Oldalképek
PDF
ePub

connoît les bornes de la perversité humaine? «Ce>> pendant, dit Bossuet, la terre porte peu de tels » monstres (1); les idolâtres mêmes et les infidèles >> les ont en horreur. Et lorsque, dans la lumière du >> christianisme, on en découvre quelqu'un, on en » doit estimer la rencontre malheureuse et abomi»nable (2)

[ocr errors]

Mais, disent-ils, on ne comprend pas l'Être infini : puissans génies qui comprennent tout le reste! autrement seroient-ils si choqués qu'on leur proposât de croire, sur des preuves certaines, un dogme incompréhensible? s'élèveroient-ils si fièrement au-dessus de l'idée de Dieu? Ainsi, des choses qu'ils croient, il n'en est aucune qu'ils ne connoissent, qu'ils ne comprennent parfaitement. Que croient-ils donc? Croientils à l'attraction? Oui, sans doute. Ils comprennent donc que les corps agissent à distance l'un sur l'autre à travers le vide? Alors qu'ils nous expliquent clairement ce mode d'action. Croient-ils à la communication du mouvement? Oui encore. Qu'ils nous disent donc ce que c'est que la force, et comment elle se transmet. Est-ce un être physique ? Le comprennent-ils? Si c'est une portion de matière qui passe d'un corps

(1) Il n'est point, dit Cicéron, de peuple si sauvage, si barbare, qui, même en ignorant ce qu'il faut penser de Dieu, ne sache qu'on doit croire à son existence: et l'idée de Dieu est pour l'homme comme un souvenir et une reconnoissance de son origine: Nulla gens est, neque làm immansueta, neque tàm fera, quæ non, etiamsi ignorel qualem habere Deum deceat, tamen habendum sciat : ex quo efficitur illud, ut is agnoscat Deum, qui, undè ortus sit, quasi recordetur el agnoscat. De Legib., lib. I.

(2) Ier sermon pour le 1er dimanche de l'Avent.

dans un autre, on sera contraint de chercher une cause de ce passage, ou une nouvelle force qui le détermine, et ainsi à l'infini. Si ce n'est rien de matériel, comment ce qui n'est pas matériel agit-il sur la matière, et y produit-il des modifications sensibles telles que le mouvement? Croient-ils à la matière ellemême ? Croient-ils à la pensée ? Croient-ils à la vie? Il faut bien qu'ils y croient : la nature leur impose ces croyances et mille autres avec un souverain empire: il faut qu'ils y croient malgré l'impuissance la plus absolue de concevoir jamais ce que c'est que la matière (1), ce que c'est que la pensée, ce que c'est que la vie. Rien ne leur est plus incompréhensible que leur être. Ils ne connoissent rien pleinement; leur science ne se compose que de lambeaux. Non seulement le tout leur échappe, mais ses parties les plus voisines d'eux ne se laissent qu'à peine entrevoir. Leur conception n'est proportionnée à rien de ce qui est, elle se perd dans un atome; et ils veulent clairement comprendre celui qui a créé de rien et cet atome et l'univers! Insensés! qu'ils m'expliquent un grain de sable, et je leur expliquerai Dieu.

Mais je veux étonner leur raison même de sa foi

(1) D'Alembert reconnoît cette impossibilité de comprendre les choses dont on peut le moins douter. Il avoue, en termes formels, « que la nature du mouvement est une énigme pour les philoso»phes; que le principe métaphysique des lois de la percussion ne >> leur est pas moins caché; et que plus ils approfondissent l'idée » qu'ils se forment de la matière et des propriétés qui la représen » tent, plus cette idée s'obscurcit, et paroît vouloir leur échapper. Préface de l'Encyclopédie.

TOME 6.

5

[ocr errors]

blesse je veux leur montrer dans cette vérité qu'ils rejettent à cause des mystères qu'elle renferme, l'idée la plus simple et la plus claire qui puisse entrer dans l'esprit humain ; de sorte qu'excepté un petit nombre d'aveugles, il n'est pas un seul homme qui ne la saisisse aisément dès qu'on la lui présente. Et s'il n'en étoit pas ainsi, d'où viendroit cette croyance unanime, et ce nom même de Dieu entendu de tous les peuples? N'y verra-t-on qu'un simple mot qu'on soit convenu d'adopter sans y attacher de sens? Non, l'absurdité seroit trop grande (1). Mais si ce mot a un sens, et partout le même sens, donc on le comprend ; et quand le genre humain tout entier atteste qu'il comprend, venir déclarer qu'on ne comprend point, ce n'est pas, certes, prouver la force de sa raison, c'est faire ingénument l'aveu de l'imbécillité la plus profonde, ou de la plus surprenante folie.

