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rer leurs besoins, ou d'être insensibles à leurs peines?

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Le Seigneur n'exige pas de vous une partie de vos fonds et de vos héritages, quoiqu'ils lui appartiennent tout entiers, et qu'il ait droit de vous en dépouiller il vous laisse tranquilles possesseurs de ces terres, de ces palais, qui vous distinguent dans votre peuple, et dont la piété de vos ancêtres enrichissoit autrefois nos temples: il ne vous ordonne pas, comme à ce jeune homme de l'Evangile, de renoncer à tout, de distribuer tout votre bien aux pauvres, et de le suivre : il ne vous fait pas une loi, comme autrefois aux premiers fidèles, de venir porter tous vos trésors aux pieds de vos pasteurs il ne vous frappe pas d'anathème, comme il frappa Ananie et Saphire, pour avoir osé seulement retenir une portion d'un bien qu'ils avoient reçu de leurs pères, vous qui ne devez peut-être qu'aux malheurs publics, et à des gains odieux ou suspects, l'accroissement de votre fortune: il consent que vous appeliez les terres de vos noms, comme dit le prophète, et que vous transmettiez à vos enfans. les possessions qui vous sont venues de vos ancêtres : il veut seulement que vous en retranchiez une légère portion pour les infortunés qu'il laisse dans l'indigence: il veut que tandis que vous portez sur l'indécence et le faste de vos parures, la nourriture d'un peuple entier de malheureux,

misère :

Vous ayez de quoi couvrir la nudité de ses serviteurs qui n'ont pas où reposer leur tête : il veut que de ces tables voluptueuses, où vos grands biens peuvent à peine suffire à votre sensualité et aux profusions d'une délicatesse insensée, vous laissiez du moins tomber quelques miettes pour soulager des Lazares pressés de la faim et de la il veut que tandis qu'on verra sur les murs de vos palais des peintures d'un prix bizarre et excessif, votre revenu puisse suffire pour honorer les images vivantes de votre Dieu il veut enfin que, tandis que vous n'épargnerez rien pour satisfaire la fureur d'un jeu outré, et que tout ira fondre dans ce gouffre, vous ne veniez pas supputer votre dépense, mesurer vos forces, nous alléguer la médiocrité de votre fortune, et l'embarras de vos affaires, quand il s'agira de consoler l'affliction d'un chrétien.

Les aumônes qui ont presque toujours coulé en secret, arrivent bien plus pures dans le sein de Dieu même, que celles qui, exposées même malgré nous aux yeux des hommes, ont été comme grossies et troublées sur leur course par les complaisances inévitables de l'amour-propre, et par les louanges des spectateurs : semblables à ces fleuves qui ont presque toujours coulé sous la terre, et qui portent dans le sein de la mer des eaux vives et pures, au lieu que ceux qui ont traversé à découvert les plaines et les campagnes,

n'y portent d'ordinaire que des eaux bourbeuses, et traînent toujours après eux les débris, les cadavres, le limon qu'ils ont amassé sur leur route.

On accompagne souvent la miséricorde de tant de dureté envers les malheureux; en leur tendant une main secourable. on leur montre un visage si dur et si sévère, qu'un simple refus eût été moins accablant pour eux, qu'une charité si `sèche et si farouche : car la pitié qui paroît touchée de leurs maux, les console presque autant que la libéralité qui les soulage. On leur reproche leur force, leur paresse, leurs mœurs errantes et vagabondes on s'en prend à eux de leur indigence et de leur misère; et en les secourant, on achète le droit de les insulter. Mais s'il étoit permis à ce malheureux que vous outragez, de vous · répondre: sì l'abjection de son état, n'avoit pas mis le frein de la honte et du respect sur sa langue Qué me reprochez-vous, vous diroitil? une vie oiseuse, et des mœurs inutiles et errantes? mais quels sont les soins qui vous occupnet dans votre opulence? les soucis de l'ambition, les inquiétudes de la fortune, les mouvemens des passions, les raffinemens de la volupté : je puis être un serviteur inutile; mais n'êtes-vous pas vous-même un serviteur infidèle? ah! si les plus coupables étoient les plus pauvres et les plus malheureux ici-bas, votre destinée auroit-elle quelque chose au-dessus de la mienne? vous me

reprochez des forces dont je ne me sers pas; mais quel usage faites-vous des vôtres ? je ne devrois pas manger, parce que je ne travaille point ; mais êtes-vous dispensé vous-même de cette loi? n'êtesvous riche que pour vivre dans une indigne mollesse? ah! le Seigneur jugera entre vous et moi ; et devant son tribunal redoutable, on verra si vos voluptés et vos profusions vous étoient plus permises, que l'innocent artifice dont je me sers pour trouver du soulagement à mes peines.

Oui, mes Frères, offrons du moins aux malheureux des coeurs sensibles à leurs misères; adoucissons du moins par notre humanité le joug de l'indigence, si la médiocrité de notre fortune ne nous permet pas d'en soulager tout-à-fait nos frères. Hélas! on donne dans un spectacle profane, comme autrefois Augustin dans ses égaremens, des larmes aux aventures chimériques d'un personnage de théâtre; on honore des malheurs feints, d'une véritable sensibilité; on sort d'une représentation, le coeur encore tout ému du récit de l'infortune d'un héros fabuleux et votre frère que vous rencontrez au sortir de là couvert de plaies, et qui veut vous entretenir de l'excès de ses peines, vous trouve insensible? et vous détournez vos yeux de ce spectacle de religion! et vous ne daignez pas l'entendre? et vous l'éloignez même rudement, et achevez de lui serrer le cœur de tristesse? Ame inhumaine! avez-vous donc laissé toute votre sensibilité sur un théatre infàme? le spectacle de Jésus-Christ souffrant

dans un de ses membres n'offre-t-il rien qui soit digne de votre pitié ? et faut-il faire revivre pour vous toucher, l'ambition, la l'ambition, la vengeance, la volupté, et toutes les horreurs des siècles païens?

L'aumône est un gain; c'est une usure sainte; c'est un bien qui rapporte ici-bas même au centuple. Vous vous plaignez quelquefois du contretemps de vos affaires; rien ne vous réussit; les hommes vous trompent; vos concurrens vous supplantent; vos maîtres vous oublient; les élémens vous contrarient ; les mesures les mieux concertées échouent associez-vous les pauvres; partagez avec eux l'accroissement de votre fortune; augmentez vos largesses à mesure que votre prospérité augmente; croissez pour eux comme pour vous alors le succès de vos entreprises sera l'affaire de Dieu même; vous aurez trouvé le secret de l'intéresser dans votre fortune; et il préservera, que dis-je? il bénira, il multipliera des biens où il verra mêlée la portion de ses membres affligés.

C'est une vérité confirmée par l'expérience de tous les siècles on voit tous les jours prospérer des familles charitables : une providence attentive préside à leurs affaires : où les autres se ruinent, elles s'enrichissent: on les voit croître, et l'on ne voit pas le canal secret qui porte chez elles l'accroissement: ce sont de ces toisons de Gédéon toutes couvertes de la rosée du ciel, tandis que

toutes

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