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gouvernement, plus de lois, plus de transactions, plus de commerce, plus de propriétés, plus de justice; car tout cela ne subsiste que par l'autorité, qu'à l'abri de la confiance que l'homme a dans la parole de l'homme : confiance si naturelle, foi si puissante, que nul ne parvint jamais à l'étouffer entièrement; et celui-là même qui refuse de croire en Dieu sur le témoignage du genre humain, n'hésitera point à envoyer son semblable à la mort sur le témoignage de deux hommes. Ainsi nous croyons, et l'ordre se maintient dans la société; nous croyons, et nos facultés se développent, notre raison s'éclaire et se fortifie, notre corps même se conserve; nous croyons et nous vivons; et forcés de croire pour vivre un jour, nous nous étonnerons qu'il faille croire aussi pour vivre éternellement!

Lorsque notre esprit paroît le plus indépendant, lorsqu'il examine, juge, raisonne, il obéit encore à la loi de l'autorité, et il n'est même actif que par la foi; car pour agir il faut vouloir, et point de volonté sans croyance. Comment la raison pourroit-elle opérer avant d'être? Et qu'est-ce que la raison, si ce n'est la vérité connue ? Une intelligence qui ne connoîtroit rien, que seroit-elle? Cherchez dans cette nuit un objet que la pensée puisse saisir. Vous ne trouvez, vous ne voyez que des ombres, parce que la vérité, la lumière n'y est pas. Dieu la retient en lui-même; et ces organes si parfaits, ce corps plein de grâce et de majesté que sa main vient de former avec complaisance, ce n'est pas l'homme encore; mais tout-à-coup

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la parole l'anime : Que l'intelligence soit! et l'homme fut. Dès lors, sans pouvoir s'en défendre et par une invincible nécessité d'être, il croit à la vérité que témoignage lui révèle, et prend par la foi possession de l'existence.

Tel est l'ordre établi par le Créateur; nous ne pouvons l'altérer, il est au-dessus de nos atteintes. Cependant la vérité reçue dans notre intelligence n'y demeure pas stérile; cultivée par la réflexion, elle se développe, elle fructifie : de nouvelles idées paroissent; et nous les jugeons vraies ou fausses, selon la nature des rapports que nous apercevons entre elles et les vérités primitives. Juger n'est autre chose que comparer des idées nouvelles à des idées déjà existantes en nous, et qui n'ont pu elles-mêmes être jugées, puisqu'elles n'ont pu être comparées à rien d'antérieur. Ainsi, pour nous, la vérité, ce sont nos idées premières, et l'erreur, tout ce qui n'est pas compatible avec ces idées; et la logique, qui nous apprend à faire avec méthode ce discernement, n'est que la théorie de la foi (1).

Rappelée à son origine, la raison humaine s'affermit inébranlablement. On la voit, si je l'ose dire, étendre ses fortes racines jusque dans le sein de Dieu. C'est là qu'elle puise la vie. Nous naissons à l'intelligence par la révélation de la vérité; et les vérités premières, reposant sur le témoignage de Dieu, ou

(1) L'objet de la logique, de la vraie du moins, est de nous apprendre quand nous devons croire; or, pour être raisonnables, nous devons croire souvent contre notre jugement particulier.

sur une autorité infinie, ont une certitude infinie (1). Elles constituent notre raison, qui ne peut-être conçue sans elles, et, révélées originairement par la parole, elles se transmettent également par la parole; donc dans la société, et seulement dans la société : parce que la vérité, qui est le bien commun des intelligences, doit être possédée en commun par elles; et aucune intelligence ne pouvant exister qu'à l'aide de certaines vérités nécessaires, on doit retrouver ces vérités dans toutes les intelligences, et le témoignage par lequel elles se manifestent n'a pas moins de certitude que le témoignage de Dieu, parce qu'au fond il n'en diffère pas.

De même notre raison, en tant qu'active, ayant été créée de Dieu pour une fin qui est la connoissance de la vérité, la raison générale ne sauroit errer, ou ne atteindre sa fin: donc le témoignage universel est infaillible.

