clergé de France se fera honneur dans tous les siècles; un évêque au milieu de la cour; l'homme de tous les talens et de toutes les sciences; le docteur de toutes les Eglises; la terreur de toutes les sectes; le Père du dix-septième siècle, et à qui il n'a manqué que d'être né dans les premiers temps, pour avoir été la lumière des conciles, l'ame des Pères assemblés, dicté des canons, et présidé à Nicée et à Ephèse.

Deux hommes uniques chacun dans leur ca

ractère,

ractère, et qu'on auroit cru ne pouvoir plus être remplacés après leur mort, si ceux qui leur ont succédé dans l'éducation du prince qui doit régner ne nous avoient appris que la France ne fait guère de pertes irréparables.

ORAISON FUN. DU DAUPHIN,

PORTRAIT DE GUILLAUME,

PRINCE D'ORANGE.

Le roi, au milieu de ses succès, avoit préféré le bonheur des peuples à des victoires, qui sont toujours le prix du sang et le péril des ames, quand du fond de la Hollande sort un nouveau yase de la colère du Seigneur destiné de Dicu pour détrôner les plus saints rois, et être l'instrument de ses vengeances sur les royaumes et sur les peuples: un prince profond dans ses vues; habile à former des ligues et à réunir les esprits; plus heureux à exciter des guerres qu'à combattre; plus à craindre encore dans le secret du cabinet qu'à la tête des armées : un ennemi que la haine du nom françois avoit rendu capable d'imaginer de grandes choses et de les exécuter; un de ces génies qui semblent être nés pour mouvoir à leur gré les peuples et les souverains; un grand homme s'il n'avoit jamais voulu être roi.

ORAIS. FUN. DU DAUPHIN.

Tome XII. MORCEAUX CHOISIS.

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PORTRAIT D'ABEILARD.

CET homme enflé d'une vaine science, et pourvu de ces talens naturels propres à séduire les esprits et à donner au mensonge tout l'air de la vérité; éloquent, poli, artificieux dans ses discours, vain de mille connoissances singulières, avoit entrepris de rendre les mystères de la foi palpables à la raison humaine; et au lieu de cette lampe qui luit dans un lieu ténébreux, y introduire une lumière qui ne paroîtra que lorsque nous serons transformés de clarté en clarté. Déjà les fidèles, attirés par les charmes de son éloquence et par l'ascendant de la nouveauté, toujours inévitable en matière de religion sur l'esprit des peuples, commençoient à franchir les bornes saintes que nos anciens avoient si sagement posées. Ce mystère d'iniquité n'opéroit presque plus en secret; et Abeilard, fier de son succès, défioit hautement le peuple de Dieu, comme ce géant des Philistins, de lui opposer un ennemi digne de lui: mais l'insolence de cet hérésiarque préparoit à Bernard une nouvelle gloire. Tous deux se rendent au concile de Sens: et là, devant les pontifes du Seigneur, la science qui enfle cède à la simplicité qui édifie; les paroles artificieuses de la sagesse humaine, à la vertu de la croix et de l'esprit; et le philosophe le plus orgueilleux de

son temps, à un scribe instruit dans le royaume

des cieux.

PANÉG. DE SAINT BERNARD.

PORTRAIT D'UN MAGISTRAT.

EXPOSONS tout-à-coup ce grand homme à la tête de la province, veillant aux intérêts et à la gloire du prince; présidant à la fortune et au repos des peuples, toujours occupé, et toujours au-dessus de ses occupations; se faisant un vrai soulagement de son devoir, et se faisant un devoir du soulagement de son peuple; si pénétrant, qu'il ne fui falloit pour décider que le temps qu'il faut pour entendre; si éclairé, que ses décisions paroissoient toujours dictées par la sagesse même; sûr de l'avenir, attentif au présent, habile à prendre des mesures sur le passé; d'un esprit vif, facile, insinuant; d'un jugement vaste, élevé, fécond ༡ d'un cœur droit, noble, bienfaisant ; toujours audessus de ses dignités et de sa grandeur, toujours à portée de la misère et de l'infortune; ami sincère, maître généreux, père commun.

Je ne vous dirai pas ici qu'il avoit reçu du ciel un de ces génies heureux, qui trouvent dans leur propre fonds, ce que l'étude et l'expérience ne sauroient guère remplacer quand on ne l'a pas'; qu'il étoit né instruit sur l'art périlleux de

gouverner les peuples; que de tous les mystères de la sagesse des hommes, il n'ignora que ceux qu'il n'eût pas voulu suivre; et que, comme cet habile conducteur du peuple juif, il sut dès sa jeunesse tous les secrets de la science des Egyptiens. Je n'ajouterai pas que les affaires n'eurent jamais rien d'obscur qu'il n'éclaircit, rien de douteux qu'il ne décidât, rien de difficile qu'il n'aplanit, rien de délicat qu'il ne ménageât, rien de périlleux qu'il ne franchît, rien de pénible qu'il ne dévorât; que les plus vastes l'étoient moins que son esprit ; et que partagé entre mille soins, il fut toujours tout entier à chacun.

ORAISON FUNÈB. DE M. DE VILLEROY.

VIE PRIVÉE D'UN GRAND HOMME.

Les grands hommes, qui ne doivent ce titre qu'à certaines actions d'éclat, n'ont quelquefois de grand que le spectacle.

Dans ces occasions rares les yeux du public et la gloire du succès prêtent à l'ame une force et une grandeur étrangères; l'orgueil emprunte les sentimens de la vertu ; l'homme se surmoute, et ne se montre pas tel qu'il est.

Combien de conquérans fameux dans l'histoire, à la tête des armées, ou dans un jour d'action, paroissent au-dessus des héros ; et dans le détail des mœurs et de la société, à peine étoientils des hommes.

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