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donc de sa vérité, qu'il lui communique en se rendant réellement présent à son esprit, et le nourrissant de sa substance: don prodigieux, véritable sacrifice d'amour, accompli aussi par la parole, et dans lequel nous découvrons l'origine, la base, l'indispensable condition de toute société; et Dieu en effet n'a pu parler à l'homme sans entrer en société avec lui, sans lui révéler son être, car le langage même n'est que l'expression générale de l'être, ou de l'Etre universel; et l'on ne sauroit parler sans nommer Dieu, puisqu'on ne sauroit parler sans prononcer ou sans concevoir le mot est; et ce mot merveilleux, le verbe, raison du langage comme le Verbe substantiel est la raison de l'Etre infini, est dans le discours ce que Dieu même est dans l'univers, le fonds dont tout émane (1), le lien qui unit tout, la lumière, la vie, et l'expression propre de la certitude, puisqu'il n'y a même pas d'autre affirmation.

Ainsi l'homme n'a pu exister comme être intelligent, n'a pu parler sans connoître Dieu, et ne l'a pu connoître que par la parole. Donc il est impossible que la parole soit une invention de l'homme (2). Et

(1) Les païens mêmes l'ont remarqué. «Tant que le verbe ne paroît » pas dans la phrase, l'homme ne parle pas; il bruit. » Plutarque, Questions platoniques, ch. IX; trad. d'Amyot.

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(2) C'est le sentiment de Platon; et il est aisé de voir qu'il l'avoit puisé dans les traditions anciennes, dont généralement il s'écartoit moins que les autres philosophes grecs. « La puissance qui a imposé les premiers noms, dit-il, est au-dessus de la puissance hu» maine..... Les dieux ont imposé les premiers noms, et c'est ce qui fait qu'ils sont véritables. » Μείξω τινὰ δύναμιν εἶναι ἤ ανθρω πείαν τὴν θεμένην τὰ πρῶτα ὀνόματα τοῖς πράγματιν.... ὅτι τὰ πρῶτα ὀνόματα οἱ Φεοὶ ἔθεσαν καὶ διὰ ταῦτα ὀρθῶς ἔχει. Plat. in Cratyl. Les

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si l'on en veut une autre preuve puisée dans sa nature particulière, qu'on observe qu'attendu la liaison intime des deux substances, la pensée, comme toutes les autres opérations humaines, a ses organes propres; en sorte qu'à chaque pensée correspond une certaine modification du cerveau, par conséquent quelque chose de sensible, tel que la parole, qui, soit orale, soit écrite, a rapport à plusieurs de nos sens. Une idée donc sans expression seroit une idée qui ne formeroit point de trace dans le cerveau, qui n'affecteroit point l'organe de la pensée; ce qui est contradictoire. Nous nous représentons les objets sensibles, à l'aide de leurs images; les mots sont les images des idées.

Donc, par une suite de sa nature, l'homme, être corporel et intelligent, ne peut pas plus penser sans mots que voir sans lumière (1); donc il n'a pu inventer la

langues n'ont pu être inventées progre ssivement, et, pour ainsi dire, pièce à pièce. Toutes les parties essentielles du discours ont dù exister simultanément; sans quoi ces langues incomplètes n'auroient pu être parlées, ni par conséquent perfectionnées. Aussi les plus anciennes langues connues ne sont-elles nullement inférieures à celles qui se sont formées depuis. Il nous semble même difficile de n'y pas reconnoître une véritable supériorité. Aucun idiome moderne, ni le latin, ni le grec même ne sauroit être comparé à l'hé2 breu, la plus concise des langues, et la plus féconde comme la plus claire dans la concision. Quel nombre prodigieux de combinaisons ne suppose point le seul mécanisme des élémens nécessaires du langage! Or, avant de les combiner, il falloit qu'ils existassent, il falloit qu'ils fussent inventés; et comment les auroit-on jamais inventés, si l'on n'avoit pas auparavant aperçu les rapports ou les combinaisons par lesquelles seules ils deviennent l'expression de la pensée? Aussi Rousseau avoue-t-il que la parole lui paroît avoir été bien nécessaire pour inventer la parole. Au fond l'inventeur du langage auroit inventé la raison humaine.

(1) Sur l'impossibilité que l'homme ait inventé le langage, voyez

parole, puisque cette invention suppose des idées préexistantes, et le besoin, et même le moyen de les communiquer. Donc il a fallu qu'il reçût à la fois les idées et les mots; car les mots, étant d'institution arbitraire, ne réveillent nécessairement par eux-mêmes aucune idée, comme cela se voit tous les jours de peuple à peuple par la diversité des langues.