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Il est visible d'ailleurs que si la raison générale, ou la raison humaine proprement dite, pouvoit errer sur un seul point, elle pourroit errer sur tous les points,

(1) Les idées les plus claires ont été tellement obscurcies dans ce siècle philosophique, qu'il est nécessaire de répondre ici à une question que nous avons entendu proposer quelquefois. Dieu pouvoit-il tromper l'homme ou lui révéler l'erreur? Il y a contradiction dans les termes mèmes; car on ne révèle que ce qui est, et l'erreur n'est pas. Qu'on se représente l'âme humaine comme une capacité vide demander si Dieu y pouvoit mettre l'erreur, c'est demander s'il pouvoit n'y rien mettre ou laisser l'intelligence dans le néant; c'est demander s'il pouvoit à la fois créer et ne pas créer. L'erreur n'est que la négation d'une vérité connue, une destruction; que voulez-vous détruire, là où il n'existe rien?

et dès lors il n'existeroit plus de certitude pour l'homme. L'unique motif qu'ait la raison humaine d'admettre une chose comme vraie, c'est qu'elle lui paroît vraie. Si ce motif pouvoit être trompeur, ses croyances n'auroient plus de base, et Dieu, en donnant à l'homme le désir invincible de connoître la vérité, lui auroit refusé le moyen d'arriver à aucune vérité certaine, ce qui est contradictoire; donc la raison générale est infaillible. Il n'en est pas de même de la rai– son individuelle, et l'on voit pourquoi : l'infaillibilité ne lui est pas nécessaire, parce qu'elle peut toujours, lorsqu'elle se méprend, rectifier ses erreurs en consultant la raison générale.

Ainsi la vie intellectuelle, comme la vie physique, dépend de la société, qui a tout reçu et conserve tout par ces deux grands moyens, l'autorité et la foi, conditions nécessaires de l'existence. Premièrement, société avec Dieu, principe de la vérité, source éternelle de l'être; secondement, société des intelligences créées, que Dieu a unies entre elles, comme il les a unies à lui-même, et par les mêmes lois. Nous n'avons de vie, de mouvement, d'être enfin qu'en lui (1): noble émanation de sa substance, notre raison n'est que sa raison (2), comme notre parole n'est que sa parole.

(1) In ipso enim vivimus, et movemur, et sumus. Act. XVII, 28. (2) « La raison est commune à l'homme avec les êtres célestes et » divins, et avec Dieu même; et c'est pour cela qu'on dit que >> l'homme est fait à l'image de Dieu. Aussi la raison de Dieu ou » son Verbe est aussi son image. Origen. contr. Cels., lib. IV, n. 85. Veut-on entendre maintenant un philosophe païen : « Comme » il n'est rien de plus excellent que la raison, et qu'elle appartient

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Oui, nous sommes quelque chose de grand, et je commence à comprendre ce mot: « Faisons l'homme à >> notre image et à notre ressemblance (1). » Faisons: il y a ici délibération, conseil, quelque haute et secrète société, dont la parole encore est le lien; et je me demande Que seroit donc l'homme seul, l'homme séparé de ses semblables et séparé de Dieu? Je vois son être qui le fuit de toutes part; plus de certitude, plus de vérité, plus de pensée, plus de parole: fantôme muet!... Non, il n'est pas bon que l'homme soit seul (2).

Et quand nous parlons de l'homme, il faut entendre que les mêmes lois régissent toutes les intelligences. Aucun être fini n'a en soi la lumière qui doit l'éclairer; et le plus élevé des esprits célestes, n'existant non plus que parce qu'il croit, n'est pas moins passif que l'homme en recevant les premières vérités, et pour lui comme pour nous la certitude n'est qu'une pleine foi dans une autorité infaillible.

Ne rougissons donc point de nous soumettre à

» à Dieu et à l'homme, il existe premièrement une société de rai» son entre Dieu et l'homme..... Notre âme ayant été produite par Dieu, nous pouvons, à juste titre, réclamer une sorte de pa>> renté avec les êtres célestes, et être appelés une race divine. » De ces considérations et de plusieurs autres, Cicéron en tire cette conséquence remarquable: Donc l'homme est semblable à Dieu. Est igitur, quoniam nihil est ratione meliùs, eaque et in homine et in Deo, prima homini cum Deo rationis socictas....... Animum esse ingeneratum à Deo : ex quo vel agnatio nobis cum cœleslibus, vel genus, vel stirps appellari potest..... Est igitur homini. cum Deo similitudo. De legib., lib. I.

(1) Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram Gen. I, 26.

(2) Non est bonum esse hominem solum. Ibid. II, 18.

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