Mais, pour aller au fond, Dieu n'a de rapport nécessaire qu'à lui-même, tandis que les êtres finis, par cela même qu'ils sont contingens et parties d'un tout, dépendent les uns des autres quant à leur manière d'exister, et d'une cause étrangère quant à leur existence. On ne sauroit donc les concevoir, sans concevoir en même temps cette cause première, centre et

(1) Quelques peuples n'ont même pas de nom particulier qui réponde à celui de Dieu. Ils désignent l'Être infini, soit par sa notion essentielle, soit par quelqu'un de ses attribuis. Les uns l'appellent le grand Esprit, d'autres le Créateur des cieux et de la terre, le souverain Monarque du ciel, le Maître de la vie, le Roi spirituel, etc. Ici l'athée apparemment ne dira pas de Dicu: C'est un mot. Non, c'est une idée, une croyance, et partout la même.

[ocr errors]

raison de tous les êtres; elle est le terme de toutes nos pensées, et c'est uniquement en elle que notre esprit, errant d'effet en effet, peut trouver un point de repos. De plus, dès que l'être seul est l'objet de nos conceptions, le néant n'étant point intelligible, l'idée la plus naturelle, la plus lumineuse, est nécèssairement celle de l'Etre sans restriction, sans bornes, de l'Être un qu'on a défini en disant qu'il est. Cette immense idée n'est pas seulement en harmonie avec notre intelligence, elle est notre intelligence même : et voilà pourquoi l'athée, en niant le souverain Être, est forcé de nier tous les êtres, de se nier lui-même, et ne peut rien affirmer, rien énoncer, parce qu'il ne peut prononcer le mot est, qui est le nom propre de Dieu (1).

(1) Ceci étoit écrit lorsque nous avons trouvé la même observation, développée avec une étendue que notre plan ne comportoit pas, dans les Recherches philosophiques sur les premiers objets des connoissances morales, par M. de Bonald: ouvrage aussi remarquable par la profondeur des vues et la force du raisonnement, que par la noblesse du style et la constante élévation des pensées. Guidé par la mème foi que ce philosophe illustre, et d'autant plus grand qu'il est plus chrétien, nous avons eu plusieurs fois le bonheur de rencontrer les mêmes vérités; comme une simple nacelle, en se dirigeant sur le même point des cieux, peut aborder aux mêmes rivages que le vaisseau roi de l'Océan. Et puisque nous avons nommé M. de Bo nald, qu'il nous soit permis de le citer lui-même en preuve de cette Providence qui veille sur les peuples, et donne, quand il le faut, certains hommes la haute mission d'annoncer les vérités devenues nécessaires, et de défendre contre l'orgueil et les erreurs de l'homme la cause de Dieu éternellement attaquée, et éternellement victo rieuse. Je ne crains point de le dire, l'auteur de la Théorie du pou · voir politique et religieux, de la Législation primitive, etc., a été, dans ce siècle de désordre et de ténèbres, le fondateur des dernières espérances qui restent peut-être aux nations, et le bon génie de la société.

L'athéisme n'est donc pas, à proprement parler, une doctrine, une opinion, mais un désordre mental, le terme extrême de l'égarement de l'esprit, ou l'extrême folie; et l'on ne doit pas plus argumenter contre celui qui nie Dieu, ou se fait Dieu, car c'est au fond la même erreur (1), que contre l'insensé qui se croit roi. Dès qu'on oppose sa raison à la raison de tous les hommes, qu'on nie le témoignage du genre humain, il n'y a plus rien de commun entre les intelligences, plus de base sur laquelle on puisse asseoir un raisonnement; et si l'athée étoit conséquent, s'il pouvoit l'être, sa raison, sans point d'appui, essaieroit vainement de sortir de sa stupide immobilité.

Enfin voilà où l'homme en peut venir à force d'orgueil. Il prendra l'auteur de la vie et la vie même en haine. Aveugle et lâche jusqu'à se flatter de vaincre ses immortelles destinées, on le verra, s'isolant de tout ce qui est, travailler ardemment dans les ténèbres à se creuser un sépulcre éternel. Misère infinie d'un être dont toutes les pensées, toutes les espérances relèvent du néant! mais désordre plus effroyable! De là cette épouvante qui saisit les peuples, cette horreur profonde qu'ils manifestent à la vue d'un homme sans Dieu; horreur aussi naturelle que celle du meurtre :

(1) Aussi l'athéisme pratique, ou l'oubli de Dieu, et l'athéisme dogmatique ou la négation de Dieu, conduisent-ils très promptement à l'adoration de l'homme. L'idolâtrie en est un exemple; mais rien n'approche en ce genre de ce que nous avons vu de nos jours, et le culte de la déesse Raison passe de bien loin toutes les extravagances et tous les crimes qui étoient connus jusqu'alors.

« ElőzőTovább »