Ainsi la pensée, la parole, ont été révélées simultanément; et comme toutes vérités sont en Dieu, qui les connoît ou se connoît lui-même, par sa pensée, son intelligence, dont la parole substantielle, le Verbe, est l'éternelle manifestation, la parole extérieure n'est que le moyen dont se sert la parole divine, ou la vérité essentielle, pour se communiquer à notre intelligence, au degré qu'il lui plaît ; et soit que nous remontions à l'origine de la race humaine, soit que nous en considérions à part chaque individu, la parole, le Verbe est véritablement, et en tous sens, la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (1), el ce souffle de vie qui anime son intelligence (2).

Mais, pour mettre en sa pleine évidence la grande loi de l'autorité, et la réduire à un fait palpable, qui doute que l'homme ait reçu, au moment où il sortit des mains du Créateur, tout ce qui lui étoit nécessaire pour se conserver et se perpétuer comme être intelli

l'excellente dissertation de M. de Bonald: Recherches philosophi– ques, etc., tom. I.

(1) Erat lux vera, quæ illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. Joan. I, 9.

(2) Et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ, et factus est homo in animam viventem. Gen. II, 7.

TOME 2.

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gent, aussi bien que comme être physique (1)? Donc la pensée, donc la vérité, donc la parole, nécessaire au moins pour communiquer la pensée et transmettre la vérité, noble héritage de vie substitué à toutes les générations humaines; et cette première révélation, en expliquant notre existence, incompréhensible sans elle, explique encore notre intelligence, et nous en montre le fondement dans les vérités essentielles reçues à l'origine, et invinciblement crues sur le témoignage de Dieu, dont l'autorité devient aussi la base de la certitude, et la raison de notre raison.

Dieu ne dira pas tout à l'homme, mais il lui dira tout ce qu'il est nécessaire qu'il sache, et qu'il ne peut apprendre que de lui. Il lui révèle d'abord son être, sans quoi la pensée comme la parole seroient impossibles; il lui révèle les rapports qui existent entre lui et Dieu, entre lui et ses semblables, parce qu'il doit vivre en société avec Dieu et avec ses semblables, et qu'il ne peut même vivre que dans cette société; et

(1) On ne réfléchit pas assez à la multitude de choses qu'il est indispensable que nous connoissions pour nous conserver, et que par conséquent Dieu a dû révéler au premier homme. La raison n'aperçoit rien plus clairement que la nécessité de cette révélation primitive, et il n'est point non plus de tradition plus universelle. Tout ce que nous recevons de nos parens et de l'éducation, les auteurs de la race humaine l'ont reçu immédiatement du Créateur, et cela ne pouvoit pas être autrement. « Nous apprenons en effet par les écrits » de Moïse, dit Origène, que les premiers hommes conversoient fa» milièrement avec Dieu, et qu'il leur envoyoit souvent ses anges. » Il étoit de la bonté et mème de la justice de Dieu, de veiller spé» cialement à la sûreté de l'homme, jusqu'à ce que l'invention des arts et les progrès des connoissances l'eussent mis en état de se » défendre lui-même, et de n'avoir plus besoin du secours des mi»nistres du ciel. » Origen. contr. Cels., lib. IV, n. 80.

l'on voit ici la raison de ce mot profond de l'Évangile : Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît (1). Le royaume de Dieu, c'est la société des intelligences dont il est le monarque; et sa justice, c'est l'ordre ou la réalisation de la vérité. Voilà l'unique nécessaire (2). Le reste, qui n'a de rapport qu'aux organes et à un point imperceptible de notre existence, nous est donné par surcroît. Peu digne d'occuper la pensée, et moins encore de fixer l'amour d'une créature qui connoît et contemple Dieu, le monde physique marche sans notre concours, et pourvoit à nos besoins selon des lois invariables; comme si le Tout-Puissant lui eût défendu de troubler dans ses hautes fonctions l'être qu'il fit à son image; et telle est la grandeur de l'homme, que l'univers tout entier a été livré, comme

un jouet, à sa dispute (3).

Mais la vérité, mais Dieu ne s'est pas révélé à l'homme, seulement pour être l'objet d'une stérile contemplation. Actif par sa nature, et assujetti à des devoirs comme être social, si l'homme connoît c'est pour agir, par conséquent pour aimer; car l'amour est le principe naturel d'action. La vérité naît dans l'entendement par la parole; mais une fois connue, elle produit l'amour, qui détermine les actes par lesquels nous concourons librement au maintien de

(1) Quærite ergo primùm regnum Dei, et justitiam ejus; et hæc omnia adjicientur vobis. Matth. VI, 33.

(2) Porrò unum est necessarium. Luc. X, 42.

(3) Mundum tradidit disputationi eorum. Eccles., III, 11.

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