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car,

hors du néant, tout s'enchaîne, tout s'appuie mutuellement. Les esprits comme les corps n'ont de vie que celle qu'ils reçoivent à condition de la communiquer. Pas un être qui ne se doive aux autres êtres, parce qu'il leur doit tout ce qu'il est.

De ces relations réciproques naît l'ordre, qui se maintient par l'autorité et l'obéissance. Mais, fatigué d'obéir, l'orgueil ne veut plus reconnoître d'autorité. L'homme s'est dit: Je serai mon maître. On ne croit que soi, on n'aime que soi, on ne rapporte rien qu'à soi; et qu'estce que cela, sinon le renversement de la société? car la société consiste dans la croyance de certaines vérités sur le témoignage général, dans l'amour des autres, et dans le dévouement que produit cet amour. Société signifie union, et là où tout se sépare et devient individuel, chacun dès lors se trouve dans l'impossibilité de se défendre contre tous, ou dans l'impossibilité d'exister: d'où il suit que le sacrifice de soi, seul principe d'ordre, est aussi le seul moyen de conservation.

Ceci nous conduit à examiner sous un nou

veau rapport, les deux doctrines dont nous avons exposé les effets divers. L'une, comme on l'a dû remarquer, n'est que le christianisme ou la religion traditionnelle que tous les peuples ne connoissent pas, ou n'admettent pas dans son entier développement, mais à laquelle cependant ils doivent ce qu'il y a de vrai, et par conséquent d'utile, dans leurs religions particulières. L'autre est cet assemblage d'opinions incohérentes qu'on a nommé philosophie, et qui, par une pente plus ou moins rapide, viennent se perdre dans l'athéisme.

Nous montrerons ailleurs que chaque croyance ou chaque opinion produit un sentiment qui lui est analogue. Prenons pour exemple cette grande loi sociale : Tu honoreras ton père et ta mère (1). De ce précepte admis résultent le respect et l'amour des parens, des supérieurs, de Dieu même, de qui toute paternité tire son nom (2), dit saint Paul. De cette maxime, Tu ne dois rien qu'à toi, dérive au contraire l'amour ex

(1) Exod. XX, 12.

(2) Ex quo omnis paternitas in cælis et in terra nominatur. Ep. ad Ephes. III, 14.

clusif de soi-même. Si l'on considère les hommes en masse et non tel individu, et dans chaque homme l'ensemble des actions et non telle action particulière, la règle que nous venons d'établir est sans exception.

Nous l'avons appliquée à une seule loi, mais elle s'applique bien mieux encore à un système entier de doctrine; et comme toute doctrine découle d'un principe général, dont les autres ne sont que des conséquences, à ce principe général répond toujours un sentiment général aussi, qui manifeste le caractère de la doctrine.

La souveraineté de Dieu, raison suprême, est le principe général du christianisme; et il en résulte un devoir général, qui est une obéissance libre à Dieu premièrement, et ensuite au pouvoir politique et au pouvoir domestique, à cause de Dieu. Or une obéissance libre, est une obéissance d'amour; c'est un sacrifice, et point de sacrifice sans amour. L'amour est donc le sentiment général des chrétiens.

Que voyons-nous, en effet, chez les hommes qui adorent Jésus-Christ, qui l'adorent en esprit

et en vérité (1)? à quel caractère les reconnoît-on? N'est-ce pas précisément à cet amour immense, universel, qui, chaque jour, sous nos yeux, inspire tant de nobles dévouemens et produit tant de merveilles? Amour de Dieu, amour du Roi, amour plus inflexible que l'enfer et plus fort que la mort (2); amour du prochain. toujours prêt à se répandre en bienfaits, en services, en consolations; amour des ennemis même, qui consiste, non dans l'oubli des torts, car l'oubli n'est pas une vertu (3), mais dans une disposition constante à les pardonner; amour de l'ordre, et dès lors aversion de la licence et amour de la liberté qui n'est qu'une pleine conformité à l'ordre; amour des lois qui maintiennent cet ordre; amour des magistrats qui font régner les lois; en un mot, amour

(1) Jean, IV, 23.

(2) Fortis est ut mors dilectio, durasicul infernus æmulatio. Cant. VIII, 6.

(3) Among our crimes oblivion may be set.

L'oubli peut être compté parmi nos crimes.

Sur le Couronnement de Charles II, par Dryden.

dans l'État, dans la famille; amour de tous les hommes, civilisés ou sauvages, jusqu'à mourir pour les sauver; amour sans réserve et sans bornes, parce que la perfection où l'homme social est appelé n'en a point.

Les doctrines philosophiques, toutes négatives, ou, ce qui est la même chose, toutes destructives, ont pour principe général la souveraineté de l'homme. L'homme qui se déclare souverain se constitue, par cela seul, en révolte contre Dieu et contre tout pouvoir établi de Dieu. Or qui se révolte hait; la haine est donc le sentiment général qu'enfantent les doctrines philosophiques.

Et qui pourroit en douter après notre révolution? Que s'est-il passé depuis trente ans? Qu'apercevons-nous encore? Ces passions qui se remuent, ces soulèvemens, ces forfaits inouïs, n'est-ce pas la haine dans ce qu'elle a de plus violent et de plus atroce? Haine de Dieu : on voudroit abolir, non seulement sa religion, son culte, mais jusqu'à son nom; haine des prêtres, qu'on calomnie, qu'on insulte, qu'on opprime dans l'exercice de leurs fonctions, et que déjà

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