Oldalképek
PDF
ePub

>> Soumets ta raison; autant m'en peut dire celui qui >> me trompe : il me faut des raisons pour soumettre

>> ma raison.... Nul homme n'étant d'une autre es» pèce que moi, tout ce qu'un homme connoît natu— >> rellement, je puis aussi le connoître, et un autre >> homme peut se tromper aussi bien que moi : quand » je crois ce qu'il dit, ce n'est pas parce qu'il le dit, >> mais parce qu'il le prouve (1). Le témoignage des >> hommes n'est donc au fond que celui de ma raison » même, et n'ajoute rien aux moyens naturels que >> Dieu m'a donnés de connoître la vérité. Apôtre de » la vérité, qu'avez vous donc à me dire dont je ne >> reste pas le juge (2)? »

Un apôtre de la vérité attendroit probablement, pour répondre, que le paroxysme de l'orgueil fût calmé; après quoi il n'auroit d'autre peine que de choisir, parmi les absurdités dont ce discours abonde,

(1) Qu'est-ce que connoilre naturellement? Est-ce connoitre par soi-même sans aucun secours extérieur ? L'homme alors ne connoitroit rien naturellement, ou sa nature seroit de ne rien connoître. Que si, au contraire, sa nature, comme être intelligent, est de connoître, il connoit naturellement tout ce qu'il apprend par le témoignage, sans lequel son intelligence ne peut ni naître ni se développer. Mais dès lors il est faux que quand l'homme croit ce que dit un autre homme, ce n'est pas parce qu'il le dil, mais parce qu'il le prouve; car on ne peut prouver quelque chose qu'à celui qui connoît déjà, et qui, par conséquent, a déjà cru sans preuve au témoignage. Le témoignage des hommes n'est donc pas au fond celui de ma raison même tant s'en faut qu'il n'ajoute rien aux moyens naturels (ou individuels) que Dieu m'a donnés de connoître la vérité, que je ne connoitrois jamais la vérité avec ces seuls moyens naturels (ou individuels); et que le moyen vraiment naturel que Dieu m'a donné de la connoître, est précisément le témoignage des autres hommes. (2) Émile, tom. III, pag. 9 et 10.

celles qu'il seroit le moins humiliant de réfuter. Pour nous, en ce moment, nous ne voulons que constater le principe philosophique, selon lequel chaque homme doit discerner la vraie religion par sa raison seule.

Et cela posé, qui ne penseroit que la philosophie a dans la raison une confiance sans bornes? qu'elle la croit capable de discerner avec certitude le vrai du faux, et de découvrir clairement tout ce qu'il importe à l'homme de connoître? On en va juger.

« Notre raison, c'est Bayle qui parle, n'est propre » qu'à brouiller tout, qu'à faire douter de tout; elle » n'a pas plus tôt bâti un ouvrage qu'elle nous montre >> les moyens de le ruiner. C'est une véritable Péné>>lope qui, pendant la nuit, défait la toile qu'elle >> avoit faite pendant le jour. Ainsi le meilleur usage » qu'on puisse faire de la philosophie est de con>>noître qu'elle est une voie d'égarément; et que >> nous devons chercher un autre guide, qui est la » lumière révélée (1). >>

à

Selon Voltaire, « tout ce qui nous environne est » l'empire du doute (2). » D'Alembert lui écrivoit, propos du Système de la nature : « C'est un ter>> rible livre; cependant je vous avoue que, sur l'exi>> stence de Dieu, l'auteur me paroît trop ferme et >> trop dogmatique, et je ne vois en cette matière que >> le scepticisme de raisonnable. Qu'en savons-nous?

(1) Dictionnaire crit., art. Bunel, pag. 740, col. 1. Edit. de 1720. (1) Lettre de Vollaire à d'Alembert, du 12 octobre 1770.

>> est, selon moi, la réponse à presque toutes les questions métaphysiques (1).

[ocr errors]

Le même philosophe regardoit comme insolubles les objections de Barclay contre l'existence de la matière, qui paroissoit également douteuse à Helvétius et à Condorcet. Diderot nie tout, croit tout et doute de tout, au gré de son imagination ardente et mobile.

Mais pour ne citer que les seuls déistes, et parmi ceux-ci, que les chefs, de quel symbole commun, de quelle morale commune ont-ils jamais pu convenir? Qu'on se rappelle ce que nous avons dit de leurs contradictions et de leurs incertitudes, en examinant les fondemens du second système d'indifférence (2). Ils ne peuvent pas même s'assurer de deux principaux dogmes sur lesquels reposent nécessairement toute religion. «<La raison, dit Rousseau, peut douter de >> l'immortalité de l'ame (3). » Voltaire va plus loin; à son avis, « ce système, Il n'y a point d'âme, le plus >>hardi et le plus étonnant de tous, est au fond le plus >> simple (4). »

L'auteur d'Émile admettoit deux principes coexistans de toute éternité, Dieu et la matière. Jamais il ne se départit de cette opinion (5), qui mène directement à l'athéisme. Du reste il n'étoit pas peu frappé

(1) Lettre du 25 juillet 1778.

(2) Vide tom. I, chap. IV et V.

(3) Lettre à Voltaire, du 18 août 1756.

(4) Lettre de Memmius.

(5) Voyez ses Confessions. Dans l'Émile, il laisse cette question en doute.

de la difficulté d'établir l'existence de Dieu par la raison. « Ce n'est pas, dit-il, une petite affaire de con>> noître enfin qu'il existe; et quand nous sommes par>> venus là, quand nous nous demandons Quel est-il ? » où est-il? notre esprit se confond, s'égare, et nous ›› ne savons plus que penser (1). »

Si notre esprit se confond, s'égare, quand nous nous demandons ce qu'est Dieu, nous ne pouvons nous former de lui aucune notion certaine. Comment affirmerons-nous qu'il est bon, juste, puissant, intelligent, si nous ne savons qu'en penser ? Le raisonnement ne trace dans notre esprit que des idées confuses de la divinité (2), c'est vous qui le dites; vous ajoutez que notre esprit s'égare lorsqu'il cherche à résoudre cette question : Qu'est-ce que Dieu? qu'ainsi nous ne pouvons connoître aucun de ses attributs. Ces attributs font cependant partie des vérités éternelles que votre esprit conçoit, puisque, selon vous, c'est par eux seuls que nous concevons l'essence divine (3). Que conclure donc de vos principes? Je vous laisserai répondre vous-même : « Si les vérités éternelles que mon esprit >> conçoit pouvoient souffrir quelque atteinte, il n'y >> auroit plus pour moi nulle espèce de certitude; et loin >> d'être sûr que vous me parlez de la part de Dieu, » je ne serois pas même assuré qu'il existe (4). » Ainsi la logique l'emporte, et, en dépit de votre résis

(1) Émile, tom. II, pag. 255.

(2) Ibid., tom. III, pag. 16. (3) Ibid.

(4) Ibid., pag. 24.

tance, elle vous pousse jusqu'au scepticisme absolu. Au reste, pour réfuter votre système, nous n'avons pas besoin de longs raisonnemens; il suffit de vos aveux. Que prétendez-vous? Que nous rappelions à l'examen de la raison tout ce qu'on nous enseigna dès notre enfance. Voilà ce que vous demandez, et voici ce que nous répondons : « Trop souvent la >> raison nous trompe; nous n'avons que trop acquis >> le droit de la récuser (1). »

>> Me dire, ajoutez-vous, de soumettre ma raison, >> c'est outrager son auteur (2). Il me faut des raisons » pour soumettre ma raison (3). La foi s'assure et >> s'affermit par l'entendement (4). » Vous n'y pensez assurément pas : « Sans la conscience je ne sens rien >> en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste >> privilége de m'égarer d'erreur en erreur, à l'aide » d'un entendement sans règle, et d'une raison sans >> principe (5). >>

Ne voilà-t-il pas deux guides admirables pour nous diriger dans les importantes recherches d'où dépend notre sort éternel! Car, enfin, « parmi tant de reli»gions diverses, qui se proscrivent et s'excluent mu→ >>>tuellement, une seule est la bonne, si tant est qu'une >> le soit. Pour la reconnoître, il ne suffit pas d'en exa>> miner une; il faut les examiner toutes et dans » quelque matière que ce soit, on ne doit point con

(1) Émile, tom. II, pag. 343.

(2) Ibid., tom. III, pag. 18.

(3) Ibid., pag. 9.

(4) Ibid., pag., 18.
(5) Ibid., tom. II. pag. 356.

[ocr errors]
« ElőzőTovább »